Bernard Guionnet, Président de l’interprofession de Cognac

31 janvier 2011

Que les interprofessions, en lien avec les ODG et l’INAO, gèrent la régulation du potentiel de production… C’est la piste qui a la faveur du président de l’interprofession de Cognac, Bernard Guionnet. « Soyons imaginatifs, dit-il, car, à ne rien proposer, nous n’aurons rien. »

guionnet.jpg« Le Paysan Vigneron » – Vous ne faites pas de la défense des droits de plantation l’alpha et l’oméga de votre ligne de conduite ?

Bernard Guionnet – J’ai l’impression que le monde viticole fonde un peu trop d’espoir sur le maintien des droits de plantation. Chacun semble se rassurer d’une pseudo-évidence : « Ce n’est pas possible. Les droits ne disparaîtront pas ! » Or, moi, je crois qu’il faut faire comme si leur disparition était déjà actée. Partant de là, à nous de nous montrer imaginatifs. D’emblée, projetons-nous dans l’après. D’ailleurs n’est-ce pas typiquement français de critiquer les choses – en l’occurrence les droits de plantation – pour, le jour où l’on veut y toucher, s’arc-bouter sur leur maintien. Des pistes me semblent intéressantes, qu’il convient d’examiner.

« L.P.V. » – Lesquelles ?

B.G. – Je pense à une régulation du potentiel de production par les interprofessions ou, plus exactement, par les interprofessions en lien avec les ODG et l’INAO. Dans leurs régions respectives, les interprofessions détiennent le pouvoir économique mais les ODG et l’INAO sont les garants qualitatifs. Le triptyque représente une vraie légitimité. Nous souhaitons tous conserver une régulation. Mais il faut se rendre à l’évidence : elle ne sera plus celle que l’on connaissait avant. A ne rien proposer, nous courrons le risque de ne rien obtenir, c’est-à-dire d’être confronté au vide en 2016.

« L.P.V. » – Avec la déclaration de la chancelière Angela Merkel, l’Allemagne a pris une position politique en faveur du maintien en l’état des droits de plantation.

B.G. – Certes mais je constate que des pays comme l’Italie ou l’Espagne n’aient pas fait de même. La France est peut-être tentée de suivre l’Allemagne, en se disant – dans ces domaines-là comme dans d’autres – que ce qui réussit à l’Allemagne peut réussir à notre pays. Ceci dit, la Commission européenne est souveraine et 2 pays sur 27 ne suffisent pas à établir une majorité.

« L.P.V. » – La CNAOC, l’organe de représentation des vignerons d’AOC, ne semble pas prête à passer par profit et perte les droits de plantation. Elle dissocie bien l’instrument juridique de régulation, que sont aujourd’hui les droits de plantation et la structure chargée de les mettre en œuvre, qui pourraient être les interprofessions. Elle recommande de ne pas mélanger les deux.

B.G. – En fait, dans le monde du vin, les interprofessions n’ont pas la puissance ni la volonté de persuasion d’interprofessions comme celles de Cognac ou de Champagne. Dans les régions de vins tranquilles, les interprofessions sont plus des organes de veille économique et de promotion que des organes de gestion. La différence d’approche vient peut-être de là.

« L.P.V. » – Admettons que les interprofessions soient conduites, un jour, à gérer le potentiel de production. Comment s’y prendront-elles pour dire qui a le droit de planter et qui n’a pas le droit ?

B.G. – Prenons l’exemple de Cognac. Même si les ventes devaient progresser de 5 à 10 % lors des prochaines années, nous avons de la marge. A 12 de pur ha sur 75 000 ha, cela fait quand même « un peu de bouillon ». Mais si, par hypothèse, nous devions aller vers la plantation de 2 000, 3 000 ou 5 000 ha, il reviendrait sans doute à l’interprofession de définir des critères « intelligents ». Ces critères pourraient se baser sur les sorties par crus, par tranches d’ha. Certes, la distribution des droits de plantation devrait se faire de manière démocratique mais en tenant compte aussi de la qualité et des attentes du marché. Souvenons- nous des 20 000 ha plantés dans les Bons Bois dans les années 70. Aujourd’hui, la surface viticole de ce cru est redescendue à 8-9 000 ha. Et ne me faite pas dire que je souhaite qu’il se plante 3 000 ha en Grande Champagne. Surtout pas ! Pour vivre heureux, je ne suis pas sûr qu’il faille deux fois plus de surfaces que de besoin.

« L.P.V. » – Des professionnels charentais reparlent du quota d’exploitation. Qu’en pensez-vous ?

B.G. – Autant je sens mal le quota d’exploitation dans un contexte purement INAO, autant il peut sans doute représenter une piste intéressante quand il s’agira de proposer un instrument de régulation. Dans ce contexte, il peut peut-être « reprendre du service ».

« L.P.V. » – En ce qui concerne la régulation du potentiel de production, quelles vont être les prochaines étapes ?

B.G. – Plusieurs chantiers s’ouvrent de concert, régional, national et européen. A notre niveau, l’interprofession de Cognac a constitué un groupe de travail sur le sujet, afin d’échanger entre viticulture et négoce. Ensuite nous rencontrerons les instances régionales, CNAOC pour la viticulture, AGEV* pour le négoce. Pendant ce temps, j’espère qu’une solution émergera car 2016, c’est demain.

* AGEV : Association générale des entreprises vinicoles, organe de représentativité et de défense des négociants français en vin.

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