Europe – Aides agricoles et viticoles

20 mai 2010

Depuis l’an dernier, les liens se resserrent entre dossier PAC et viticulture. Les interactions se font de plus en plus nombreuses entre les deux univers. Ainsi la vigilance est de rigueur pour des dossiers PAC à remettre avant le 17 mai prochain.

locussol.jpgLongtemps, la viticulture a vécu dans un splendide isolement vis-à-vis des dossiers PAC. Les viticulteurs n’avaient droit à rien mais ne réclamaient rien non plus. Ceux qui possédaient autre chose que des vignes remplissaient un dossier PAC. Les autres – les « purs » viticulteurs – s’en dispensaient allégrement, sans autre forme de procès. Dans tous les cas, jamais le mot « vigne » n’apparaissait sur un dossier PAC. Au mieux, les vignes figuraient sous le vocable « autres cultures ». Le code « vigne » n’existait même pas. Un vrai fossé « culturel » séparait les viticulteurs des autres agriculteurs même si, il faut le savoir, l’OCM viti-vinicole a toujours représenté une branche de la PAC (Politique agricole commune). Et puis la situation a vraiment changé à partir de l’an dernier. En 2009, grande nouveauté ! Les surfaces viticoles peuvent dorénavant activer des DPU (droits à paiement unique). Un « don » entraînant toujours un « contre-don », dans le langage des psy comme dans celui des autorités, le dépôt d’un dossier PAC est devenu obligatoire pour profiter des aides viticoles à la restructuration (arrachage/replantation). C’est toujours vrai en 2010. Si vous avez l’intention de solliciter une aide à la plantation au cours de la campagne 2010-2011, mieux vaut déposer un dossier PAC avant le 17 mai prochain (voir encadré), que vous ayez ou non des céréales. C’est le conseil délivré par Isabelle Chat-Locussol*. Mais vous devez savoir aussi que la PAC ne va pas sans son revers, son double inversé, l’éco-conditionnalité. Dès lors que vous souscrivez un dossier PAC, il vous faut respecter les fameuses BCAE (bonnes conditions agricoles et environnementales) sur toutes vos surfaces, y compris viticoles (c’est vrai aussi pour les céréaliers qui possèdent quelques arpents de vignes).

découplage des aides

En 2010, sur le front de la PAC, qu’est-ce qui change par rapport à 2009 ? Pour la viticulture, pas grand-chose, sauf à bien s’approprier les critères de l’éco-conditionnalité (bande tampon le long des cours d’eau, particularités topographiques, cahier d’enregistrement des fumures…). Ce serait trop bête de prêter le flanc à d’éventuelles réfactions d’aides sur la totalité de sa surface agricole pour un simple cahier d’enregistrement oublié. Sinon la vigne n’est toujours pas dotée de DPU. Non, la « grosse » évolution de la PAC concerne la poursuite du découplage des aides. Il s’agit vraiment du fait marquant de l’année 2010. Ce tournant n’intervient pas n’importe quand. Il se situe à « mi-parcours » de la PAC (2007-2013), à l’occasion de son « bilan de santé ». A ce stade, un bref retour en arrière s’impose. Souvenez-vous. Au tout départ, les aides européennes reposaient sur un système très sophistiqué de soutien des prix, à coup de restitutions à l’exportation, etc. Et puis, en 1993 ce régime fut abandonné, déjà pour des questions d’incompatibilité avec les règles de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Désormais, les aides seraient liées à une production. A un ha de blé correspondrait tel montant d’aide. Mais en 2006, nouvelle fracture. Fut mis en place le découplage des aides. Les aides n’étaient plus vraiment liées au type de culture. Qu’il emblave ses champs d’orge, de maïs ou de blé, l’agriculteur se voyait octroyer un portefeuille de DPU (droits à paiement unique), calculé en fonction de ses surfaces cultivées au cours d’une période de référence « historique », en l’occurrence 2001-2002-2003. Mais, alors que dans bon nombre de pays européens, le découplage était total, en France il resta partiel. Il portait sur 75 % des aides. Demeuraient « couplées » à la culture 25 % des aides. C’est à ce reliquat de couplage que la réforme 2010 s’attaque.

rebattre les cartes

La France a décidé de « rebattre les cartes », en profitant de la « clause de revoyure » européenne, au nom d’une « recherche d’équité » avec les éleveurs mettant en valeur des surfaces en herbe. Car, historiquement, ces surfaces non porteuses d’aides couplées disposaient de droits à paiement unique de faible valeur. A partir de 2010, les aides vont donc être totalement découplées, à une nuance près pour les surfaces de protéagineux (pois, fèveroles…) découplées qu’en 2012. A vrai dire, le dispositif de découplage ne semble pas gêner outre-mesure les céréaliers. « C’est neutre au niveau du montant des aides. » Ce qui les embêtent beaucoup plus et ce pourquoi ils sont très remontés, c’est la réorientation des soutiens. Ils estiment que Michel Barnier, ministre de l’Agriculture en 2007, au moment des discussions sur le bilan de santé de la PAC, a profité du découplage pour faire passer cette idée de réorientation des aides. « A l’époque, les cours des céréales étaient au plus haut et, sur la foi d’experts, le ministre avait conclu à des cours « durablement élevés ». D’où sa décision de réorienter les aides des céréaliers vers l’élevage. » En cause, deux articles, l’article 63 et l’article 68. En 2010, l’article 63 concernera 770 millions d’€ d’aides, provenant des aides Scop (Surface en céréales et oléoprotéagineux) pour environ 640 millions d’€. Elles iront principalement aux surfaces en herbe (à hauteur de 700 millions d’€), avec un petit reliquat pour les productions légumières, les pommes de terre de consommation ou l’ensilage. L’article 68 quant à lui porte sur une enveloppe de 468 millions d’€. Sa vocation est de servir essentiellement le second pilier. Les céréaliers estiment à 70 € de l’ha la perte uniquement due à la réorientation des soutiens.

Mais pour attribuer des aides, faut-il encore savoir sur quelles surfaces les affecter. C’est là qu’intervient la notion de période de référence pour les prairies. Quelle période fallait-il retenir ? Dans la « doctrine administrative » du ministère de l’Agriculture, il a toujours été d’usage de prévoir un « pas de temps » suffisamment long, afin de se prémunir des effets d’annonce. D’où les références historiques. Sauf que, cette fois, le ministère n’a pas adopté ce parti. Pour la prise en compte des surfaces en herbe dans le dossier PAC 2010, il a choisi de retenir la référence 2010 – c’est-à-dire l’année en cours – plutôt que la référence 2009 par exemple. D’où la crainte de beaucoup de voir « sauter » des prairies. Pourquoi les éleveurs seraient-ils tenter de le faire? Parce qu’en déclarant ses terres en prairies, l’exploitant fige son foncier. Un « mauvais plan » s’il lui prenait l’envie de vendre ses terres. Ainsi, ce que d’aucuns voient comme une « maladresse » risque de compromettre ce qui constituera sans nulle doute le fil rouge de la politique agricole dans les années à venir, les préoccupations environnementales. « Si l’agriculture veut conserver ses aides, elle devra certainement les présenter comme une compensation à l’entretien de la nature. »

(*) Isabelle Chat-Locussol, chargée de mission viticulture pour le Cognac et adjointe au chef de service économie agricole et rurale de la DDT Charente

Viti-PAC : Mode d’Emploi
– Activation des DPU : depuis l’an dernier, les ha de vignes activent les DPU même s’ils ne donnent toujours pas droit à de nouvelles dotations. Cette « activation des DPU » peut se révéler utile lorsque le portefeuille de DPU s’avère supérieur aux surfaces en céréales présentes sur l’exploitation (suite à une vente de foncier par exemple). Les DPU sur vignes permettent de conserver le potentiel de droits. Mais, pour ce faire, il faut déposer un dossier PAC et, qu’à l’intérieur, les vignes soient désignées comme « vignes ». La surface viticole qui serait portée expressément dans la rubrique « autres cultures » n’activerait pas les DPU. Logique !
– Aides à la restructuration du vignoble : bis repetita ; pour les percevoir, il faut déposer un dossier PAC. Jusqu’à preuve du contraire, les aides aux investissements ne sont pas impactées par le dossier PAC. Pour leur bénéfice, les autorités ne réclament pas encore le dépôt d’un dossier PAC.
– Eco-conditionnalité : directive nitrates, protection des périmètres de captage en eau potable… la viticulture se retrouve liée « par la bande » à ses prescriptions agro-environnementales, dans la mesure où elle souscrit un dossier PAC, que ce soit d’ailleurs au titre de ses céréales ou de ses vignes. Ces règles existent déjà depuis longtemps. Elles ne constituent donc pas une nouveauté. Mais elles ne faisaient peut-être pas partie du paysage naturel des vignerons. Si méconnaissance il y a, un « rattrapage » s’impose.
* Plan prévisionnel de fumure, cahier d’enregistrement de la fertilisation azotée (y compris foliaire) : ces cahiers doivent être « montrables » au contrôleur* et complété « au fil de l’eau ». En l’absence d’épandage et/ou de fertilisation, le viticulteur doit indiquer « néant » et l’écrire en toutes lettres. Le défaut de cahier d’enregistrement ou de plan prévisionnel de fumure vaut 3 % de réfaction des aides PAC (20 % en cas de nouveau contrôle car considéré comme faute intentionnelle).
* Calendrier d’enregistrement des produits phytosanitaires : figurera sur ce cahier la date d’application du produit et son nom commercial, une obligation de « traçabilité » qui rejoint les contraintes imposées par les acheteurs.
− BCAE (Bonnes conditions agricoles et environnementales) : elles ont été réformées en 2010, sans doute sous l’impulsion du Grenelle de l’environnement. Outre le fait que les vignes doivent être entretenues a minima (vigne taillée une fois par an, sans ronces dans l’inter-rang), les BCAE se matérialisent par deux éléments principaux : les bandes tampons le long des cours d’eau et le maintien des particularités topographiques.
* Bande tampon le long des cours d’eau : des arrêtés préfectoraux désignent les cours d’eau concernés (cartes en mairies, information sur les sites des Chambres d’agriculture). L’ancienne référence à la surface en couvert environnemental, de 3 %, a disparu. Elle est remplacée par la notion de « bande tampon ». Cette dernière doit représenter 5 mètres minimum de chaque côté du cours d’eau et présenter un espace « végétal, herbacé ou arbustif », ni traité ni fertilisé. Des vignes peuvent être implantées à proximité des cours d’eau. On n’exigera pas leur arrachage, dans la mesure où elles peuvent même être considérées comme faisant partie du couvert végétal. Par contre les tournières et éventuellement l’inter-rang compris dans le périmètre de la bande tampon devront être enherbés. Du « jaune-désherbage » sur la bande tampon pourrait très vite représenter une faute intentionnelle et entraîner 20 % de réfaction.
* Eléments topographiques : que, demain, les lignes à haute tension ou les éoliennes ne constituent pas les seuls éléments du paysage… C’est un peu contre l’avatar de la « morne plaine » que la société veut lutter avec les « éléments topographiques ». Par « éléments topographiques » il faut comprendre les haies, vergers, arbres isolés, bandes végétalisées, murets, terrasses, petit bâti rural, prairies permanentes, landes…enfin tout ce qui peut générer de la diversité visuelle. En 2010, sur les exploitations soumises à la PAC, Ies éléments topographiques devront représenter 1 % de la SAU, 3 % en 2011, 5 % en 2012. Toute une série d’équivalences sont accordées, dans une joyeuse conversion de mètres cubes, mètres linéaires, mètres carrés. A priori, les régions charentaises n’ont pas grand-chose à craindre de ce type de prescription, d’autant que l’on peut « montrer » des bois, bosquets et autres éléments de paysage qui ne vous appartiennent pas, à condition qu’ils soient à la lisière de votre propriété. Cependant, à la marge, quelques exploitations viticoles sont « nues comme le plat de la main ». Attention à intégrer cette notion d’éléments topographiques, soit en plantant des haies ou en recourant aux jachères mellifères par exemple (un ha de jachère mellifère vaut deux ha de surface équivalent topographique). Parfois, il pourra être intéressant aussi de changer sa structure juridique, quand les vignes avaient été isolées du reste. « Pour avoir quelque chose à montrer, projetez-vous » conseille la DDT (Direction départementale des territoires, ex DDA).
(*) Contrôles PAC : ils existent certes mais il convient d’en relativiser l’importance. Un département comme la Charente en a connu en 2009 pour 5 445 dossiers déposés, 366 relatifs aux aides surfaces dont 348 par télédétection. Suite à ces 348 contrôles par télédétection, 206 ont nécessité un retour sur le terrain. Ainsi 224 exploitants charentais ont vu l’an dernier un contrôleur mesurer des surfaces. Concernant la conditionnalité, 58 contrôles portaient sur le domaine environnement et notamment pour les agriculteurs situés en zone vulnérable la présentation des plans prévisionnels de fumure et des cahiers d’enregistrement, 56 contrôles ont porté sur le domaine de la santé des végétaux avec présentation du local de stockage de produits phytosanitaires et du cahier d’enregistrement.
(Source : Isabelle Chat-Locussol)

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