Président du groupe vin du Copa-Cogeca, Thierry Coste est l’un des rares représentants viticoles à participer au Groupe à haut niveau*. Il s’exprime sur le dernier GHN du 6 juillet.
Quel regard portez-vous sur cette réunion ?
Je suis très déçu, à la fois par le fond et par la forme. Sur la forme, vous savez que la Commission a décidé de créer trois sous-groupes, ce qui déjà, en soi, interpelle. Qui plus est, j’ai eu davantage l’impression de participer à « une formation pour adulte » qu’à un groupe de haut niveau. Chacun a dit ce qu’il avait à dire et le tout fut repris dans les conclusions mais à la manière des gens de la Commission. C’était très décevant de ce côté-là. Sur le déroulé de la réunion, la Commission a fait une présentation du fonctionnement des droits de plantation, sur la base d’un questionnaire remis à chaque état membre. A partir de là, la Commission n’a rien trouvé de mieux que de catégoriser les pays producteurs – Type 1 : Italie, Espagne, Portugal… Type 2 : France… Type 3 : Allemagne, Hongrie… C’est très désagréable de se voir ainsi étiquetés, compartimentés.
A votre avis, à quelle fin répond ce GHN ?
J’ai l’impression que la Commission est polie. Elle veut nous entendre, nous écouter. Mais j’ai aussi le sentiment qu’elle n’écoute pas vraiment les viticulteurs. En tant que président du groupe vin du Copa-Cogeca, je suis le porte-parole d’un million de vignerons. Aux yeux de la Commission, je ne représente pas plus que le délégué danois ou le délégué anglais très libéral, très loin du sujet. Je ressens aussi un grand décalage entre le discours de Dacian Ciolos, le commissaire européen à l’Agriculture et son administration. Le commissaire semble avoir envie d’ouverture, de faire bouger les lignes. Je ne suis pas sûr que ce soit partagé par les fonctionnaires européens.
Quelle ligne de conduite défendez-vous à la CCVF ?
Nous défendons un système de gestion du potentiel de production. Nous voulons maintenir les droits de plantation – ou un outil équivalent – pour toutes les catégories de vins. Or, aujourd’hui, je crois que la Commission est en train d’essayer de nous « enfumer ». Je n’y vois pas de mauvaises intentions de sa part. Elle souhaite faire plaisir à tout le monde, aux négociants, aux viticulteurs, aux pays non-producteurs…Mais au final, si nous laissons faire, je crains que nous héritions d’un texte qui ne satisfasse personne.
Quels sont les moyens de s’y interposer ?
Dès les vendanges, nous allons mobiliser l’opinion publique. Depuis 2007, l’Europe fonctionne sous la règle de la co-décision avec le Parlement européen. Pourtant, tout se passe comme si la position ferme du Parlement en faveur des droits de plantation n’était pas prise en compte. Même chose pour l’AREV, l’assemblée des régions viticoles d’Europe. Oui ou non, l’UE fonctionne-t-elle selon les règles d’une institution démocratique ?
Dans cette affaire, pensez-vous que les zones AOC soient protégées ?
Absolument pas. Toutes les zones viticoles sont « dans la même galère ». Si la libéralisation des droits de plantation s’appliquait aux vins sans IG, les AOC seraient énormément exposés. Car, par définition, aux confins des vignobles d’AOC se trouvent toujours des zones sans appellation. Les vins d’appellation auraient beaucoup à perdre en terme de concurrence déloyale, de détournement de notoriété…
Etes-vous confiant pour l’avenir ?
Confiant sans doute mais conscient de la difficulté. Ma confiance s’appuie sur la mobilisation de la viticulture. Le sujet des droits de plantation a réussi à fédérer l’ensemble du monde viticole. Un tel élan, une telle unanimité est rare en viticulture. C’est presque historique. Par contre, la Commission fait de la résistance. Elle campe sur ses positions, surtout l’Administration. Je ne vous citerais qu’un exemple : le 6 juillet, un cabinet d’audit, Wine Intelligence, a fait une présentation. Dans sa conclusion, il a dit qu’aujourd’hui, le modèle viticole chilien semblait être le plus performant. Quelqu’un a demandé quel était le modèle le plus performant il y a dix ans ? « L’Australie » a-t-on répondu. L’Australie qui s’est mis à produire des vins de 15-16 % vol. et qui se retrouve aujourd’hui complètement hors du marché. L’argument n’a pas semblé toucher plus que ça la Commission.
La suite ?
Nous n’allons pas « lâcher le morceau ». La position très ferme d’un des co-décideurs – le Parlement européen – nous amène à penser que les ministres de l’Agriculture ne pourront pas ne pas parler des droits de plantation en Conseil des ministres. Si 15 états membres producteurs soutiennent le retour à l’encadrement des surfaces, d’autres états membres ne sont pas opposés à la régulation. Il faut simplement que la Commission arrive à se montrer moins radicale. Il nous reste à trouver l’accord qui garantisse le système tout en allant dans le sens de la Commission. Je pense que c’est possible. Sinon il y aura danger.
* Présidé par le directeur général de l’Agriculture (Commission européenne), le GHN se compose de deux représentants par états membres (Europe à 27) ainsi que certains représentants professionnels dont le président de l’EFOW, deux représentants du Copa-Cogeca, un représentant de Via Campesina (Confédération Paysanne), deux représentants du négoce et deux observateurs du Parlement européen (fonctionnaires).
Bio express
• Thierry Coste est président de la Cave coopérative des vignerons de Florensac dans l’Hérault.
• A la CCVF (Confédération des coopératives viticoles de France), il préside la commission internationale chargée de toutes les questions relatives aux relations avec la Commission, le Parlement européen…
• Au Copa-Cogeca*, l’organe de représentation des organismes agricoles et de la coopération, il est à la tête du comité vin. A ce titre, il représente l’ensemble des vignerons coopérateurs de l’UE.
* Copa : Comité des organisations professionnelles agricoles – Cogeca : Confédération générale de la coopération agricole.