Qnv Cognac : La Guerre Psychologique

8 mars 2009

7,5 – 7,8 – 8 ou… un autre chiffre. Si régulièrement la région frôle la crise de nerfs lorsqu’il s’agit de discuter du niveau de la QNV Cognac, l’année 2004 est en passe de représenter un grand millésime. N’ayant pas réussi à se mettre d’accord au préalable, la région est allée divisée à la traditionnelle réunion de calage organisée par le ministère de l’Agriculture mi-juillet, le 16 juillet précisément. Au titre des professionnels, participaient à la rencontre le président et le vice-président du BNIC, respectivement Jean-Pierre Lacarrière et Philippe Boujut, les deux chefs de familles de la viticulture et du négoce, Bernard Guionnet et Yann Fillioux ainsi qu’Antoine Cuzange et Jean-Bernard de Larquier. Devant la DPEI (direction des Politiques économiques et internationales), B. Guionnet a présenté la proposition du syndicat majoritaire SGV à 7,5 (hl AP/ha), celle du syndicat minoritaire SVBC à 7,8 tandis que Yann Fillioux faisait état de la position unique du négoce à 8. Face à ces trois propositions, les fonctionnaires du ministère ont dit – de manière attendue d’ailleurs – qu’en l’absence d’accord d’ici fin août, le ministre (ou son cabinet) trancherait et ce en essayant de respecter le timing appliqué depuis trois ans, c’est-à-dire une décision intervenant début septembre pour une parution au Journal officiel à la mi-septembre, avant les vendanges. D’ici à fin août, un accord peut-il encore intervenir dans les rangs interprofessionnels ? Le chef de famille de la viticulture estime cette éventualité peu probable. « Si des ouvertures ont été faites, elles n’ont pas été suffisantes pour aboutir à un consensus et je ne vois pas ce qui pourrait changer la donne. » Partant de 7, le SGV a effectivement évolué vers le 7,3 puis le 7,5 et n’a pas l’intention d’aller au-delà, estimant que le climat actuel plaide pour des affectations individuelles au Cognac plus élevées et qu’une QNV de 7,5 est de nature à satisfaire les besoins du négoce, évalués à 500 000 hl AP. Quant à la famille du négoce, Jean-Pierre Lacarrière indique qu’elle a fait état d’une position de repli à 7,8, un compromis possible qui, précise-t-il, a été évoqué en assemblée interprofessionnelle, avant même que le SVBC se prononce sur ce chiffre. Reste que le 8 figurait bien parmi les trois propositions soumises au ministère. Pour être exhaustif vis-à-vis des propositions de QNV, B. Guionnet a mentionné qu’avait été également soumise au ministère l’idée d’une QNV différenciée pour deux crus, les Fins Bois et les Borderies ainsi que pour les employeurs de main-d’œuvre, idée qui, semble-t-il, n’a pas retenu l’attention des fonctionnaires. Dans quel sens le ministre va-t-il trancher ? Quand on aura dit que tout va se jouer entre 7,5 et 8 on aura rien dit. Ou plutôt l’on aura dit que l’enjeu de la QNV Cognac est plus psychologique, politique, tactique que quantitatif. « Cela se joue plus dans les têtes que dans les chiffres » confirme un observateur. Ce qui ne signifie pas que cette guerre psychologique ne revête pas d’importance dans le contexte régional actuel et futur. A la crainte du malthusianisme évoquée par les négociants, soucieux d’approvisionner leurs marchés et le développement de l’activité Cognac répond la notion de dérapage évoquée par la viticulture – « au-dessus de 500 000 hl AP, on ne pourra pas empêcher les gens de penser qu’il y a surproduction » – le tout dans la perspective d’un changement de régime qui électrise le débat et alimente une série de non-dits : à quels nouveaux arbitrages (syndicat (s) de défense et autres…) répondrait la fixation du rendement Cognac dans un régime de type INAO ; une progression de la QNV Cognac ne risque-t-elle pas de relativiser d’autant l’intérêt des « autres productions » même assorties de rendements différenciés, voire même de remettre en question le projet de changement ; après avoir monté la QNV Cognac, pourrait-on sérieusement envisager de faire machine arrière alors qu’un nouvel équilibre économique de gestion existerait sur les exploitations ?… Inutile de dire que la propension à la « diabolisation » se porte plutôt bien en Charentes en ce moment, toutes tendances confondues. Doit-on s’émouvoir que le ministre de l’Agriculture (ou ses services) soient amenés à prendre la décision du niveau de QNV à la place des Cognaçais ? Beaucoup considèrent effectivement « que ce n’est pas une bonne chose pour la région qu’elle n’arrive pas à se déterminer elle-même, même si ça n’est pas la première fois ». En effet au cours de ces quinze dernières années, le ministre a déjà tranché une fois à la place de la profession, en 2002 (maintien des 6 de pur/ha une année supplémentaire) et a bien failli le faire en 1992, avant que la région se mette d’accord sur la première QNV fixée en hl AP. Finalement, on s’aperçoit que la région a plus de mal à réaliser le consensus quand les choses vont bien ou plutôt bien que quand elles vont mal, ce qui, si l’on y réfléchit un peu, paraît assez logique. Concernant la QNV vin de table, que le tropisme Cognac a tendance à passer sous silence, la région a demandé qu’elle passe de 105 à 114 hl vol./ha, pour tenter de maintenir un semblant d’équilibre entre les différents débouchés traditionnels. Pourquoi pas 120 ? Pour des problèmes de prestations viniques, en sachant qu’au final la QNV vin de table a plus de chance d’être fixée à 110 qu’à 114, compte tenu du rendement agronomique potentiellement applicable aux exploitations mettant en œuvre des vins de pays charentais cépages double fin.

Lors de la dernière assemblée plénière du BNIC du 8 juillet, outre la QNV Cognac, un autre sujet important figurait à l’ordre du jour : l’XO compte 10. Cette question du rattachement de l’XO à un compte supérieur au compte 6 n’est pas vraiment une nouveauté. Voilà une bonne quinzaine d’années que l’on en parle. En juin 1999, l’interprofession, réunie en comité permanent, en votait déjà le principe, sauf que la réforme des chais jaune d’or est passée par là puis le renouvellement de l’interprofession. En juillet 2003, un groupe de travail était enfin prêt à travailler sur le sujet, ce qu’il a fait au cours de deux réunions et ce sont ses propositions qui arrivaient à l’examen de l’assemblée plénière du 8 juillet. A la demande de l’Union syndicale – un des trois syndicats de négociants, que préside Antoine Cuzange – était prévue une période transitoire de dix ans à la date du 1er avril 2005 (date du passage en compte 10) pour l’application du rattachement, afin de ménager aux entreprises qui ne posséderaient pas les stocks nécessaires le temps de les constituer. Sans que l’on puisse parler d’un refus de principe, l’Union syndicale n’a pas voté le rattachement et la question a été renvoyée à une prochaine séance de l’interprofession. Pourquoi ? Les arguments d’A. Cuzange sont les suivants : « Avant de donner son accord, l’Union syndicale demande une production à l’équilibre. Aujourd’hui, l’équilibre s’établit à 500 000 hl AP pour remplacer les ventes actuelles et l’évaporation ; mais sachant que la production 2004 ne se vendra qu’à partir de 2007, une projection dans le futur nous incite à penser qu’il faudrait mieux mettre en stock 530 000 hl AP. Pour cette production à l’équilibre, notre syndicat souhaite que se mettent en place dès la prochaine campagne des paramètres d’estimation de la production par rapport aux besoins ainsi que des paramètres de rectification automatique des écarts, tout cela afin qu’il n’y ait pas raréfaction de la marchandise et donc pas de hausses des prix que nos sociétés ne pourraient pas supporter. Il s’est déjà déclassé 23 000 hl AP de compte 6 et plus en 2002-2003 et il va se déclasser environ 235 000 hl AP de vieux comptes sur la campagne qui s’achève le 31 juillet. On ne peut pas compter indéfiniment sur un schéma de déclassement pour pallier la sous- alimentation chronique en eaux-de-vie jeunes. Dans ces conditions, comment se rallier à l’XO compte 10 ? Les autorités tutélaires parisiennes et bruxelloises ne l’accepteraient pas. Ce serait contraire à l’article 7 du règlement communautaire 1576/89 sur les boissons spiritueuses et leur mention d’étiquetage et porterait atteinte aux règles de libre concurrence d’un produit industriel comme le Cognac. Nous devons avoir l’assurance d’une production à l’équilibre pour dire oui à l’XO compte 10. » Décidément, la question du rendement Cognac a encore de beaux jours devant elle.

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