Dans un « atelier de crise : Que faire sur la vigne après le gel ? », la chaîne YouTube Ver de Terre production a voulu répondre aux soucis des jours et semaines après le froid printanier. Au-delà de pouvoir décaler le début du cycle végétatif – retarder le « moment où la plante aura besoin de la minéralisation du sol ».
Technicien de physiologie et d’écologie des plantes ligneuses, Marceau Bourdarias a mis en avant les raisons de la sensibilité de la vigne au gel, et les gestes curatifs après le coup de froid de la première quinzaine d’avril.
La plante possède un stock énergétique qui dépend de l’année précédente. Ce stock d’énergie encore présent dans la plante va pouvoir redévelopper des bourgeons. Certains de ces bourgeons-là pourront éventuelle être fructifères. Cette mise en réserve est très importante, car cela montre que ce regard sur la physiologie et la phénologie de la vie de la plante durant une année doit être pris en considération pour construire sa résilience. Une plante qui fait beaucoup de feuilles et peu de raisins a nécessairement beaucoup plus d’énergie en stock d’une plante qui fait beaucoup de raisins avec peu de feuilles et des sarments très courts.
Aujourd’hui, nous héritons de cela. Un gel est beaucoup plus problématique sur le long terme sur une plante qui a peu d’énergie, en faible vigueur, sur laquelle beaucoup de bourgeons auraient été laissés, que sur une plante qui a potentiellement plus d’énergie en stock.
Il est bon de retarder le moment où les racines vont recevoir de l’énergie. Les racines ne fonctionnement sur l’énergie des réserves, principalement ascendante, liée à l’ascension de la sève brute, de la mise en pression osmotique, le fait que la sève brute soit chargée de minéraux (par rapport au gel), va susciter le développement des bourgeons.
La sève descendente, sève élaborée, ne rentrera en jeu que lorsque la plante aura développée, à partir 5-6-7 feuilles étalées, grâce à la photosynthèse, il y a fabrication par les feuilles de substances de nutrition. Des sucres vont descendre dans la plante, stimuler et libérer dans la plante par l’auxine, produite par les rameaux en croissance, qui va libérer de l’énergie au profit du système racinaire.
Grâce ou à cause du gel, cela va retarder le moment où la plante aura besoin de la minéralisation du sol, de la minéralisation des matières organiques en décomposition dans le sol ou des matières exogènes apportées (via les amendements).
Les fertilisations rendraient l’azote immédiatement disponible, il serait minéralisé, seuls les enherbements seraient capables de le récupérer. La vigne ne récupérera dans le sol qu’à partir du moment où elle aura lancer son processus de photosynthèse. Entre temps, ce sera un petit peu disponible. Ce sera défavorable pour bien d’autres choses ensuite. Cela va stimuler la croissance, la résilience, au détriment
Ces mises en réserve hivernales ont des fonctions vitales : fonction de capacité de résistance au gel hivernal, permettant à la vigne de résister entre -20 et -35°C au niveau de son bois. Elle hydrolyse ses réserves, les transforment en sucre, un anti-gel important pour la plante.
Au printemps, ces réserves ont une fonction de résilience face aux agressions extérieures (taille, gel, maladies cryptogamiques). Elles permettent à la plante de se régénérer, se relancer des processus de croissance alors que même les outils, les feuilles de construction d’énergie, sont dégradées.
L’efficacité photosynthétique génère une qualité d’aoûtement, de mise en réserve, de maturation des raisins, qui doit toujours être mis en relation avec la quantité foliaire. Un gel ou une grêle peut être un déficit de réserve très important, car l’on peut avoir des problématiques de surface foliaire. Dès l’année prochaine, les vignes auront mis en stock une quantité de réserve très importante du fait de la diminution de la fructification liée au gel cette année.
Une plante qui a beaucoup d’énergie va charger ses jeunes rameaux en substances hydrolysées et en minéraux ; avec un sol vivant fonctionnant avec des microorganismes permettant à la plante d’utiliser à l’optimum la minéralisation du sol, nous aurons des sucres qui vont limiter le gel et des minéraux – dont la qualité et la quantité ont un impact non négligeable sur la résistance au gel.
Les stratégies contre le gel préconisent souvent de laisser les rameaux très longs et de venir les recouper. Mais l’ensemble de l’énergie partie dans le bout de cette baguette coûte une énergie très importante à la plante et l’on se retrouve dans quasiment l’intégralité des plantes avec une hétérogénéité de la sortie des sarments. Ce n’est pas forcément une très bonne chose à long terme.
Comment la plante développe les bourgeons
Bourgeons latents : 1 fructifère, 2 bourgeons secondaires 50 à 90% moins fructifères.
Impact du gel et des actions post-gel sur les bourgeons
La vigne a une intelligence d’adaptation qu’elle a développé tout au long de son évolution pour arriver à redévelopper des rameaux et re-fructifier. Fructifier moins lorsque la vigne a beaucoup moins d’énergie pour développer des rameaux c’est plutôt une bonne nouvelle sur le long terme.
C’est difficile pour le commerce, mais la viticulteur s’inscrit dans le long terme.
À chaque fois le gel et les conditions sont différents. Il a fait très froid et en même temps assez sec, c’était quand même plutôt bénéfique, ce qui a permis à quelques bourgeons de s’en sortir. C’est difficile. Il n’y a pas d’explication directe et concrète pour avoir tous la même réponse. Et les stratégies contre le gel devraient être différentes (tailles, pulvérisations, enherbements conservés ou tondus), ces stratégies fonctionnent pour certains gels et empirent sur d’autres. C’est très compliqué d’adopter des stratégies valables.
Cette année, ce ne sont pas les plantes qui avaient le plus d’enherbement ou de végétation autour qui ont gelé. On ne peut pas prédire quel type de gel va advenir.
Le gel a réservé les fleurs :
– conserver l’entre-coeur le plus éloigné de la base pour remplacer l’apex sans bouleverser les équilibres hormonaux plus longtemps ;
– écharder les autres entre-coeurs pour limiter les entassements de végétation ;
– accompagne une nutrition complète de la plante ;
– favoriser l’échardage sélectif des bois de taille en court terme.
Le gel a tout grillé à 100% :
– attendre la sortie des contre-bourgeons (15 à 20 jours) ;
– sélectionner les repousses les mieux placées pour former les bois de taille pour l’année suivante ;
– travailler à aider la plante à reconstruire ses réserves (jus d’algues, extraits fermentés puis silices).
Le gel a touché les grappes mais le bas des sarments est toujours vivant :
– sur un bois de taille choisi pour l’année suivante, conserver et sélectionner un des entre-coeurs pour obtenir un sarment pour la taille ;
– sur la baguette, supprimer tous les gelés à la main sauf le dernier (le plus loin de la baguette pour les guyot) pour maintenir son hydratation ;
– sur un courson, miser sur les contre-bourgeons et les bourgeons de la couronne ;
– si bourgeon dans le coton et bourgeon secondaire non visible, laisser le tout sur place.
Contact avec l’air
Si le rameau a complètement gelé et séché, très rapidement la plante va reboucher les trous créé par le desséchement, et elle va réagir. Si la base du rameau n’a pas gelé, la plante ne va pas se rendre compte qu’elle est attaquée, donc elle ne va pas métaboliser des substances de défense (tanins pour reconstruire son étanchéité et se reconstruire).
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