Propane Et Gaz Naturel, Deux Produits Et Deux Marchés

16 mars 2009

La Rédaction

brleur-1_opt.jpegDans la région délimitée, toute la production de vin est actuellement distillée avec du gaz propane et du gaz naturel. Les ventes de ces deux combustibles ont été très fluctuantes au cours des 15 dernières années, en raison de niveaux de productions d’eaux-de-vie qui sont passées de 350 000 hl d’AP à 600 000 hl AP. Le propane et le gaz naturel sont commercialisés d’une manière très différente car pour le premier les cotations sont fixées à l’échelle mondiale alors que pour le second, les réseaux d’approvisionnements régionaux influencent fortement son prix.

 

 

La récente augmentation de volumes distillés semble avoir recréé un climat de concurrence entre les différents fournisseurs de gaz. L’appréciation des volumes de gaz consommés dans la région de Cognac est un peu compliquée à évaluer du fait de l’utilisation de deux natures de combustible différentes. Néanmoins, la distillation d’un volume de 600 000 hl d’AP nécessite une consommation totale de 30 000 tonnes de gaz en équivalent de propane (calculée à partir d’une consommation moyenne de 50 kg de propane/hl d’AP). Un tel volume constitue à la fois un petit marché à l’échelon national mais un créneau commercial très important à l’échelon régional. Cinq acteurs interviennent dans la région, Antargaz, Butagaz, Primagaz, Totalgaz et Gaz de France. A l’origine, l’ensemble des distilleries de la région étaient alimentées en propane mais depuis le milieu des années 90, une certaine concurrence d’approvisionnement s’est instaurée avec le gaz naturel. Les 2 000 bouilleurs de cru répartis dans l’ensemble de la région délimitée utilisent pour leur grande majorité du propane (à plus de 90 %) alors que chez les distillateurs de profession, le gaz naturel représente plus de 60 % de la consommation.

Le propane directement touché par la flambée de « l’Or noir »

Le gaz propane est du gaz de pétrole liquéfié qui est extrait soit du pétrole brut au cours du raffinage (le raffinage de 100 tonnes de pétrole brut fournit environ 4 tonnes de gaz de pétrole liquéfié), soit du gaz naturel et des gaz associés dans les gisements de pétrole. Au cours du processus de distillation du pétrole, le propane et le butane sont des produits très volatiles extraits en tête de colonne. De par ses caractéristiques physiques, le propane est un gaz facile à transporter et à stocker, ce qui permet d’envisager sa distribution en petits comme en gros contenants. Le pouvoir calorifique du propane est supérieur à celui du gaz naturel, ce qui permet d’obtenir de bons rendements de combustion. Les différents brûleurs utilisés par les constructeurs d’alambics ont été mis au point avec le gaz propane et souvent aussi avec l’aide des entreprises commercialisant ces produits. Cette énergie s’est imposée comme le combustible idéal pour la distillation du fait de sa souplesse et de sa facilité à la mettre en œuvre. Jusqu’au début des années 90, le propane était utilisé dans plus de 95 % des distilleries de la région délimitée, mais depuis le gaz naturel s’est développé autour des zones plus urbaines. Quelle est la part de marché du propane actuellement dans la région de Cognac ? Il est bien difficile de répondre à cette question car les fournisseurs restent discrets sur le sujet. Divers recoupements permettent tout de même d’estimer que les ventes de propane se situent autour de 18 000 à 19 000 t/an. La production et les réserves de propane sont donc dépendantes des ressources pétrolières et on sait qu’à l’horizon 2050, elles seront limitées. Le marché du gaz de pétrole liquéfié se raisonne à l’échelle mondiale et un indice de cotation mondial de son cours existe : le PLATT’S. L’évolution de cet indice est complètement corrélée aux cotations du pétrole et la flambée de « l’or noir » a un effet de contagion sur le prix de la tonne de propane. Peut-on imaginer que lorsque les cours du baril de pétrole dépassent ces jours-ci les 103 $, les prix du gaz ne vont pas bouger ? Cela paraît impossible !

Bien négocier devient de plus en plus difficile

Les fournisseurs de propane dans la région tiennent un discours prudent et lucide sur les hausses actuelles et futures de cette énergie. L’un d’eux nous expliquait qu’au sein de sa société, les spécialistes du marché font des analyses qui cautionnent une tendance haussière des cours mais peut-être aussi à moyen terme une stabilisation et peut-être une baisse des prix : « Dans le moyen terme, la tendance haussière des cours du propane est une réalité que l’on ne peut pas nier. Cependant, la demande d’énergie n’est pas linéaire au cours d’une année, ce qui entraîne une forte fluctuation du prix du brent et de l’indice PLATT’S. Il existe des périodes de fortes demandes qui amplifient la hausse et des cycles de baisse de consommation qui la minimise. Le marché mondial du gaz réagit fortement à ces variations de la demande, d’où les fluctuations des cours depuis deux campagnes. Au sein de toutes les grandes sociétés pétrolières et gazières, les analystes de marché ne cachent pas que la tendance haussière du prix de ces énergies aura aussi des conséquences que l’on a beaucoup de mal à anticiper aujourd’hui. De nombreuses réflexions sont actuellement menées dans le monde entier pour réduire les utilisations des énergies fossiles et trouver de nouveaux combustibles. A terme, elles vont déboucher sur de nouvelles solutions technologiques. Par ailleurs, au-delà un certain niveau de prix du gaz, les industriels grands consommateurs se détourneront définitivement de cette énergie et la demande va alors baisser dans des proportions fortes, entraînant bien sûr une baisse des cours et une longévité des ressources accrue. » Que faut-il penser de ce discours ? Est-ce une réponse d’opportunisme commercial ou l’expression d’une réflexion de fond dans le moyen terme ? Dans ce domaine très sensible du coût de l’énergie, les petits utilisateurs de gaz propane que sont les distillateurs de Cognac ne pèsent pas lourds et les marges de négociation pour bien acheter le gaz semblent assez limitées. C’est peut-être pour cette raison que la conduite de la distillation charentaise doit rentrer dans une phase de maîtrise technique de la consommation d’énergie.

gaz naturel : transport et distribution représentent 50 % du prix de vente

Le gaz naturel est un combustible d’origine fossile qui a été longtemps considéré comme une énergie secondaire par rapport au pétrole. Néanmoins, son exploitation connaît un net développement depuis 40 ans et les efforts d’exploration ont permis de découvrir des gisements importants. Les réserves actuelles de gaz naturel sont abondantes (65 années de réserves en 2006) et pour le futur, des experts estiment que des quantités significatives restent à découvrir. 70 % des ressources sont actuellement détenues par les pays du Moyen-Orient (Arabie Saoudite, Qatar, Iran…) et la Fédération de Russie. En Europe de l’Ouest, la Norvège, les Pays-Bas et le Royaume-Uni exploitent des gisements mais cette production ne suffit pas à satisfaire les besoins des 25. Les importations en provenance de la Russie et de l’Algérie représentent environ 45 % de la consommation de l’Europe de l’Ouest. Certaines études prospectives révèlent que dans les années 2030 à 2040, plus de 80 % du gaz consommé en Europe seront importés. L’éloignement des zones de production par rapport aux lieux de consommation rend coûteux le transport et l’état gazeux de ce combustible complique son acheminement. Plus de 70 % des transports de gaz naturel s’effectuent par des gazoducs et l’implantation et l’entretien de ces infrastructures nécessitent des investissements conséquents. Une partie des transports (environ 25 %) est aussi réalisée par voie maritime avec des méthaniers mais il faut refroidir le gaz naturel pour le liquéfier. Toutes ces interventions renchérissent considérablement le coût de la matière première gaz naturel. L’exploitation de toutes ces infrastructures fait que les débouchés commerciaux ne reposent pas sur un marché global mais sur les marchés régionaux localisés autour des « canaux d’alimentation ». Diverses études montrent que les coûts de transport et de distribution du gaz naturel au niveau des utilisateurs représentent environ 50 % du prix de vente. En France, Gaz de France assure l’implantation du réseau de distribution du gaz naturel dans l’ensemble du territoire. L’entreprise a construit des réseaux en privilégiant les zones urbaines et industrialisées, et dans nos départements beaucoup de distilleries situées à proximité de petites villes ont choisi ce combustible.

Des prix attractifs du gaz naturel encadrés jusqu’à présent par l’état

Gaz de France propose aujourd’hui des tarifs de gaz qui sont encadrés par l’Etat, ce qui en explique en partie leur attractivité. Plusieurs distillateurs ne cachent pas qu’en choisissant le gaz naturel à la place du propane, leur coût de distillation a chuté de manière significative. On peut se demander si cette situation va durer une fois que l’entreprise sera totalement privatisée ? L’ouverture à la concurrence du marché du GN sera peut-être aussi, dans l’avenir, un moyen de faire évoluer les offres commerciales. Jusqu’à présent, Gaz de France est le seul interlocuteur commercial en GN des distillateurs charentais et dans un premier temps l’entreprise a mis en œuvre une stratégie pour démarcher les gros consommateurs (prioritairement distillateurs de profession). Les volumes de gaz naturel vendus dans la région sont aussi difficiles à évaluer que ceux du propane. C’est un sujet sensible où l’on communique peu mais divers recoupements permettent d’apprécier les ventes autour de 10 000 à 12 000 tonnes d’équivalent propane. Le développement des ventes de GN passe maintenant par des extensions de réseaux qui doivent se justifier sur le plan économique par des volumes de consommation significatifs. Les bouilleurs de cru utilisent encore peu le GN car ces petites unités sont souvent éloignées des réseaux. Les offres commerciales de GDF sont aussi très différentes en fonction des volumes consommés. Les unités de distillation dépassant le niveau de 400 hl d’AP sont alimentées à des niveaux de pression de 1,2 bar qui nécessite pratiquement aucun aménagement pour s’adapter à ce nouveau combustible. En dessous des niveaux de consommation correspondant à 400 hl d’AP, les alimentations sont effectuées à des pressions de 300 millibars, ce qui oblige à modifier totalement l’installation (doublement des brûleurs et nouvelle régulation). L’investissement entre 8 000 et 10 000 € par alambic pour transformer un foyer au gaz naturel fait encore réfléchir beaucoup de viticulteurs, même si le coût de ce combustible est inférieur de 10 à 20 % (selon les volumes achetés). Le développement futur des ventes de gaz naturel dans la région délimitée est donc directement lié à la volonté commerciale de Gaz de France d’implanter de nouveaux réseaux de distribution dans des zones moins urbanisées.

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