« Du bio pour tous » explique Frédéric Tanné, président du Groupement de producteurs charentais Bio Terroir. « Pas du bio élite, ni du bio bobo pas plus que du bio grande surface. » Du bio authentique – éthique pourrait-on dire – à la portée de toutes les bourses. Voilà pour la philosophie de l’association. C’est sur cette base que des producteurs se sont trouvés, choisis. Au départ, en 2007, ils n’étaient pas plus de six-sept, tous maraîchers. Et puis, de fil en aiguille, des « petits nouveaux » sont venus se greffer au noyau initial, séduits par la démarche. Aujourd’hui, ils sont 47 producteurs à adhérer à l’association, couvrant tous le champ de l’offre, des légumes à la viande en passant par les volailles, les fruits, les huiles, les fromages… En plus d’être président de l’association, Frédéric Tanné en est peu l’inspirateur et le chef de fil, tout à la fois papa poule, metteur en musique, booster quand il le faut. « Dans tout bateau, il faut un capitaine. J’assume ce rôle même si je n’est jamais été aussi gradé dans ma vie militaire » dit-il en souriant. L’homme est généreux mais coriace. On ne lui marche pas sur les pieds. Quand il n’est pas satisfait, il le dit et prend les mesures ad hoc. D’où quelques clash. Mais c’est sans doute la meielleure façon de garder le cap.
Des prix accessibles
Le cap de l’association Bio Terroir, c’est de proposer des produits de qualité, à des prix accessibles au plus grand nombre. Quand ailleurs les pommes bio frisent les 3,5 € le kg, elles s’affichent à 2,50 € à Bio Terroir. D’où la surprise de voir débarquer des hommes en bleu de travail un lundi soir dans le magasin. Ils passent faire leurs courses en sortant du chantier.
« Ici on ne cache rien, précise F. Tanné. Quand vous dépensez 1 € dans le magasin, 80 à 85 c vont dans la poche des producteurs et 15 à 20 c dans la poche du groupement. A 85 c d’euro, le producteur gagne bien sa vie et le solde sert à payer les charges fixes, le loyer, l’électricité, l’eau, voire quelques investissements exceptionnels du genre vitrine, groupe de froid… Le groupement n’est pas là pour engranger des milliers d’€ de bénéfice. »
Alors que la création d’un magasin de producteurs ne faisait pas vraiment partie des priorités de l’association, c’est l’opportunité d’un local à un prix raisonnable, dans la zone d’activités de Roullet-Saint-Estèphe, qui a servi de déclencheur. Le bail fut signé le 10 janvier et le 5 mars 2012 le magasin ouvrait. A l’époque, en France, il était le premier magasin de producteurs bio à s’installer. Depuis, plusieurs l’ont rejoint.
« Tout a été bricolé »
« Il n’y a rien de neuf ici » décrit Frédéric Tanné en jetant un regard circulaire sur le magasin. « « Les étagères ont été récupérées chez nos adhérents, des commerçants nous ont donné un peu de mobilier. Tout a été bricolé. » Une économie de moyens assumée. « Qui dit investissements dit amortissements. Et qui amortit ? Les clients. » Le magasin est tenu par les producteurs. A tour de rôle, ils assurent des permanences. Les plus éloignés se déplacent une fois par mois tandis que les plus proches « s’y collent » deux à trois fois par mois. Le magasin emploie un salarié 7 heures par semaine. La valeur moyenne du panier est estimée à 22-25 €.
Entre légumes frais, légumes secs, farine, sucre, poivre, fruits de pays et méditerranéens, sel, pâtes, huiles diverses et variées, volailles, viande rouge, fromages, café, thé… Le magasin offre tout ce qui est nécessaire à une alimentation normale ; sans superflu mais le nécessaire. Sans avoir besoin d’aller chercher ailleurs. A l’étonnement de voir des bananes, des citrons ou des avocats côtoyer la salade de pays dans un magasin de producteurs, F. Tanné répond sans difficulté : « En général, quelqu’un de 100 % bio a aussi une démarche écologique. Il ne souhaite pas prendre sa voiture plusieurs fois par semaine pour faire ses courses. C’est pourquoi nous avons choisi d’intégrer des produits extérieurs. Le cahier des charges “magasins de producteurs” autorise, je crois, 30 % d’achat/revente. Nous en sommes à 9 % et nous ne dépasserons pas les 10 %. » Le groupement a signé avec trois partenaires : Celnat pour tout ce qui est céréales, la scot (société coopératives de travailleurs) Ekitrade de Poitiers pour le commerce équitable (café, sucre, thé…) et Alterbio pour les fruits exotiques bio, en provenance exclusive du bassin méditerranéen.
Quels rapports les producteurs bio entretiennent-ils avec les magasins de producteurs fermiers ? Réponse du maraîcher bio de Roullet : « A 99 %, nos rapport sont excellents. Nous avons de très bons contacts avec La Belle Fermière, le marché du Tambourinour (Domaine Millon-Mesnard à Gondeville), la Grange d’Olga (Confolens)… Il n’y a pas d’ambiguïté entre nous. Même si les magasins fermiers mélangent bio et pas bio, les choses sont dites et tout va bien. Simplement, les clients bio à 100 % ne fréquenteront pas ce type de magasin. » Quant au 1 % qui ne trouve pas grâce aux yeux de F. Tanné, on en taira le nom. Mais on croit comprendre qu’il se classe parmi les « bobo » bio.
Entre septembre et décembre 2012, Bio Terroir a l’intention d’ouvrir une annexe de son magasin de producteurs bio à Cognac, sur le site des Vauzelles. Une bonne nouvelle pour tous ceux que le bio intéresse, sans y laisser leur chemise.
Bio Terroir
Zone d’activités de Roullet-Saint-Estèphe,
près RN 10 et La Couronne
Des paniers bio à la restauration collective
Les choses tiennent parfois à un fil. C’est parce que le Conseil général de Charente souhaitait mettre à disposition de ses salariés des paniers bio qu’il a demandé à six ou sept maraîchers bio de se regrouper. La dynamique était enclenchée. Le groupement de producteurs Bio Terroir compte aujourd’hui 47 membres, à 90 % charentais mais, parmi eux, se glissent quelques producteurs de Dordogne, de Gironde, des Deux-Sèvres. Ils ont rejoint le groupe par affinité.
Particularité de l’association ! Couvrir toute la gamme des produits bio, de l’agriculture à l’élevage. S’il y a 200 producteurs bio en Charente, avec ses 47 membres, le groupement « commence à représenter une petite force ».
En 2009, il a décidé de se lancer dans la restauration collective ou, plus exactement, de fournir des établissements scolaires et autres comités d’entreprises en produits bio. C’est le cas de plusieurs cantines et par exemple du lycée Marguerite-de-Valois. Pratiquement toutes les semaines, l’association lui livre légumes de saison, yaourts, fromages… Le groupement a abandonné les marchés « de plein-vent ». Trop difficile de faire sortir en même temps 47 producteurs. Par contre, il a conservé les paniers bio du Conseil général, tous les jeudis après-midi et a répondu « oui » à La ruche qui dit oui. Il s’agit d’une sorte d’Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) mais gérée par un particulier. Au « panier surprise », socle de toute Amap, se substitue une commande passée par le client. C’est lui et les membres de son association qui choisissent de quoi seront constitués leurs paniers. Il existe cinq « ruches » en Charente, totalement ficelées ou en projet, à Jauldes, Courbillac, Juillet, Chadurie, Champnier.