« Xaintonge, le magazine du gai savoir

24 octobre 2012

Bi-semestriel – deux numéros par an – le magazine Xaintonge se lit comme un roman. De manière vivante et documentée, il « met en scène » l’identité saintongeaise et sa culture traditionnelle. Sa ligne éditoriale ? Explorer le passé pour mieux éclairer le présent. Fondatrice de la revue, Maryse Guédeau est aux manettes depuis quinze ans.

 

 

p42a.jpg« Moi, j’écris tout toute seule. » Chez Maryse Guédeau, il n’y a pas là matière à vantardise. Mais comme un styliste réalise ses croquis lui-même, un journal tel que Xaintonge ne se délègue pas. Trop personnel, trop impliquant. Maryse Guédeau s’empare d’un sujet et en fait le tour. Il y a un petit côté encyclopédique dans sa démarche. Parle-t-elle de la vigne ! Elle va remonter aux Romains et bien au-delà, faisant appel aux archéologues car, dit-elle en riant, « comme je ne peux pas trouver le bon Dieu, je trouve les archéologues ». Même chose pour les carrelets, ces cabanes en bord de mer, « bien plus que des cabanes » ou la cuisine du cochon, son best-seller. En bonne journaliste, M. Guédeau a l’art de révéler un univers dans une goutte d’eau.

Dans « une autre vie », Maryse Guédeau, après des études de droit à Poitiers, fut rédactrice en chef pendant huit ans de la très sérieuse et très pointue Lettre de la décentralisation. « Nous n’étions qu’une poignée de journalistes spécialisés dans les collectivités locales » souligne-t-elle. A la naissance de son second enfant, elle n’a pas envie « de l’élever dans les jardins publics ». Elle opère donc un retour en sa terre natale, Saint-Hilaire-de-Villefranche. Elle fonde, il y a une quinzaine d’années, Xaintonge, journal « militant » d’une certaine forme de réappropriation de la culture régionale et d’un art de vivre. « Nous ne sommes pas des pions qui agissons par hasard. Nous descendons d’une lignée, d’une histoire. »

Xaintonge est écrit en français mais sa rédactrice y glisse plus souvent qu’à son tour du patois. Parce que cela fait sens et puis parce que c’est prétexte à humour. « Il est possible d’écrire sérieux sans écrire triste. »

Le journal se présente « tout couleur », sur beau papier. Il compte en moyenne 36 pages de caractères bien denses. Pour beaucoup de ses lecteurs, il deviendra objet de collection ou, en tout cas, de garde. M. Guédeau prévient : « Ce journal est fait pour ceux qui aiment lire. Les autres, ceux qui se contentent de le feuilleter, n’y pigent rien. » Le journal est conçu comme un roman avec intrigue, progression, suspens, fil conducteur. Justement, ce fil conducteur résiste parfois à la narratrice. « Je peux mettre trois mois à le chercher. ». Ce fut le cas pour le dernier numéro, prévu en juin et pas encore sorti. La fameuse trame narrative fut très longue à éclore. « J’ai patiné, c’était épouvantable ! » Le numéro sur la cuisine charentaise, le dernier paru, a réclamé, lui, deux ans de préparation. Un travail de bénédictin(e). Mais la longue distance n’effraye pas Maryse Guédeau. N’a-t-elle pas « commis » un glossaire charentais de 400 pages qui a réclamé sept ans de labeur. La dame s’est appuyée sur les travaux des grands anciens, Burgaud des Marets, Raymond Doussinet… Une façon de défendre l’identité saintongeaise en plus d’apprivoiser ce patois dont elle fait son miel.

Chemin faisant, Xaintonge s’est retrouvé, à une certaine époque, le porte-drapeau d’une certaine idée de la langue saintongeaise. Allusion à l’épisode assez sanglant – comme peuvent l’être certaines guerres en chambre – qui eu lieu, au milieu des années 2000, entre les tenants d’un Ovni langagier, le poitevin-saintongeais, et les partisans du « saintongeais libre », parlé et écrit tel qu’en lui-même.

p42b.jpgPour défendre « son » saintongeais, celui de ses parents et de ses pairs, Maryse Guédeau monta un collectif, le collectif pour la défense de l’identité saintongeaise. « De 30 au départ, nous nous retrouvâmes 4 à l’arrivée » décrit-elle non sans une bonne dose d’autodérision. Depuis, elle reconnaît s’être un peu détachée du dossier, sans doute par réflexe salvateur. « Ce fut une période très dure de ma vie » avoue-t-elle. Entre-temps, le collectif réussi, en 2007, à faire classer le saintongeais comme « Langue de France » auprès de la DGLFLF (1), un organisme qui dépend du ministère de la Culture et de la Communication. Une victoire ! Pourtant, de cet incendie linguistique, restent des cendres, encore rougeoyantes.

Mais au fait ! D’où vient le mot Xaintonge ? La créatrice du magazine affirme qu’il figure, dans cette orthographe, sur des cartes anciennes. Une manière, aussi, de s’exonérer d’une assimilation trop étroite à la Saintonge, par rapport à l’Angoumois ou à l’Aunis. Car l’éditeur du journal souffre des querelles de clocher entre les anciennes provinces. « Quand je fais un numéro sur Champlain, les Angoumoisins s’en fichent et quand j’écris sur la vigne, les Rochelais le snobent ». Frontières, que ne fait-on en ton nom…

Tiré à 5 000 exemplaires, le magazine Xaintonge est diffusé sur abonnement et en kiosque. On peut aussi l’acheter sur internet, en se rendant sur le site de la revue. Pour soutenir son projet éditorial, Maryse Guédeau a monté une librairie et créé une association des amis de Xaintonge. Le magazine se vend 7,80 € chez les marchands de journaux. Un prix plus qu’abordable mais « qui va chapt-it, va loin. »

www.xaintonge.fr

(1) Délégation générale à la langue de France et aux langues de France.

 

 

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