Problèmes d’Étiquetage

21 février 2009

Pour lutter contre la contrebande, la contrefaçon et les produits frelatés, le gouvernement russe a décidé de révolutionner son système de suivi fiscal des produits alcooliques. Mais la réforme, insuffisamment préparée, a « beugué ».
Conséquence : à partir du mois de juin, la Russie a connu une rupture complète de son approvisionnement en alcools locaux comme importés. Aujourd’hui le marché russe entre en convalescence. Aura-t-il recouvré la santé pour les fêtes de fin d’année ?

Le Marché

La réforme initiée par le régime de Poutine remonte à début 2005.
Objectif : mieux contrôler la circulation de l’alcool en Russie, aussi bien pour les produits locaux que pour les produits importés. Il faut dire que les motivations à ce changement sont légion. Annuellement, on estime à plus de 2 milliards le nombre de bouteilles de Vodka objet de contrebande, échappant par là même aux taxes. D’où un lourd manque à gagner. Plus grave encore, les alcools contrefaits et frelatés entraînent tous les ans le décès de 40 000 personnes, quand ils ne les rendent pas aveugles. L’alcoolisme, problème majeur de la Russie, vaut aux hommes une durée de vie moyenne de 50 ans et au pays des centaines de milliers d’heures chômées. Gorbatchev, en son temps, avait déjà fait de la lutte contre l’alcoolisme une cause nationale. En vain. Le gouvernement de Poutine a repris le flambeau en lançant sa réforme. Une réforme de fond, ambitieuse, à l’architecture complexe. A la base, on trouve une refonte des bandelettes fiscales apposées sur les goulots des bouteilles. Pour assurer une meilleure traçabilité des produits alcoolisés (à partir de 9 % vol.), les nouvelles bandelettes comportent beaucoup plus de renseignements : marque, contenant, nom du fournisseur, nom de l’importateur, millésime pour les vins… Surtout, les bandelettes d’accises, au lieu d’être communes à de grandes catégories de produits, correspondent dorénavant à une seule et unique référence (par exemple, pour une même marque de Cognac, les bouteilles VSOP et XO relèveront de deux bandelettes fiscales différentes). Pour les produits importés, c’est au distributeur que revient le soin de rentrer ces données sur le système informatique de l’administration fiscale russe, avec qui il est relié par un logiciel d’interface développé par cette même administration (coût d’achat du logiciel : 3 000 dollars, à la charge de l’opérateur). Autre changement par rapport au passé : l’Administration ne se charge plus d’imprimer les bandelettes mais en confie le soin au distributeur. Ce dernier reçoit des bandelettes fiscales vierges et imprime, grâce au logiciel en sa possession, les données sous forme de gencode. Un autre volet de la réforme, ultérieur, consisterait à équiper tous les revendeurs – échoppes, magasins, cavistes, restaurateurs – de terminaux d’ordinateurs pour assurer le suivi matière des produits.

UNE APPLICATION PRÉCIPITÉE

Cette réforme, belle et bonne en théorie, a souffert d’une application précipitée. Ce qui aurait nécessité un ou deux ans de préparation a été mis à exécution en à peine six mois. Votée en août 2005, la loi devait rentrer en vigueur le 1er janvier 2006. Effectivement, à cette date, le gouvernement russe a décrété que tous les produits qui comportaient les anciennes bandelettes fiscales devaient être retirés du marché avant le 30 juin 2006. Ce qui fut fait. Sauf que le système informatique – baptisé Egais – avait sous-estimé le nombre de transactions et a « beugué ».

Russe Asséché

 Impossible donc d’imprimer les nouvelles bandelettes fiscales alors que toutes les boissons alcoolisées légalement déclarées se retrouvaient dans des entrepôts, soustraites du marché. Pour couronner le tout, l’Imprimerie nationale s’est avérée dans l’incapacité de fournir les timbres fiscaux, pour cause de rupture de stock de papier. Engorgement total tandis qu’aucune consigne claire ne parvenait de l’Etat. Conséquence : à partir de la fin juin, le marché russe était asséché.
Progressivement ou très brutalement parfois, les étagères des magasins, les tables de restaurants se vidèrent de leurs bouteilles, au grand dam de la population. Plus aucun flacon à ouvrir, plus aucun bouchon à faire sauter. Régime sec pour tout le monde, sauf, oh paradoxe, à piocher dans le stock d’alcools de contrebande. Fin septembre-début octobre la situation a commencé à se rétablir mais au compte-gouttes, le logiciel du ministère des Finances fonctionnant un jour sur deux. Côté bandelettes fiscales, les produits locaux furent servis les premiers, politique intérieure oblige. Des importateurs durent débaucher temporairement leurs salariés ; durant les fortes chaleurs, des bouteilles se sont altérées dans les entrepôts non réfrigérés, quelques distributeurs déposèrent même leurs bilans. Aujourd’hui encore, les distributeurs gèrent la pénurie. Au moins ne souffrent-ils pas de problème d’écoulement. « Il suffit de mettre des bouteilles sur les étagères pour qu’elles partent dans la journée. » Pourtant les petites marques de Cognac, apparues sur le marché russe voilà quatre-cinq ans, nourrissent quelques inquiétudes. Retrouverontelles leurs parts de marché ? Comme toujours, la crise a moins touché les gros distributeurs, mettant en marché les majors que les distributeurs de second rang. « Il est possible qu’un écrémage s’opère, avec la disparition de certaines marques, susceptibles de revenir d’ici un an ou deux. »

UN MARCHÉ CONVALESCENT

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Christophe Guillet, Maison H. Mounier.

Christophe Guillet, responsable zone export pour l’Europe de l’Est et l’Europe du Sud chez H. Mounier, bon connaisseur de l’espace russe, parle aujourd’hui d’un marché en convalescence, qui commence juste à se relever. Cette crise conjoncturelle est-elle de nature à altérer durablement le marché du Cognac en Russie ? Le cadre export ne le pense pas. « Il y a un tel désir de consommer du Cognac en Russie ! » En tout cas, les soubresauts actuels ne sont en rien comparables avec la crise d’août 1998 qui avaient abouti à diviser par quatre les ventes de Cognac, sur fond de krach financier russe. Aujourd’hui, la volonté frénétique de consommation des Russes – qui ne date pas d’hier – se nourrit à la source de la manne pétrolière. Car, peu ou prou, une partie des revenus tirés de l’or noir finit par arriver jusqu’à la société civile. Une classe moyenne émerge en Russie, attirée par les produits de consommation importés, voitures, vins français, italiens, espagnols. Si, en Russie comme ailleurs, les Scotch Whiskies connaissent une croissance en pente forte– dopée à coup « d’événements » volontiers fastueux – Ch. Guillet estime que cette croissance n’empiète pas sur le Cognac. « Il y a de la place pour tout le monde. Le marché russe réserve un potentiel de consommation énorme. Nous ne sommes qu’au début de l’aventure russe. » A deux mois des fêtes de fin d’année, les opérateurs se focalisent sur un objectif : remporter la course contre la montre de l’approvisionnement du marché.Il faut dire qu’en Russie 60 % des ventes se réalisent entre le 1er octobre et le 10 janvier. Un enjeu colossal !

 

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