« La marque, un véritable enjeu »

14 mars 2009

La maison de Cognac accorde à sa marque une valeur patrimoniale essentielle. Face aux contrefaçons, la société oppose actions préventives et actions plus contentieuses. A ces conditions, elle s’estime plutôt bien protégée, comme l’ensemble des spiritueux. Responsable juridique pour les divisions Cognac et Brandy du groupe Rémy Cointreau, Jean-Christian Lamborelle s’exprime sur le dispositif de protection.

« Le Paysan Vigneron » – Que représente la marque pour une société comme Rémy Martin ?

la_marque_enjeux.jpgJean-Christian Lamborelle – Pour nous la marque est porteuse d’un véritable enjeu. Il s’agit d’une valeur patrimoniale essentielle, sur laquelle repose une bonne part de notre valeur ajoutée, avec la qualité des produits.

« L.P.V. » – Subissez-vous des atteintes et lesquelles ?

J.-C. L. – Nous devons faire face à différents types de contrefaçons, en particulier sur les marchés asiatiques qui représentent des destinations à risque. La contrefaçon relève parfois d’un véritable système mafieux. Des pays sont spécialistes de la fabrication de fausses étiquettes, d’autres de bouteilles pour, au final, retrouver dans le flacon un liquide qui n’a rien à voir avec ce qui est annoncé. Dans ce cas-là, non seulement il y a tromperie mais également risque sanitaire. Le contrefacteur peut aussi jouer sur la notion de produit similaire, avec reprise de la forme de la carafe ou d’une partie de la marque, par exemple Rima Mirta pour Rémy Martin. La confusion s’installe et le consommateur non averti se fait piéger. À l’égard des produits de luxe, l’usurpation du nom vise également d’au-tres catégories de produits, comme par exemple le dépôt de la marque Rémy Martin pour des cigarettes. Si un tel produit parasitaire s’installait dans le paysage, il serait susceptible de nuire à notre image. C’est pour cela que nous mettons en place toute une batterie de protections.

« L.P.V. » – De quelle nature ?

J.-C. L. – Il y a d’abord l’action préventive qui consiste à se servir de l’arsenal juridique de la protection du droit de propriété intellectuelle et industrielle. Nous déposons en permanence l’intégralité de nos marques. Nous protégeons aussi la forme de nos carafes, le design de nos étiquettes. Les dépôts s’opèrent auprès de différents organismes comme l’INPI, l’OMPI, l’OHMI, l’OAPI pour les pays africains.

« L.P.V. » – Une structure comme l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) ne suffit-elle pas à couvrir l’ensemble des pays ?

J.-C. L. – Certes, la plupart des Etats y adhèrent mais pas tous. Dans ces conditions, des dépôts individuels s’avèrent indispensables. Dans la mesure où le dépôt de marque est représentatif de taxes, certains pays ont tendance à faire commerce de ces dépôts. Rémy Martin est distribué dans 150 pays. Si nous essayons d’avoir une approche la plus globale possible, dans certaines situations, nous sommes obligés d’agir au coup par coup, afin d’éviter l’irruption de marchés parallèles. Au-delà de cette action préventive, nous travaillons avec un certain nombre de cabinets de marques dans le monde, qui nous fournissent des avis de surveillance sur les différents dépôts de marque, dans le domaine des boissons spiritueuses notamment. Objectif : éviter que notre marque soit parasitée par des marques très proches ou identiques. Pour ce faire, nous sommes amenés à enclencher des actions contentieuses d’opposition au dépôt de marque.

« L.P.V. » – Et quand le mal est fait !

J.-C. L. – En collaboration avec les autorités locales, nous sollicitons les règles de droit du pays. C’est un peu compliqué mais quand le dossier est bien monté, on y parvient. Par ailleurs, il nous arrive de conduire des opérations de terrain pour tenter de débusquer les fraudeurs et remonter les filières (veille commerciale sur les lieux de vente…).

« L.P.V. » – La contrefaçon a-t-elle tendance à se développer ?

J.-C. L. – Ce genre de problème commence à se rencontrer en Europe de l’est et avec l’élargissement à 25, l’UE possède des frontières limitrophes avec des pays aux comportements pas toujours légaux.

« L.P.V. » – Est-ce que ces actions contentieuses sont onéreuses ?

J.-C. L. – Ce sont des opérations extrêmement lourdes. Heureusement qu’il n’y en a pas 150 par an. Ces actions restent ponctuelles mais nous n’avons pas d’autre choix que de les conduire, compte tenu des risques de nuisance à l’image de la marque, de la perte de chiffre d’affaires potentiel lié à la contrefaçon et du risque sanitaire. Nous vendons un produit alimentaire. Face à ces trois problèmes, il faut se battre, pour le Cognac Rémy Martin et pour l’ensemble de groupe Rémy-Cointreau. La marque Cointreau est également très soumise à la contrefaçon.

« L.P.V. » – Externalisez-vous la protection de vos marques ou la gérez-vous en direct ?

J.-C. L. – De plus en plus, nous avons la volonté de reprendre la main sur cette activité et gérer en direct les dossiers. Voilà un an et demi que j’occupe mon poste et le chantier était déjà enclenché avant moi. Il s’agit d’injecter de la valeur ajoutée au sein de l’entreprise et également de maîtriser les coûts. Parce que Rémy Martin possédait déjà un système informatique d’alerte et de gestion des dépôts de marque, nous l’avons étendu à l’ensemble du groupe. C’est ainsi que la plate-forme de protection commune à toutes les marques de CLS-Rémy-Cointreau se trouve ici. Plusieurs juristes spécialisés en propriété intellectuelle travaillent de concert avec des assistantes chargées du formalisme administratif. La gestion d’une marque comme Rémy Martin occupe deux personnes à plein temps, un juriste et une assistante-secrétaire. Des contacts avec l’Union des fabricants, le Comité Colbert permettent d’affûter le discours adressé aux autorités. Par ailleurs, sur certains pays aux règles changeantes, au climat politique instable, nous préférons nous en remettre à des cabinets de propriété industrielle, qui eux-mêmes font appel à des juristes locaux. En la matière, il n’y a pas de règle stricte.

« L.P.V. » – Chez Rémy Martin, combien de marques protégez-vous ?

J.-C. L. – Nous protégeons une gamme d’une quinzaine de produits, dans 150 pays, ce qui représente le suivi d’environ 2 500 dossiers. Car la protection ne se borne pas à la marque. Elle s’étend aussi à la forme de la bouteille, à l’étiquette… Rémy Martin a sorti récemment un nouvel habillage pour son VSOP. Toute évolution du produit nécessite un redéploiement de la protection.

« L.P.V. » – Estimez-vous vos marques bien protégées ?

J.-C. L. – Comme déjà dit, Rémy Martin accorde une valeur patrimoniale de premier plan à sa marque, une donnée qui va de pair avec un vrai attachement de la maison, du groupe et de la famille Hériard-Dubreuil pour le nom et ses déclinaisons. Il a toujours été considéré comme essentiel qu’il n’y ait pas de faille importante dans la protection, sachant que le sort de toute marque de renommée, de marque notoire est d’attirer la contrefaçon. Je pense que nous sommes plutôt bien organisés et bien protégés, comme la plupart des spiritueux d’ailleurs. Certains appartiennent à des grands groupes du luxe. Au-delà du secteur des spiritueux, un groupe comme LVMH a une expérience phénoménale en la matière.

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