Dossier vinification : le suivi de maturité

2 octobre 2009

Comment extraire le meilleur des baies de raisins ? En essayant de les récolter à leur optimum de maturité dans chaque parcelle. Pour atteindre cet objectif, la réalisation d’un suivi régulier de l’évolution de la maturation dans les semaines précédant la récolte est le seul moyen d’observer les changements de nature d’un fruit aussi fragile que le raisin.

Le raisin est un fruit pulpeux sensible qui réagit fortement aux aléas de la climatologie à partir de la véraison. Les excès d’eau, de chaleur, de fraîcheur ou, à l’inverse, la clémence et la régulation du climat du 15 août au 30 septembre interfère fortement sur le contenu qualitatif des baies.

Les premières semaines de la maturation 2009 se sont déroulées dans de bonnes conditions. Le mois d’août chaud a permis une véraison assez précoce et ensuite une évolution normale et régulière de la maturation. Les fortes chaleurs et l’absence de pluie ont eu des conséquences sur la vigne à partir de la fin août et dans les parcelles plus chargées, la maturation semblait parfois bloquée. Si cette situation venait à se poursuivre, le contenu qualitatif des baies pourrait en être affecté.

Durant la maturation, l’augmentation de la teneur en sucres dans les baies s’accompagne d’autres transformations
chimiques qui contribuent fortement à l’équilibre qualitatif final des productions. Au fur et à mesure que mûrissent les baies de raisins, elles deviennent aussi fragiles aux agressions extérieures et tout particulièrement aux attaques de
botrytis. La maîtrise qualitative de la maturation englobe à la fois la concentration des baies en sucres, arômes,
polyphénols… et leur maintien en parfait état sanitaire. Le contenu des baies est naturellement de protéger par leurs
pellicules qui malheureusement ne résistent pas toujours aux agressions d’une maladie comme la pourriture grise. Les critères d’appréciation de la qualité sont aussi très variables selon les productions, d’où l’importance de comprendre les différentes transformations qui se produisent dans les baies au cours de la maturation.

L’évolution du contenu des baies au cours de la maturation

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Les élements permettant d’apprécier

Au cours du processus de maturation, l’évolution qualitative des raisins peut être observée et quantifiée en appréciant le degré potentiel, l’acidité et le pH, l’état sanitaire, les arômes et la matière colorante, la richesse azotée des moûts et la qualité gustative des baies.
Réaliser 2 ou 3 contrôles de maturation au niveau de sa propriété avant les vendanges représente un acte
œnologique important pour ensuite conduire les vinifications.

Le degré potentiel :
● Estimation une fois par semaine à partir du moût issu des prélèvements par des mesures avec des réfractomètres ou des densimètres.
● L’évolution du TAV potentiel est directement liée au climat d’août et de septembre.

L’acidité totale, le pH, l’acide malique :
● L’évolution de l’acidité totale est un élément important, conférant aux vins une charpente qui joue un rôle dans leur
aptitude à se conserver et sur le plan gustatif.
● Les niveaux d’acidité trop élevés à la récolte traduisent la sous-maturité et à l’inverse les seuils trop bas attestent d’une sur-maturité. Trouver le juste équilibre en matière d’acidité est un critère essentiel pour déclencher la récolte.
● Estimation une fois par semaine à partir du moût issu des prélèvements.
● Mesures de l’acidité totale sur l’exploitation avec petits équipements fonctionnant avec de la soude (à N/10) et un réactif.
● Les dosages du pH et de l’acide malique sont réalisés dans des laboratoires.

L’état sanitaire :
● Le développement du botrytis sur les raisins au cours de la maturation engendre toujours des déviations qualitatives majeures : pertes d’arômes, fragilité de la couleur, sensibilité des vins aux altérations bactériennes… La plupart des viticulteurs mobilisent des moyens au vignoble pour limiter l’apparition de la maladie, mais certaines années ce n’est pas suffisant.
● Le botrytis et les pourritures associées quand elles se développent au cours de la maturation sont un danger majeur pour la qualité.
● La réalisation d’observations visuelles hebdomadaires durant les contrôles de maturité est importante.
● Comptages sur les échantillons de baies prélevées pour les contrôles de maturation et sur des souches identifiées.
● Test laccase et dosage de l’acide gluconique réalisés sur les moûts.

Les différentes familles de pourriture
– La pourriture grise Un brunissement des pellicules et leur rupture. La formation de laccase, perte en jus, perte en sucre, perte en acidité, perte d’arômes, perte de couleur.
– La pourriture grise peut évoluer vers d’autres formes de pourriture :
● Pourritures blanches, vertes, bleues.
● Pourritures acides, aigres.
– Les pourritures blanches, vertes apparition d’odeurs et de goûts désagréables.
– Les pourritures acides, aigres présence de bactéries lactiques et acétiques, entraînent des
altérations du type piqûres lactiques et acétiques sur souches.

Les acides du raisin dégradés :
– Les acides maliques et tartriques sont dégradés d’une façon proportionnelle à l’intensité du développement de la maladie :
● Une attaque faible à moyenne et courte aura peu d’incidence
● Une attaque précoce et intense aura des conséquences significatives
– La pourriture acide entraîne la formation dans des quantités importantes d’acides fixes (comme l’acide
gluconique), d’acidité volatile et d’acétate d’éthyl.
– L’acide gluconique est un excellent marqueur de la pourriture grise.
– Variation de teneur en acide gluconique importante :
● Moût issu de vendange saine : quelques milligrammes par litre
● Moût issus de raisins botrytisés : 5, 10, 15 grammes par litre

Une aptitude à combiner le soufre :
– Les moûts et les vins issus de vendange botrytisée combinent davantage le soufre en raison de la présence en quantités nettement plus importantes d’acides cétoniques.
– Le déroulement du processus fermentaire issu de moûts botrytisés provoque la formation de quantités
importantes de ces acides cétoniques.
– L’apport de thiamine, d’azote amoniacal, d’oxygène (par un remontage à l’air) et d’activateurs de fermentation permettent de limiter l’enrichissement en acides cétoniques au cours de la fermentation alcoolique.

Les arômes et la structure phénolique :
● Cépages blancs et rouges destinés à l’élaboration de vins de bouche ➞ aspect visuel de la couleur des baies, des pédicelles et des rafles.
● Plus la couleur des baies s’intensifie, plus leur maturation progresse :
– en blanc, on passe de la teinte verte au jaune parfois bien doré ;
– en rouge, la teinte des baies s’intensifie au cours des semaines.
● La dégustation des baies :
– en blanc et en rouge, les saveurs herbacées diminuent progressivement et les saveurs de fruit s’intensifient ;
– en rouge et en blanc, la diminution progressive d’intensité des notes d’astringence liées aux pépins.
● La matière colorante :
– mesures analytiques de la concentration en matière colorante et d’extractibilité (pépins et pellicules) réalisées dans des laboratoires d’œnologie ; une à deux analyses en fin de maturation.

La richesse azotée des moûts :
● Au dernier contrôle de maturité, le dosage de l’azote assimilable apporte une information intéressante sur le
« réservoir-» d’aliments pour les levures (uniquement sur les parcelles potentiellement sensibles aux situations de carence).

Le botrytis et les pourritures à surveiller de près 

Le botrytis est d’autant plus nuisible qu’il s’installe tôt sur les raisins. En effet, au cours de la maturation, les pellicules des baies deviennent naturellement plus sensibles aux attaques de pourritures et le Botrytis cinerea peut prospérer de manière spectaculaire à la faveur de conditions climatiques chaudes et humides. Les conséquences de la maladie sont de deux ordres, l’une directe liée à la rupture des pellicules entraînant une altération de tous les composés contenus dans les baies, et l’autre indirecte découlant de la prolifération de microorganismes indésirables (levures, bactéries lactiques et acétiques) et de moisissures au sein des baies altérées. La dégradation de l’état sanitaire est liée à une famille depourritures dont les conséquences sont diverses et jamais bonnes. Les travaux scientifiques importants réalisés sur la pourriture grise et la flore de microorganismes associés permettent actuellement de mieux en cerner les conséquences qualitatives. Les principaux moyens de lutte contre les différentes formes de pourriture reposent sur des stratégies au vignoble, mais la dégradation de l’état sanitaire ne se développe pas de manière homogène dans les parcelles. Les vinificateurs doivent être très attentifs à la qualité de la vendange, qui peut varier rapidement au sein d’une parcelle ou d’un îlot. L’identification des lots de raisins altérés et du type de pourriture représente un acte œnologique important pour justement séparer ces lots à risques et traiter la vendange avec les moyens qui s’imposent.

Plus de composés minéraux et moins d’azote ammoniacal
– Le développement de la pourriture entraîne une augmentation de la concentration en composés minéraux
(Na, K, phosphates…), une diminution des composés azotés de la forme amoniacal (la base alimentaire des levures), une augmentation des composés azotés sous la forme protéique, une augmentation de la teneur en glycérol et un enrichissement des moûts et des vins en substances colloïdales. Ces composés gênent considérablement les
clarifications naturelles (et les filtrations) et nuit à la qualité des lies.

Une perte de composés aromatiques :
– Le botrytis contribue directement à la dégradation des arômes variétaux.
– L’apparition de défauts bien connus de type moisi, phénolé, iodé… est très difficile à atténuer. Les déviations
aromatiques peuvent mettre un certain temps à s’extérioriser dans les vins (2 à 3 mois), ce qui peut conduire les viticulteurs à sous-estimer les conséquences de la pourriture aussitôt les fermentations alcooliques terminées.
– Les déviations aromatiques liées au botrytis peuvent être accentuées dans les eaux-de-vie car l’alambic concentre naturellement les composés aromatiques des vins. Des vins de dist illation francs de goût à la dégustation mais issus de vendange botrytisé peuvent donner des eaux-de-vie avec un nez de « moisi ou de champignon ». Ne jamais utiliser des lies issues de vendanges botrytisées.

Un danger pour la structure des eaux-de-vie :
– Le botrytis provoque une libération de composés qui rendent les moûts plus riches en levures et bactéries indésirables.
– Si la pourriture s’installe précocement sur les grappes, la flore de champignons associée au Botrytis cinerea peut être à l’origine de déviations aromatiques (nez de champignon, moisi) dans les eaux-de-vie.
– En présence de fortes attaques de botrytis, de nombreuses interrogations existent au niveau de la qualité des lies.
– La décantation des moûts aussitôt le pressurage trouve son plein intérêt les années où la vendange est botrytisée.

La laccase détruit les polyphénols :
– Le botrytis provoque la formation en quantité importante d’enzymes pectolitiques dont la plus connue est la
laccase. Cette enzyme est localisée dans la pellicule des baies et lors de la récolte et du transfert de la vendange, elle est immédiatement dispersée.
– La laccase possède une action destructrice au niveau des polyphénols et elle constitue un danger majeur pour la qualité des pineaux rosés et des vins rouges. L’effet de la laccase a tendance à s’accentuer au fil des mois et des années d’élevage. Cela provoque un vieillissement accéléré et une usure prématurée de la couleur et de la structure des vins et des pineaux.
– L’isolement de lots, de vendanges, de moûts ou de vins présentant un niveau d’activité laccase anormalement élevé constitue une priorité pour le vinificateur.

Réaliser des contrôles de maturité : c’est indispensable

Les données régionales sur l’évolution de la maturité représentent une source d’information intéressante pour situer la précocité d’un millésime et apporter une tendance générale sur la structure qualitative du futur millésime. Par contre, ces informations ne sont pas suffisantes pour établir le planning de récolte d’une propriété. Il est indispensable de réaliser des contrôles de maturité à l’échelle de chaque exploitation pour cerner l’incidence du terroir, d’un microclimat, de pratiques culturales…

Conseils pour réussir un prélèvement :
● Identifier parfaitement les rangs où seront réalisés les prélèvements en tenant compte de l’encépagement, des types de sols.
● Prélever 200 à 400 baies prises au hasard sur les deux faces de rang.
● Le prélèvement doit être réalisé toujours par la même personne, en absence de rosée ou de pluie.
● Commencer les prélèvements 3 à 4 semaines avant les vendanges.
● Faire réaliser les prélèvements sur une propriété par les mêmes personnes dans chaque îlot.

La qualité de l’échantillonnage :
Quels rangs prélever ? Effectuer un prélèvement par parcelle (ou îlot) homogène en
échantillonnant chaque fois les mêmes rangs, voire les mêmes pieds.
● Eviter les rangs de bordures et marquer les rangs de prélèvement.
Quelles baies prélever ? Les grappes d’un cep et les baies d’une grappe n’ont pas toutes les mêmes caractéristiques :
– les baies « côté soleil » sont les plus colorées et les plus sucrées ;
– la partie supérieure de la grappe est la plus colorée ;
– la grappe la plus proche du bois de taille est la plus riche.
● Prélever alternativement les baies d’un rang à l’autre, tantôt sur une face exposée, tantôt sur la partie à l’ombre.

 

 

 

 

 

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