« heureux dans son verger, connecté au monde »

26 janvier 2017

Et si l’on profitait de cette période de décembre/janvier pour prendre un peu de hauteur ? S’extraire, ne serait-ce qu’une fois dans l’année, du « tout Cognac » qui nous sert, avec bonheur, curiosité et gourmandise, de colonne vertébrale. Mais au détour d’un journal (Télérama * pour ne pas le nommer) un article interpelle, celui de Gaël Giraud. Tiens, ce diplômé de Normale sup., cet universitaire patenté, économiste en chef à l’Agence française de développement (AFD) convoque plusieurs fois l’agriculture à la démonstration de son propos. Ce propos, quel est-il ? Que notre modèle économique n’est pas tenable, que la transition écologique créera du travail et donnera un sens à nos vies. D’accord, pas d’accord, les opinions sont libres. Mais dans une région où la notion de viticulture durable fait figure de mantra depuis plusieurs mois, il y a quelque part une certaine pertinence à envisager la question sous un nouvel angle, plus politique, plus économique, plus philosophique aussi. Car oui, précisions le, Gaël Giraud est également jésuite. Extraits.

La société en panne de projet – « Depuis une quarantaine d’années, la société française n’a plus de projet politique. Or, aucune société ne peut vivre sans un grand récit qui rappelle à ceux qui la composent pourquoi ils vivent ensemble et quel monde ils souhaitent transmettre à leurs enfants. En 1945, le projet était clair : reconstruire la France en ruine. Mais en 1970, il s’était plus ou moins réalisé. La France devient alors orpheline d’une vision et l’utopie de mai 1968 reste inachevée. C’est dans ces années que germent les problèmes qui nous assaillent : raréfaction des ressources naturelles, augmentation des dettes privées et publiques, montée des inégalités, mise en  place de marchés financiers dérégulés…Au final, c’est l’incapacité de la société française à faire face, par un projet novateur, à l’échec du programme implicite de la révolution industrielle – rendre heureux par une consommation carbonée, c’est-à-dire liés au pétrole et au charbon – qui éreinte notre société.

Une économie post-carbone – Ce projet est porteur d’emplois et porteur de sens et de lien social, parce qu’il a une dimension politique, collective et positive. Bref, il ressuscite cette « envie de demain » fondamentale pour l’équilibre de toute société. 

Une nouvelle société – L’enjeu n’est pas seulement technique. On ne va pas se contenter de rénover techniquement les bâtiments et de fabriquer les voitures à hydrogène. Il est aussi politique. Il appelle en effet à revisiter notre rapport à la propriété privée, une relation homme chose dans laquelle nous sommes enfermés depuis…l’Empire romain !Dans le droit romain, ce rapport prenait trois formes : l’usus ou droit d’usage, la possibilité d’utiliser quelque chose sans en être propriétaire ; le fructus ou le droit de vendre l’objet et d’en tirer un profit ; enfin l’abusus, le droit de détruire cet objet. Dans cette nouvelle société, la prospérité n’est plus le résultat d’une (sur) exploitation des ressources naturelles, mais de la gestion cohérente des apports créatifs de chacun.

Un bien commun – Qu’est-ce qu’un « bien commun » ? Une ressource naturelle – par exemple un système d’irrigation, un étang, le climat…Mais il peut s’agir aussi d’un bien culturel, comme les langues : personne ne peut les privatiser, et pourtant elles ne sont pas un bien public…Aucun bien d’ailleurs, n’est par essence privé, public ou « commun » : son statut relève toujours d’une décision éminemment politique – que la communauté doit prendre collectivement, après avoir réfléchi à ce qui relève de l’usus, du fructus, ou d’un usage raisonné. Disons-le crûment, notre avenir dépendra de notre capacité à former ces futures communautés, capables de décider ce qu’il faut faire des ressources renouvelables : l’intelligence, l’énergie solaire…

Changement d’esprit – Devenir employé de bureau n’est plus l’accomplissement ultime ! Il faut articuler les mondes rural et urbain, promouvoir une classe moyenne rurale heureuse de vivre dans son verger et capable d’y travailler tout en étant connectée au reste du monde. Rien d’utopique à cela. Nos imaginaires sont colonisés par l’ivresse du surmenage, mais cela peut changer.

Intériorité – Cette transformation ne pourra se faire sans une redécouverte de son intériorité par le plus grand nombre, quelle que soit la tradition dans laquelle cette intériorité est ancrée. »

Belle année à tous, pleine d’usus et de fructus (et, why not, un peu d’intériorité). Parlant fructus, une fois dépouillée les déclarations de récolte 2016, il semblerait que le rendement régional Cognac soit supérieur à ce qui était attendu. La région serait plus proche des 10,5 hl AP ha que des 9,5/10, et ce avant intégration de la réserve climatique. Par ailleurs les expéditions de Cognac frisent de nouveau la marche « historique » des 500 000 hl AP. Une performance qui ne doit rien au hasard mais tout à la capacité de conquête des marchés déployée par le Cognac.

 

* Télérama 3490 – 30/11/16

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