Christophe Véral , chef de famille de la viticulture au BNIC

13 juin 2012

Alors que la proposition de rendement Cognac vient de sortir – 10,83 hl AP/ha, sans réserve de gestion – le chef de famille de la viticulture au BNIC envoie un message à la viticulture : qu’elle profite de ce rendement assez élevé pour reconstituer ses stocks. Au négoce, il dit qu’il n’est peut-être pas de bonne politique de s’emparer du sujet des plantations, alors que la discussion n’a pas été ouverte à l’interprofession.

p11.jpgOn sent la viticulture un peu remontée au sujet des plantations. Comme si, en réclamant, à chaque prise de parole, une augmentation de la surface plantée, le négoce souhaitait forcer la main de la viticulture ?

Si quelqu’un sait de quoi il parle en matière de plantation, c’est bien le viticulteur. Or,
depuis quelque temps, les négociants s’expriment sur le sujet à chaque fois qu’ils en ont l’occasion, alors que la discussion n’a même pas été ouverte à l’interprofession. Comme s’ils voulaient usurper le débat. Quelque part, c’est la production qui est à la base du Cognac. L’AOC Cognac appartient à la viticulture. C’est important de le rappeler, même si viticulture et négoce ne peuvent rien l’un sans l’autre. Bien sûr qu’il faudra travailler la question du potentiel de production. Si l’objectif est de produire 20 millions de caisses de Cognac, il conviendra de se mettre autour de la table. Mais, pour l’heure, nous n’allons pas nous laisser dicter le calendrier. Certaines personnes commencent déjà à spéculer sur les prix, sur le foncier. C’est du grand n’importe quoi ! Il est important de ne pas laisser à d’autres le soin de prendre notre destin en main.

L’assemblée plénière du BNIC, le 25 mai, a acté une proposition de rendement à 10,83 hl AP/ha. Pouvez-vous nous en
préciser le contexte.

L’outil de calcul du rendement donnait 10,04 hl AP/ha. La famille du négoce souhaitait un rendement libre supérieur, plus de la réserve de gestion. Nous avons transigé en acceptant que le rattrapage XO, de 0,79 hl AP/ha, s’impute sur cette seule campagne 2012-2013 mais sans réserve de gestion. D’où les 10,83 hl AP/ha de rendement libre. Objectivement, on peut penser que ce rendement, supérieur d’1,31 hl AP/ha à celui de l’an dernier (9,52) sera de nature à aider les PME du Cognac à s’extraire du marasme dans lequel elles se trouvent. Aujourd’hui, par manque d’eaux-de-vie, nous sommes en train de perdre des marchés en Europe. Par ailleurs, il est prévu, au niveau de l’interprofession, de revenir sur le cahier des charges de la réserve de gestion. Quand faudra-t-il l’instaurer ? Et si oui, à quelle hauteur la fixer ? Plus globalement, nous allons aussi revoir le mécanisme de calcul du rendement Cognac. Nous nous sommes engagés à boucler ce travail avant le 31 décembre prochain.

Sans mécanisme de réserve de gestion, les 10,83 ne risquent-ils pas de se retrouver sur le marché ?

Justement, c’est le message que je veux adresser à la viticulture. Ne nous emballons pas. Ces 10,83 n’ont pas vocation à rejoindre illico le marché. Voyons-les comme une chance pour reconstituer nos stocks. J’espère que je serai entendu.

La campagne bruisse de prix un tantinet spéculatifs. Qu’en pensez-vous ?

C’est bien que les prix augmentent mais j’attire l’attention sur des niveaux de prix élevés qui ne représentent qu’epsilon, sans doute pas plus de 3 ou 5 % du marché. Ce sont des prix spots pour des marchés spots. Mais la rumeur a tendance à amplifier ces prix, en faire des références. Pour nous producteurs, ce n’est pas bon. Nous voulons vendre nos eaux-de-vie à leur juste valeur. Et la juste valeur ne correspond pas à ces prix-là. Je considère que ces prix vont à l’encontre des marchés. La pire des choses pour la viticulture, c’est que les ventes fassent le yo-yo.

Avez-vous le sentiment que la viticulture s’approprie l’UGVC ?

Je le pense. L’UGVC est en train de devenir incontournable. Je crois que les viticulteurs se rendent compte que s’ils n’adhèrent pas à l’UGVC, ils vont rater un tas de choses en terme d’informations sur les marchés, sur la politique viti-vinicole… L’UGVC, comme le BNIC, représentent la continuité de l’exploitation.

Comment envisagez-vous votre rôle de chef de famille de la viticulture au BNIC ?

Je suis là pour faire passer les messages de la viticulture au négoce. Je dis au négoce ce que j’ai envie de lui dire ou, plutôt, ce que la viticulture me demande de lui dire, pour défendre ses intérêts. Nous avons surtout la chance d’avoir Jean-Bernard de Larquier comme vice-président du BNIC, Christophe Forget à la tête de l’UGVC, Olivier Louvet, Stéphane Roy… Personne ne « mène la danse » à lui tout seul. C’est une action collégiale. Un chef de famille est là aussi pour prendre les coups. Il engage sa parole. Surtout, il s’exprime au nom de tous les viticulteurs. Si je suis régulièrement sur mon tracteur, je viens aussi d’un autre milieu. Je sais que la viticulture ne s’arrête pas aux chintes de vignes. Je voyage pas mal à titre personnel. Je connais l’importance et la complexité de l’action commerciale sur les marchés. Il faut être humble, apprendre en écoutant mais
aussi s’exprimer. Je vois trop souvent dans cette région des viticulteurs qui n’osent pas parler. Ils connaissent un tas de choses mais ils ne s’expriment pas. Car ce n’est pas bien de parler. Brisons ce cercle. Je le dis aux jeunes viticulteurs : n’ayez pas peur de parler.

Je suis quelqu’un de positif. Je n’ai pas d’œillère et je ne me retourne pas derrière moi. Et je suis persuadé que c’est la diversité qui fait avancer.

Christophe Véral a 45 ans. Originaire d’une petite ville du Poitou, Saint-Pierre-de-Maillé, aux confins du Berry, il est arrivé en Charentes en 1994. Il s’est installé comme viticulteur en 1996. Son parcours initial ne le destinait pas à la viticulture, loin de là. Après une formation en école hôtelière, Ch. Véral part en Afrique pendant quatre ans, installer des hôtels au Mali, Niger, Burkina Faso. Puis il suit un cursus en management et intègre le groupe Flo à Paris avant d’être nommé sous-directeur de la brasserie Flo à Toulouse. Il gère, entre autres, les achats de vins, de denrées alimentaires. C’est à Toulouse qu’il rencontre sa femme, originaire de Charente. Son père, Jean-Marie Boisferon, y possède une propriété viticole. Comme à chaque fois, Ch. Véral n’oublie pas de dire tout ce qu’il doit à son beau-père. « C’est un homme remarquable, précurseur en matière de techniques viticoles et très investi dans la gestion économique. Il m’a tout appris, de la distillation au stockage en passant par la vigne. » Dans les années 1996-1997, la région est plongée en plein marasme. Christophe Véral n’hésite pas à aller à la rencontre des négociants. « Je leur ai dit qui j’étais et ce que je voulais faire. » La rencontre avec Bernard Guionnet, en 1998, constitue une autre étape déterminante. Parmi ses sources d’apprentissage, Ch. Véral cite l’IREO de Richemond (formation pour adulte), les CETA et bien sûr le syndicalisme viticole. Le viticulteur se décrit comme un « épicurien » et un ambassadeur passionné. « Nous produisons les plus belles eaux-de-vie du monde. Nous devons en être fiers et le faire savoir. » Tous les ans, pendant les vendanges, sa femme et lui organisent un pique-nique de 60 à 80 personnes où se côtoient viticulteurs, négociants, fournisseurs d’intrants… Les relations humaines toujours, ainsi que les diversité des parcours.

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