Sur la précédente récolte, le rendement Cognac s’était conclu, au final, par un 11,02 : 9,52 en libre + 1 en compte 4 et 0,5 en compte 10, le tout exprimé en hl AP/ha. Pour la prochaine récolte 2012, la proposition de rendement « tombée des urnes » ou plutôt de l’assemblée plénière du BNIC du 25 mai dernier est la suivante : 10,83 hl AP/ha, en libre. Point barre. Pas de rendement différencié, entre libre et réserve de gestion. Cette année, les professionnels souhaitent « mettre entre parenthèses » le mécanisme de réserve de gestion, peut-être pour mieux y revenir plus tard. A la marge, ils expriment également le vœu que la climatique passe de 5 à 7 hl AP/ha dès la récolte 2012.
Ne pas trop produire mais permettre, en même temps, aux maisons de négoce de bénéficier de plus de disponible que l’an dernier… C’est à peu près à cette synthèse que le chiffre de 10,83 renvoie. Il y a un peu plus d’un mois, la viticulture défendait un rendement total de 11,05, avec un rendement libre de 10,05 et une réserve de gestion d’1 hl AP/ha. Les négociants, surtout parmi les petites et moyennes maisons, réclamaient au moins 10,50 en libre. Ils ont été entendus. Au final, s’il est validé, le rendement libre passerait à 10,83, soit 1,31 hl AP/ha de mieux que l’an dernier (9,52). Mécaniquement, le chiffre de 10,83 se base sur les 10,04 délivrés par l’outil de calcul du rendement, plus la réintégration, en une seule année, du rattrapage des 0,79 pour le passage de l’XO au compte 10 (devenu depuis XO compte 12).
Quelque part, cette martingale de 10,83 directement commercialisable véhicule le message d’un rééquilibrage, rééquilibrage entre les opérateurs, rééquilibrage des ventes surtout. Ces derniers temps, à chacune de leurs prises de parole, les représentants viticoles de l’UGVC ont exprimé leurs doutes sur la stratégie de premiumisation conduite par certains opérateurs, stratégie qui s’accompagne d’un tropisme géographique sur l’Asie et tout particulièrement sur la Chine. « Nous ne sommes pas sûrs qu’il s’agisse d’une stratégie durable. Si nous regardons en arrière et les retournements de marché, nous ne pouvons que concevoir de légitimes inquiétudes. Sans grever l’avenir par une politique trop restrictive, nous ne voulons pas reproduire les erreurs du passé. »
Le calcul de la viticulture ! En augmentant le disponible, donner un ballon d’oxygène aux PME du Cognac, plutôt implantées sur les marchés européens et d’Amérique du nord ainsi, sans doute, qu’un signal fort aux négociants qui ont choisi le déploiement de leurs ventes sur toute la gamme – du VS à l’XO – et sur toutes les zones. En ce qui les concerne, les PME du Cognac applaudissent à la démarche : « Bien sûr, tout ne sera pas disponible. Une partie partira vers les grandes maisons. Mais ce que ces grandes maisons allaient chercher l’an dernier au-delà de leurs viticulteurs, elles le trouveront cette année pour une bonne part dans l’augmentation du rendement. Forcément, le commerce sera plus fluide. » Elles confirment le danger de la premiumisation. « Les viticulteurs ont raison. Une économie du Cognac qui n’existerait qu’au-delà du VSOP paraîtrait hautement risquée. Plus le Cognac occupera une position de niche, moins il sera visible. A ce titre, la préservation des marchés de VS semble fondamentale. Quant à commercer avec une seule partie du monde, c’est banalité que d’en dénoncer la précarité. »
Si le rendement Cognac 2012-2013 ne comportera pas, a priori, de réserve de gestion, les représentants viticoles veulent inciter les viticulteurs à stocker. « Profitez de ce rendement libre assez élevé pour reconstituer vos propres réserves. » Ils citent une statistique inquiétante à leurs yeux. En 2006, le stock détenu par la viticulture (stocks logés dans les chais viticoles, hors coopératives associées) s’élevait à 38 %. En 2012, ce pourcentage a chuté à 25 % et encore ne prend-il pas en compte les stocks engagés auprès des négociants en contrat de bonne fin. À vue de nez, le stock d’eaux-de-vie vraiment libre ne dépasserait pas 10-15 %, dont les trois quarts en compte 0/1/2. Cette déprise du stock viticole interpelle les responsables. « Nous devons avoir une vraie réflexion avec les négociants sur le retour de plus-value à la viticulture. Quelle marge sur stock le négoce est-il prêt à partager avec nous ? »
Question ! L’abandon – même temporaire – de la réserve de gestion constitue-t-elle le meilleur moyen de « booster » les stocks viticoles ? Certains en doute sérieusement. « Il y a fort à parier que les livreurs de vin ne stockeront pas cette année. Seuls les bouilleurs de cru, qui possèdent leurs alambics et ont des habitudes de stockage, continueront de le faire. » Et l’on peut faire confiance au négoce pour aller chercher la marchandise là où elle est. « C’est porte ouverte » commente un observateur. Quant aux prix, la viticulture dit souhaiter une augmentation au moins équivalente à celle de l’an dernier (+ 5 %). Mais, à ce sujet, aucun témoin ne se risque à donner son avis, de peur d’être dépassé, volatilité oblige. Juste un professionnel signale-t-il que le rendement libre est de nature à mettre un peu d’ordre dans les prix. « Le problème, ce ne sont pas les augmentations de prix sur les vieux comptes. C’est l’effet de contagion sur les jeunes comptes et ce jusqu’au compte 0. »
Lors de l’assemblée plénière du 25 mai, les professionnels ont décidé de se revoir pour réfléchir tous ensemble à la problématique du calcul du rendement et du mécanisme de réserve : révision de l’outil de calcul, mode de constitution de la réserve de gestion, intégration de cette réserve de gestion dans le rendement… Ils se donnent jusqu’à la fin de l’année 2012 pour livrer leur expertise.
Dans ce contexte, Jean-Marc Girardeau, secrétaire général de la maison Camus, émet une proposition qu’il qualifie lui-même « d’un peu iconoclaste » mais qu’il assume : « L ‘outil de calcul de la QNV émane d’une situation de crise, à une époque où la région sortait du traumatisme des 6 de pur ha. Je milite pour que la région revienne au seul système valable pour le Cognac, la liberté de production. » Le négociant parle à cet égard d’un espace de liberté nécessaire à la viticulture et d’une vraie prise de responsabilité des opérateurs viticoles. « L’outil de calcul a permis de mieux nous connaître, d’instaurer de la confiance et de la transparence. Aujourd’hui, nous pouvons passer à une nouvelle étape. Je sais que des collègues partagent cette approche. »
Au sujet des déclarations « un peu à l’emporte-pièce » du négoce sur l’augmentation de la surface du vignoble, la viticulture s’insurge et entend faire une mise au point. « Déclarer que le vignoble doit augmenter de 5 ou 7 000 ha relève du pur fantasme. Il n’y a pas de discussion sur le sujet. Le dossier n’a pas été ouvert au sein de l’interprofession. »
0 commentaires