Interview de Catherine Le Page, directeur du BNIC

22 décembre 2011

Catherine Le Page, directeur du BNIC, met la dernière touche à l’intégration de l’ODG au BNIC. Les services de l’interprofession sont réorganisés et les statuts modifiés pour accueillir la section ODG. « Il faut rationaliser les tâches et assurer la cohérence de l’ensemble » note C. Le Page qui est persuadée que, de plus en plus, « les interprofessions devront se montrer fortes ».

p11.jpgVous êtes arrivée dans la région délimitée en mars 2010. Quels dossiers avez-vous trouvé sur votre bureau ?

Sur le sommet de la pile, j’ai trouvé celui de la réserve de gestion qui, à l’époque, faisait un peu office de priorité et, tout de suite après, celui de l’ODG. Le message que m’a transmis Bernard Guionnet était clair, limpide. Il existait une volonté forte des professionnels d’intégrer l’ODG Cognac au BNIC. Moi qui, dans mes anciennes fonctions dans le Var, avais positionné notre laboratoire d’analyse comme organisme d’inspection – ce fut le premier laboratoire para-public validé par l’INAO – j’ai trouvé que la profession cognaçaise avait eu une très riche idée d’intégrer l’ODG au BNIC.

Pourquoi ?

Parce qu’à Cognac la protection, la défense de l’AOC Cognac font partie intrinsèque des missions de l’interprofession, une mission qui se retrouve également au cœur de l’ODG, l’Organisme de défense et de gestion de l’appellation. Dans ces conditions, comment envisager que deux structures, côte à côte, aient le même objet, s’occupent des mêmes dossiers. Le mécanisme inventé par les professionnels charentais paraissait beaucoup plus astucieux. Il s’agit d’intégrer l’ODG au BNIC. Dit autrement, le BNIC devient ODG, tout en sachant que l’Organisme de défense et de gestion bénéficie d’une section autonome au sein du BNC.

Le mécanisme n’allait pas de soi ?

Je pense que vu du ministère de l’Agriculture ou de l’INAO, il a suscité quelques interrogations. Au départ, il n’était pas prévu qu’une interprofession puisse gérer un ODG. Pourtant, que toutes les forces vives d’une région puissent travailler à un objectif commun représente une belle opportunité. C’était possible à Cognac où l’interprofession, historiquement, a la chance d’avoir une complétude de compétences : délégation des Douanes pour le contrôle du vieillissement, SAQ (suivi aval qualité), Recherche & développement avec la Station viticole du BNIC… La plupart des autres interprofessions ont des missions beaucoup plus parcellaires, liées au suivi économique et à la promotion.

Concrètement, de quoi s’occupe l’ODG et comment s’articulent les fonctions de l’ODG et du BNIC ?

L’ODG a la haute main sur les deux piliers de l’appellation que sont le Cahier des charges et le Plan de contrôle. C’est l’ODG qui les valide. Quelles conditions de production inscrire au cahier des charges ? Quelle pression de contrôle exercer ? Sur quels points ?… Toutes ces questions sont du ressort des délégués de l’ODG, récemment élus. Pour bien comprendre l’articulation entre BNIC et ODG, il n’y a pas meilleur exemple que celui du rendement annuel, élément clé des conditions de productions. La proposition technique émane de l’interprofession, à proprement parler du comité permanent. Elle est transmise à l’ODG. Après validation de ce dernier, elle est soumise au comité régional de l’INAO. En tout état de cause, c’est la section ODG qui a le dernier mot. En sachant que le président de l’ODG est obligatoirement un viticulteur. On ne peut donc pas dire que l’ODG soit une simple « chambre d’enregistrement » des décisions de l’interprofession. Par ailleurs, les statuts du BNIC ont été modifiés pour que l’interprofession puisse recevoir la section ODG. L’objectif était à la fois que la section ODG soit totalement intégrée au BNIC mais qu’elle conserve aussi son caractère autonome.

Comment cela se traduit-il ?

Il est prévu que le président de la section ODG soit membre de droit du comité permanent du BNIC. C’est une manière de faire « coller » la vie de la section ODG au travail du BNIC. Par contre, au niveau financier, la cotisation ODG est bien une cotisation et non une CVO (Cotisation volontaire obligatoire) comme celle qui sert à alimenter le budget du BNIC. Le ministère de l’Agriculture a beaucoup tenu à cette différenciation de nature juridique. Au niveau de l’interprofession, nous tenons une comptabilité analytique qui permet de préciser quels sont les services dédiés à la section ODG et les services dédiés au BNIC. L’année 2011 correspond à une période de transition. Fin décembre, nous saurons mieux combien coûte l’ODG.

En terme d’organisation, de quelle manière se met en place le tandem ODG/BNIC ?

Parmi mes missions de départ, j’avais celle de réorganiser les services de l’interprofession. Naturellement, je l’ai fait en intégrant totalement la composante ODG. Le service Production, géré par Janine Bretagne, comporte une partie « ingénierie » sur la conceptualisation des outils : fonctionnement des réserves, réflexion sur les droits de plantation… Janine fut très « mère porteuse » de l’ODG. Le service Production de Janine englobe aussi un côté plus opérationnel lié à la gesion de la production, y compris les aspects rattachés à l’ODG. C’est l’objet du service de la Viticulture, animé par Céline Rayer. Il est chargé du suivi des différentes déclarations (déclaration de récolte, déclarations de fabrication…) ainsi que des documents d’accompagnement. A Didier Vassor, j’ai dédié tout ce qui relève du traitement du contrôle : contrôle du vieillissement, SAQ mais aussi tout le bloc de contrôle lié à l’ODG. Pour résumer, à Janine revient la production, à Céline le côté opérationnel du suivi et à Didier le contrôle. C’est un peu le triptyque sur lequel nous nous basons aujourd’hui. Pour être complète, je parlerai d’une petite structure que j’ai souhaité créer. Son objectif ? Animer la section ODG. J’ai confié à Céline Rayer et à Maryline Grassaud ce rôle d’animation et de relais entre les différentes instances. Céline me rend compte directement.

Pour moi, intégrer l’ODG au BNIC ne signifiait pas « mettre quelque chose à côté de quelque chose ». Il s’agissait vraiment de fonctionner en commun, pour donner plus de cohérence à l’ensemble. L’intégration de la section ODG au BNIC nous a offert l’opportunité de rationaliser un certain nombre de tâches.

Avec l’ODG, le BNIC acquiert plus de poids. C’était le but ?

Ce n’est pas forcément une question de poids mais oui, les interprofessions doivent se muscler, acquérir toujours plus d’efficacité. Aujourd’hui, nous nous rendons compte qu’il faudra de plus en plus compter sur nos propres forces. L’Etat, l’Administration se concentrent sur les compétences régaliennes. Le champ des interprofessions évolue. Si un jour les interprofessions doivent gérer les droits de plantation, elles devront avoir les reins solides et montrer qu’elles savent le faire.

Au niveau du bassin des Charentes, il existe plusieurs interprofessions : celle du Cognac, celle du Pineau, celle des vins. Quelle position adopte le BNIC ?

Je constate que nous arrivons à bien nous coordonner avec les deux autres interprofessions. Une fédération existe, qui se réunit tous les mois avec FranceAgriMer, pour faire le point. Je trouve que l’on avance bien. La fédération est un lieu d’échanges entre les différentes filières. L’affectation fait déjà partie des dossiers en commun. Des sujets importants se dessinent comme la dématérialisation, le développement durable et pourquoi pas autre chose demain.

Sans oublier le dossier de la libéralisation des droits de plantation. Cognac a adopté une position un peu atypique sur le sujet.

Au mois de janvier dernier, les deux familles de la viticulture et du négoce ont très clairement affirmé leur opposition à la libéralisation totale des droits de plantation et leur soutien à un système de régulation. A partir de cette « feuille de route », il nous faut continuer à travailler, tout en étant suffisamment ouvert, pour faire partager notre vision à d’autres régions, au plan national et européen. Nous devons vraiment continuer à réfléchir, sans se mettre trop de freins. Il nous faut aller au bout de notre réflexion.

Voilà bientôt deux ans que vous êtes à Cognac. Votre impression ?

J’ai trouvé un produit fabuleux et une fonction enrichissante mais complexe également car il y a énormément de sujets à traiter, à relayer. Les domaines sont aussi bien économique que juridique ou politique. C’est un poste très complet, passionnant. J’ai la chance d’avoir des professionnels qui ont vraiment envie de travailler ensemble. Ils portent un regard positif sur les dossiers. C’est intéressant de voir qu’ils fonctionnent de concert, avec le souci de faire gagner à la région davantage de valeur ajoutée. Nous avons à faire à des personnes très techniques, très compétentes, qui possèdent un vrai amour du produit. En interne, j’ai trouvé une équipe riche de compétences très complémentaires. Je suis sûre que le travail en transversalité que je souhaite promouvoir débouchera sur encore plus de valeur ajoutée.

Parcours : Catherine Le Page a pris ses fonctions au BNIC le 15 mars 2010. Auparavant, elle était en poste au Conseil général du Var, chargée de l’Agriculture, du Développement rural et de l’Europe. Elle y a défendu le dossier « Couper n’est pas rosé ». Originaire de Bretagne, elle a d’abord travaillé dix ans à la Commission européenne puis dix ans dans le Finistère. A travers toutes ses missions, C. Le Page revendique le terme de « lobbyiste ». « Cela fait partie intrinsèque des fonctions de manager. »

 

 

 

Cahier des charges Soumis à Bruxelles en 2015
Dans le cadre de la réglementation européenne des IG (indications géographiques), l’Europe validera l’ensemble des cahiers des charges à partir de 2015. A cette date, chaque appellation devra « rendre sa copie » à Bruxelles. Cognac s’y prépare, comme les autres régions. « On peut se dire que 2015, c’est loin mais pas du tout » commente Catherine Le Page. « Nous voulons être sûr de ne rien oublier et, pour ce faire, il convient d’avoir une vision complète et approfondie. » Un cahier des charges qui vit et évolue, ne serait-ce qu’à travers le rendement annuel, les réserves de gestion… Même chose pour le Plan de contrôle, qui en est son pendant.

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