Quota d’exploitation : « Un avantage de compétitivité, pour tous »

23 février 2011

La Rédaction

Pourquoi reparler du quota d’exploitation, sujet déjà traité dans le journal en décembre 2010* ? Parce que le SVBC a souhaité exercer une sorte de « droit de réponse ». Le syndicat conteste en effet l’idée, reprise en fin d’article, selon laquelle « le système favoriserait, objectivement, les viticulteurs les mieux placés auprès des acheteurs. » A quelques mois des élections à l’ODG Cognac, cette réaction du syndicat confirme en tout cas la place centrale occupée par le quota d’exploitation dans la stratégie du SVBC. Mais le quota d’exploitation, en tant qu’instrument juridique, entre aussi en résonance avec un dossier beaucoup plus transversal, celui de la libéralisation des droits de plantation. Au moins deux bonnes raisons d’accéder à la demande du syndicat.

* Sous le titre « SVBC, la thématique de la souplesse » article paru dans « Le Paysan vigneron » n° 1112.

 

prioton_roy.jpgExpliquer, convaincre, faire œuvre de pédagogie au sujet du quota d’exploitation… A l’automne 2010, François-Jérôme Prioton et Stéphane Roy* s’étaient déjà attelés à la tâche. Les mêmes récidives pour, disent-ils, « préciser certains points mal compris ou mal expliqués ». En préambule, ils reviennent sur l’intérêt que représenterait, selon eux, le quota d’exploitation. La grande idée est de considérer « qu’il ne sert à rien de produire pour détruire ». La thèse du SVBC ! « Si les excédents, sous toutes leurs formes, représentent 20 % de la production “cépages double fin”, autant arracher de manière temporaire ces 20 % et, du coup, gagner 20 % de compétitivité sur les ha restants. » Pour expliciter les choses, est pris régulièrement l’exemple d’une exploitation de 20 ha de vignes. « Admettons que, droits en portefeuilles compris, vous possédiez 20 ha de vignes. Vous détenez donc 20 droits à produire. Si le rendement régional Cognac s’élève à 9 de pur/ha, le potentiel de production atteint, lui, 180 hl AP. Le quota d’exploitation revient, à un instant T, à figer ce potentiel. Après, libre à chacun de l’exercer sur la surface qu’il souhaite. Si vous estimez que vos terrains vous permettent de viser 10 de pur/ha, vous n’aurez besoin que de 18 ha pour produire les 180 hl AP qui représentent votre “quota d’exploitation”. Vous pourrez donc arracher de manière temporaire les 2 ha en trop. Ceux qui arracheront profiteront ainsi directement de leurs efforts de productivité. Ils bénéficieront d’un avantage concurrentiel par rapport à ceux qui n’arrachent pas. » A ce stade, les représentants syndicaux n’oublient pas d’ajouter une précision d’importance : « Le quota d’exploitation ne changerait rien aux droits à produire. Dans le cas présent, ce serait toujours 180 hl AP pour tout le monde, sans possibilité de dérives. Simplement, le rendement de l’exploitation serait différent du rendement régional. Et bien sûr le système est ouvert à tous. Tout le monde n’y rentrera pas et surtout pas à reculons mais tout le monde doit pouvoir en bénéficier. »

Les membres du SVBC louent la souplesse du système. « Les viticulteurs n’auraient de compte à rendre à personne pour décider de réaliser leur quota sur 80 ou 90 % de leurs surfaces. » A contrario, ils critiquent « l’attitude normative trop fréquemment en vigueur ». « Certains viticulteurs ont besoin de rendements beaucoup plus élevés pour couvrir leurs coûts de production, notamment les jeunes qui s’installent, les viticulteurs qui veulent stocker, monter une chaudière… Chez d’autres au contraire, le coût moyen sera plus bas. Le quota d’exploitation offrirait à chacun la possibilité de s’adapter en toute liberté. » Car, bien sûr, le système serait volontaire.

On l’aura compris ! Pour les représentants du SVBC, le quota d’exploitation s’assimile à « une vraie mesure économique ». Ils la voient jouer en synergie avec la réserve climatique et, mieux encore, avec la réserve de gestion. « En donnant les moyens de réaliser un stock tampon, un stock de sécurité, la réserve de gestion s’inscrit en parfaite cohérence avec le quota d’exploitation. »

Produire plus propre… Parmi la longue liste des avantages dressée par le syndicat, l’argument « éco-phyto » arrive en tête. « Le Grenelle de l’environnement nous recommande de produire toujours plus propre. A échéance 2018, la consommation d’intrants devrait avoir baissé de 50 %. Dans ces conditions, comment admettre de jeter 20 à 30 % de la récolte ! Produire pour détruire, ce n’est pas tenable. Les viticulteurs ne veulent plus de ça. »

régénérer le vignoble

Le quota d’exploitation est également « vendu » comme un moyen efficace de lutter contre les maladies du bois, par la facilité qu’il procurerait à « régénérer le vignoble ». « Cette année, les maladies du bois touchent 7 % des pieds. Avec de tels taux d’atteinte, il paraît difficile d’espérer fournir dans 15-20 ans les 750 000 hl AP de Cognac qui ressortent du “business plan” viticulture/négoce. Seule une vigoureuse politique d’arrachage et de replantation pourrait pallier la baisse de productivité. Quand le quota d’exploitation a fonctionné, entre 1998 et 2005, des surfaces importantes furent renouvelées. » Les représentants viticoles insistent sur un détail pratique : le manque de terres disponibles sur les exploitations « hyper-spécialisées » « Sur les exploitations 100 % viticoles, la terre manque pour replanter, depuis la disparition des moyens techniques de désinfection. Le quota d’exploitation réglerait aussi cette problématique-là. »

N’hésitant pas à pratiquer l’art du contre-pied, les représentants du SVBC ne sont pas loin de décrire l’affectation des surfaces comme « la mère nourricière » de la concentration des exploitations. « Que cherche-t-on avec l’affectation ? Un volant de vignes susceptible de revenir vers le Cognac, le cas échéant. Sauf que ce poumon engendre un gros problème. Il génère un poids financier énorme. D’où la recherche d’économies d’échelle et, au final, une course à l’agrandissement. En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas persuadés que le grossissement des exploitations soit forcément positif pour la région. La diversité des savoir-faire s’effiloche. L’expression des terroirs s’érode. Il est temps de stopper cette hémorragie. »

Pour finir, le syndicat revient sur les excédents. « Pléthore de production devient dangereux pour tout le monde. Les excédents ont tendance à perturber les marchés “autres”. Plus grave encore. Ils donnent l’idée d’élaborer certains produits concurrents du Cognac. Et là, la région risque gros. »

Quota d’exploitation : un substitut au droit de plantation ?
Dans la région délimitée Cognac, le sujet est évoqué entre les lignes. Qu’en cas de disparition des droits de plantation, un quota d’exploitation puisse servir un jour d’outil juridique à des interprofessions chargées d’encadrer le potentiel de production. Envisageable, pas envisageable ? Réactions sous couvert d’anonymat, tant le sujet charrie d’arrière-pensées, surtout dans un climat d’élections professionnelles.
Le quota d’exploitation pourra-t-il, un jour, remplacer les droits de plantation ? Un peu à la dérobée, la question est évoquée de manière subliminale dans la région délimitée Cognac. A vrai dire, c’est bien la seule région où l’on en parle. Ailleurs, le sujet ne fait pas débat, totalement ignoré qu’il est. « L’idée n’a pas dépassé les frontières charento-charentaises, confirme un observateur. Et peut-être même n’existe-t-elle qu’entre Châteauneuf et Cognac. Aucune autre région viticole française ne soulève cette éventualité. » Qui plus est, le dossier de la libéralisation des droits de plantation est européen par nature. Dans ces conditions, le quota d’exploitation a-t-il des chances de passer la rampe ? On peut en douter… sans totalement l’exclure. Il y a ce fameux effet « aile du papillon », qui fait qu’un simple battement d’aile se répercute à l’autre bout du monde.
Le quota d’exploitation s’assimile à un quota de production, un quota de production qui verrait le « droit à produire » détaché de son support originel, le droit de plantation. Mais alors, qu’est-ce qui peut faire varier le droit à produire – et accessoirement lui servir d’assise juridique – si ce ne sont plus les hectares que l’on achète et que l’on revend ? « La politique contractuelle » répond un professionnel du cru. Bien vu. A travers la LMA (Loi de modernisation agricole), le législateur n’a-t-il pas affiché sa volonté d’accorder une place centrale au contrat, surtout lorsque celui-ci s’adosse à une « gouvernance interprofessionnelle ». De là à faire du contrat la base juridique d’une régulation interprofessionnelle « partagée », il n’y a qu’un pas. Sauf qu’en Charentes, le contrat s’exonère parfois de l’orthodoxie. Par contrat, le législateur entend normalement des quantités connues, des prix garantis et une rémunération régulière. Or, à Cognac, « les quantités fluctuent, les prix seront fixés et la rémunération tombera un jour » persifle un viticulteur. Le même poursuit : « Je ne crois pas à un retour en arrière, à l’époque où les contrats faisaient la pluie et le beau temps. Cette période est révolue. » Et si, à Cognac, la politique contractuelle a encore pignon sur rue, ailleurs en viticulture, elle s’inscrit aux abonnés absents. Il faut dire que le système du contrat n’est pas très bien adapté au côté erratique des rendements viticoles, « une fois je te vois, une fois je ne te vois pas ».
Au sujet du quota d’exploitation, des opérateurs disent redouter « que soit confié à l’interprofession le soin de distribuer les bons points et les mauvais points. Les mieux placés en profiteraient. Cela ferait le jeu des acheteurs, qui ont toujours rêvé de dire ce qui devait être produit et où ».
Plus généralement, des commentateurs considèrent que l’Europe n’a pas démantelé les quotas laitiers pour réintroduire des quotas viticoles. « Imaginer que ce soient des entreprises qui distribuent des quotas, comme ce fut le cas des laiteries avec les quotas laitiers, n’est pas le meilleur moyen de respecter la libre concurrence. Avec les droits de plantation, c’est différent. Dans la mesure où il y a un peu plus de droits de plantation que de besoins, on peut considérer que la libre concurrence est préservée. »
Un viticulteur, pourtant peu suspect de collectivisme, parle de la suppression des droits de plantation comme d’un coup de grâce qui serait asséné à la viticulture. « Ce serait la porte ouverte à l’intégration. »

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