Le dicton d’époque est redevenu de circonstance en cette récolte 2021. À chaque millésime ses effets. Et si, dès le 20 ou 21 septembre
dernier, certaines maisons ou négoces commençaient à sortir les machines à vendanger, le départ en masse se fit une à deux semaines plus tard.
Premiers échos des vendanges
Si chaque domaine, chaque négociant, chaque maison a sa propre politique, son propre parcellaire, sa propre stratégie, le coeur de vendanges couvre cette année les semaines 40 et 41, soit un carnet de bal chargé en cette première quinzaine d’octobre pour le grand ballet des machines à vendanger. Si les situations peuvent être diverses voire opposées ou même inversées par rapport aux récoltes précédentes, avec un secteur nord plus généreux qu’à l’accoutumée et un secteur côtier toujours abondant mais jouant moins son rôle de réservoir pour l’appellation, la campagne éreintante pour les esprits et le corps devrait malgré tout laisser la place à une récolte satisfaisante, bien méritée.
L’hétérogénéité, annoncée par tous, est réelle, souvent corrélée
aux épisodes de gel et à la pression mildiou traversée au sein de la campagne – certaines parcelles d’un même domaine cohabitant entre des rendements à 140-160 hectolitres à l’hectare (voire plus) et d’autres 4 à 5 fois moins élevés. La qualité sanitaire – dans l’ensemble – est de bonne facture avec une pourriture crainte mais contenue du fait des bonnes conditions climatiques de la récolte. En effet, les semaines de septembre et de mi-octobre offrent une belle arrière-saison. Malgré des matinées (très) fraîches, le soleil offre des températures clémentes en milieu et fin de journée, permettant d’harmoniser les moûts au fur et à mesure, et le poids des grappes semble, pour le moment, satisfaire les premiers vendangeurs.
Les disparités existent et les écarts types sont parfois très grands. Les premiers retours de degré sont autour de 10 % vol. en moyenne, avec de grandes différences selon les territoires et les météorologies particulières (notamment celles des îles).
La structuration des exploitations à l’appui des vendanges
Divisé par 3,9 en à peine plus de vingt ans, le nombre de domaines tend à la concentration des surfaces, la plus grande depuis 1985 (avec la multiplication des plantations nouvelles) avec plus de 90 000 hectares (quand il y avait plus de 12 000 domaines dans les deux Charentes en 1999). La disparition de petites exploitations familiales, ayant par essence et du fait de leur structuration une capacité de réaction plus rapide que les grandes structures,
pousse à la réflexion. La tendance globale des grandes entreprises dans la société actuelle – dépassant le cadre agricole mais représentant cette perte d’autonomie globale des familles françaises – se veut symptomatique des révolutions industrielles successives. Dans les années plus compliquées, les domaines à taille humaine seront peut-être ceux qui auront plus facilement tiré leur épingle du jeu. Seulement, la tendance de disparition des petits domaines pourrait-elle cesser, voire s’inverser ?
L’importance du collectif
Les chambres d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine et de Charente-Maritime, avec Le Paysan Vigneron, ont organisé un essai de machines à vendanger les 29-30 septembre et 1er octobre 2021. Au sein des vignobles Jean Martell, à Javrezac, à Gallienne, la Station viticole du BNIC, la MSA, les Jeunes Agriculteurs de Charente-Maritime, Picoty (pour le carburant), Chalvignac (pour la mise à disposition d’une remorque) et les marques des machines à vendanger ERO, Grégoire, New Holland et Pellenc surent mettre en commun leur labeur.
Même sans enjeu propre, les institutions et les entreprises privées – grandes marques et petites entreprises, internationales comme locales – surent se retrouver et échanger de manière saine et constructive, hors d’un cadre traditionnel, voire hors cadre.
Le renaissance du « métier »,
« L’agriculteur moderne et le moteur », dansLe Paysan Vigneron n° 51, septembre 1929
« Auguste, désirant un « retour à la terre », donnait l’exemple de la vie austère. Quand le jeune empereur présidait au relèvement de Rome, il ne perdait jamais une occasion de rappeler que Rome primitive ne connaissait pas de plus grand éloge à décerner à un homme que de l’appeler un « laboureur » ; et c’est toujours à celui qui travaille à son lopin de terre que Virgile s’adresse et dit que la bonne mère la terre n’excède jamais la force des bras qui la travaillent. La grande, l’ »unique » ressource a donc été en tout temps l’Agriculture. La véritable victoire est dans le travail. Par sa vigne, son blé, ses céréales, ses fruits, le paysan est le maître du monde. Admirons, saluons celui qui, courbé sous le soleil d’or, fait céder sous son effort le flot puissant des épis lourds qui font à la terre un manteau divin, splendides gerbes de demain, qui s’en iront au moulin chanter la chanson de la belle farine, du bon pain et le triomphe de la terre féconde du beau pays de France. »