Dans ces années-là, on parlait « de la faim de Cognac des négociants ». Il y avait de quoi. Les ventes de Cognac progressaient de 10-15 % l’an tandis que le vignoble « enquillait » les mauvaises récoltes. Pourtant l’année 1970 fait exception. Il y a du vin partout ! Les camions-citernes sont sur les routes, les distillateurs assaillis par les viticulteurs en difficulté de logement. En alcool pur, la région produira 78 % de mieux qu’en 1969. C’est la meilleure récolte jamais enregistrée depuis le phylloxéra. Pourtant – ou à cause des petites récoltes précédentes – les cours flambent. La cote officielle adoptée le 30 septembre 1970 par l’interprofession est très vite dépassée. Fait unique dans l’histoire du Cognac ! Une seconde augmentation de prix est déclenchée en cours de campagne. Au final, en 1970, le prix des eaux-de-vie nouvelles progressera d’environ 15 %. Il faut dire qu’au milieu des années 60, les prix avaient été drastiquement bas (6,90 F le °hl en 1965, 7 F en 1968…). En 1970, la détermination du prix intègre – déjà – la notion de rattrapage. Existe même une commission baptisée de ce nom. Mais la tension de marché joue aussi. Cette année-là, les vins vinés (près de 24 000 hl AP à l’époque) iront jusqu’à payer les vins de distillation 13 F le °hl.
Hasard ou contingence de l’histoire ? Cette même année 1970 va coïncider avec les premiers dépôts de dossiers de plantations nouvelles autorisées dans le sillage des journées de la SARES. A coup de tranches de 10 000 ha (1972, 1973, 1974), il se plantera 30 000 ha dans la région délimitée. Mais, dès 1973 les nuances s’amoncellent sur l’économie mondiale : guerre du Yom Kippour, premier choc pétrolier. Le rêve d’un avenir radieux se brisera net sur les berges de la crise. Les « trente pleureuses » succéderont aux « trente gloriseuses » dans la région. Mais tout le monde sait que l’histoire ne se répète jamais.