Avec 200 millions de bouteilles de Whisky vendues en France* (contre moins de 5 millions de bouteilles pour le Cognac), le marché français du Whisky bat des records. Il se classe au premier rang mondial pour la consommation de Scotch Whisky et au 3e rang pour la catégorie des Whiskies en général. Autant dire que « c’est du lourd ». La saga du « whisky à gogo » – le nom du bar ouvert par Paul Pacini au Palais Royal à Paris et tenu un temps par la jeune Régine – démarre pendant et au sortir de la seconde guerre mondiale. Elle surfera sur « l’envie d’Amérique » et constituera « une aventure générationnelle. » Durant plusieurs décennies, le Whisky servira aussi de « marqueur social ». Aujourd’hui, on parle plus volontiers de « Celt’attitude » – l’intérêt généré par la culture celte – ainsi que du brin de snobisme qui gagne les amateurs de Malt à l’égard des simples consommateurs de Blend. Il faut dire que la multiplicité de l’offre des Whiskies – portée par une palette aromatique très large – alimente l’exclusivisme et le sentiment très gratifiant de se vivre en « connaisseur ». Sans relayer forcément ce genre d’attitude, Whisky magazine joue à fond le rôle de passeur, d’introducteur des consommateurs dans un monde riche et complexe, celui des Whiskies. Et il s’apprête à faire de même pour le Cognac et pour le Rhum. Philippe Jugé, éditeur délégué du journal, caractérise la ligne éditoriale du titre de la manière suivante : « Nous sommes plutôt un magazine Art de vivre, plus proche de l’Amateur de Bordeaux ou de l’Amateur de cigare que de Rayon boissons. A cette dimension “épicurienne” nous associons volontiers un regard plus technique sur les modes d’élaboration, de distillation. »
En elle-même, l’histoire du journal n’est pas banale. Elle débute il y a huit ans quand l’éditeur anglais de Whisky magazine, Paragraph Publishing, cherche un partenaire pour lancer une édition française (à côté des éditions espagnole et nippone). Sur le moteur de recherche de Google, il tombe sur La Maison du Whisky, à Paris, propriété de Georges et Thierry Benitha. Marché conclu ! L’édition française de Whisky magazine devient filiale à 100 % de LMDW (La maison du Whisky) mais, de manière fonctionnelle, conserve ses liens avec l’éditeur anglais. Encore aujourd’hui, six ans et demi après son lancement, Whisky magazine France est alimenté à 80 % par Whisky magazine UK. Une petite dizaine de contributeurs participent régulièrement à la rédaction du magazine. Le journal compte environ 4 500 abonnés en France. Il est aussi distribué auprès d’une grosse centaine de cavistes et lu en Belgique et au Canada. En tout, l’éditeur estime que chaque numéro passe entre les mains d’environ 10 000 personnes (tirage plus important).
rhum et cognac
Le magazine s’apprête – si ce n’est déjà fait – à sortir une nouvelle formule. Désormais, il s’appellera Whisky Mag and Fine Spirits. Comme sa dénomination l’indique, il continuera à parler de Whisky mais intégrera de manière plus franche les autres spiritueux dont, au premier chef, les Rhums et les Cognacs. De bimestriel, il devient trimestriel. Que justifie cette évolution de la ligne éditoriale ? « Nous nous sommes aperçus, explique Philippe Jugé, que les amateurs de Whisky – capables d’apprécier l’extraordinaire palette aromatique des Whiskies, des Islay très tourbés aux Whiskies affinés en fûts de vin – étaient souvent les mêmes qui aimaient les alcools vieillis, Rhum, Calvados, Armagnac, Cognac, un peu moins les alcools blancs. Par ailleurs, une raison un peu plus « professionnelle » plaide pour ce rapprochement. Le journal entretient des liens étroits avec les cavistes. Or, les cavistes s’intéressent de plus en plus aux spiritueux. Il faut dire que la grande distribution leur a taillé des croupières sur les vins et ils ont eu très peur avec les Champagnes l’an passé. Ainsi leurs rayons s’enrichissent chaque année davantage de spiritueux. Il n’est pas rare de retrouver dans de bonnes adresses 100 à 200 références de Whisky et autant d’autres spiritueux. Nous avons envie d’accompagner et même d’anticiper ce mouvement. Whiskies et Rhums ont vraiment le vent en poupe chez les cavistes tandis que la Tequila frémit. » Et le Cognac ? Ph. Jugé répond sans fard à la question : « Si le Cognac dégage la même notion de plaisir à la dégustation, il pâtit, en France, d’une image pas très folichonne et sa palette aromatique est peut-être un peu moins large que celles du Whisky ou du Rhum. Il s’agit d’un léger handicap qui s’explique, selon moi, par des raisons réglementaires. L’appellation Cognac est tellement encadrée qu’elle a un peu de mal à se renouveler. Toutes les eaux-de-vie se ressemblent un peu. A l’international, les maisons se rattrapent par une très grande créativité au niveau du packaging. Mais en France, ça ne marche pas. Les Français ne sont pas réceptifs au packaging. »
* Pour préciser l’échelle volumétrique du Whisky en France, le marché du Cognac, partout dans le monde, représente 160 millions de bouteilles, à comparer aux 200 millions de bouteilles du Whisky en France.
0 commentaires