Surveillance de la qualité de l’air en Poitou-Charentes

4 juin 2013

Quand Arletty lance cette tirade à Louis Jouvet dans le film Hôtel du Nord de Marcel Carné, elle ne se doute pas que l’atmosphère fera l’objet d’études scientifiques poussées pour détecter la présence dans l’air de pesticides et autres substances potentiellement nuisibles à la santé. C’est le rôle, en Poitou-Charentes, de l’association ATMO.

Il y a un peu plus de dix ans, la région Poitou-Charentes a été précurseur dans la mesure des pesticides dans l’air. A l’époque, une seule région l’avait devancée, la région Centre. Ces mesures avaient été demandées par le PRQA (Plan régional de la qualité de l’air). En 1976, Michel Crépeau, maire de La Rochelle, crée l’ATMO, une association loi 1901 pour surveiller la qualité de l’air de la cité. Cette association s’étoffe sous l’effet de la loi sur l’air de 1986. La région siège au conseil d’administration d’ATMO Poitou-Charentes. Aujourd’hui, le réseau ATMO quadrille pratiquement tout le territoire français. Quelles sont les missions des ATMO ? Ces structures associatives évaluent et informent sur la qualité de l’air ou, plus exactement, sur l’impact des émissions potentiellement polluantes. Sont concernées tout type d’émissions, aussi bien celles provenant des transports que de l’industrie, l’habitat, les déchets, l’agriculture ou le chauffage. Les mesures d’impact s’effectuent, selon, au plus près de la source ou au plus près de la population, là où elle vit et « respire » (centre-bourg, cœur de villes). Les prélèvements sont réalisés à l’aide de préleveurs, des appareils équipés de filtres et de mousses aux diamètres très fins. Ces filtres et mousses piègent les molécules présentes dans l’air. Ces capteurs sont ensuite envoyés en laboratoires, pour analyse (par chromatographie en phase gazeuse ou liquide selon la nature des molécules).

En région, le site internet ATMO (www.atmo-poitou-charentes.org) propose, pour chaque lieu de prélèvement fixe (Poitiers, La Rochelle, Angoulême…), une consultation directe des données, pratiquement en temps réel. En saison, un bulletin pollinique régional est publié, une carte de vigilance est éditée.

Des études transversales

Mais des études plus transversales sont aussi réalisées. Le site de la Fédération nationale des ATMO (www.atmo-france.org) regroupe ces études. Leurs intitulés donnent une assez bonne idée du spectre d’activité du réseau : Mesures de la qualité de l’air dans tel groupe scolaire ; Qualité de l’air autour de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle ; Exposition à la pollution de différents modes de transport ; Etude de l’impact des rejets de l’UVE (Unité de valorisation énergétique) de telle ville ; Evaluation de l’impact de l’usine lambda ; Mesures des pesticides dans l’air (étude réalisée par ATMO Poitou-Charentes)… Naturellement, comme on ne trouve que ce que l’on recherche, le protocole des ATMO vise d’abord à sélectionner les principales substances susceptibles d’être présentes dans l’air en fonction de la cible (transport, agriculture…) et, ensuite, à effectuer les mesures.

Un site temporaire en zone viticole

En ce qui concerne le suivi de la contamination des pesticides dans l’air sur la région Poitou-Charentes, deux sites principaux ont été retenus : un site fixe de référence à Poitiers (quartier des Couronneries) et un site temporaire au cœur du vignoble, à Juillac-le-Coq (16), doublé en 2006 du site de Saint-Preuil, distant d’une dizaine de km. En ajoutant Saint-Preuil à Juillac, l’idée consistait à mesurer l’homogénéité des concentrations sur le vignoble.

C’est ainsi, qu’en 2006 et 2012, deux campagnes de prélèvements furent conduites en zone viticole Charentes : sur les communes de Juillac-le-Coq et Saint-Preuil en 2006 ; sur la seule commune de Juillac-le-Coq en 2012. Des préleveurs furent positionnés en centre-bourg. Agnès Hulin, ingénieur études à ATMO Poitou-Charentes, a suivi ces deux campagnes.

Pourquoi un focus d’ATMO sur les pesticides ? Comme déjà dit à maintes reprises, les pesticides sont suspectés de jouer un rôle dans le développement de cancers, de troubles de la reproduction ou de troubles neurologiques. A noter cependant qu’à l’heure actuelle, les pesticides ne sont pas réglementés dans l’air ambiant même si leur présence dans l’atmosphère ne fait plus débat. De très nombreuses études l’ont prouvé.

Une contamination plurielle

La contamination de l’air par les pesticides s’effectue de trois manières différentes : par dérive au moment des applications ; par volatisation de post-application à partir des sols et plantes traités ; par érosion éolienne sous forme absorbée sur les poussières des sols traités. Point important : comme source de contamination, la volatisation à partir des sols et de la végétation traités semble être plus importante que la dérive au moment des applications. Principaux facteurs qui influencent cette volatisation : la nature du pesticide (sa structure moléculaire), les conditions météorologiques (température…) et les caractéristiques sur sol (matière organique, argile, humidité…).

On estime entre 300 et 400 le nombre de pesticides utilisés sur la région viticole. Bien sûr, il n’est pas possible de couvrir tout le spectre. La campagne de mesure 2006 s’est attachée à rechercher 36 pesticides, parmi les plus utilisés (60 en 2012). Les résultats fournis par le réseau ATMO s’appuient sur trois indicateurs : la fréquence de détection, les concentrations moyennes, les concentrations maximales.

– La fréquence de détection d’une substance correspond au nombre de fois où elle est détectée par rapport au nombre de prélèvements.

– Les concentrations moyennes permettent d’appréhender les niveaux moyens auxquels sont exposées les populations.

Cette notion, est-il dit, « est indissociable de la fréquence de détection, une valeur moyenne devant toujours être mise en relation avec la durée d’exposition ».

A noter qu’en France il n’existe pas de seuil réglementaire concernant les pesticides, contrairement à ce qui se passe pour l’eau ou les aliments.

– Les concentrations maximales permettent de prendre en compte l’exposition aiguë aux pesticides dans l’air.

En 2006, l’étude sur la mesure des pesticides en zone viticole (Cognaçais), conduite en double commande sur les sites de Juillac-le-Coq et Saint-Preuil, avait livré les conclusions suivantes :

Sur les 36 composés recherchés, 21 ont été détectés, dont 10 herbicides, 8 fongicides et 3 insecticides. Parmi tous les composés détectés, le folpel est de loin celui pour lequel les valeurs mesurées ont été les plus importantes. On relève des concentrations élevées sur toute la période de traitement du mildiou sur la vigne. Hormis le folpel, les concentrations mesurées dans l’air ambiant pour les pesticides recherchés sont assez peu élevées et souvent attribuables à leur utilisation sur grande culture et non sur vigne. Parmi les molécules qui peuvent être associées à l’activité viticole, on trouve le cyprodinil, dont les concentrationss maximales mesurées en juillet pourraient correspondre aux traitements contre la pourriture grise ou le krésoximi-méthyl, dont la période de détection, toujours en juillet, correspondrait aux traitements contre le mildiou. Parmi les molécules recherchées, le terbuthylazine est un cas à part : interdite en 2003 sur grandes cultures et en 2004 sur vignes, elle est encore assez fortement détectée, dans des concentrations équivalentes voire un peu plus élevées que celles des campagnes réalisées en 2002 sur Cognac. Enfin, le lindane, lui aussi interdit d’utilisation (mais depuis 1998), est toujours détecté tout au long de l’année en raison de sa persistance dans l’environnement.

En 2013, l’étude réalisée par Agnès Hulin, suite à la campagne de prélèvement 2012, met en relief les résultats relevés sur les sites des Couronneries à Poitiers et de Juillac-le-Coq en Charente. La comparaison comme méthode d’analyse et d’appropriation.

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