Plantations 2015 : L’année des plants en pots

25 mars 2015

Les pépiniéristes charentais vivent une campagne atypique et frustrante puisque, malgré des mises en terre de greffés-soudés en hausse de 15 % au printemps 2014, la demande de plants traditionnels ne pourra pas être satisfaite. De mauvaises conditions climatiques lors de l’implantation des pépinières et les dégâts occasionnés par la grêle ont amoindri la production de greffés-soudés traditionnels cette année. Le déficit de plants ne pourra être compensé que par la production de plants en pots. Or, cette solution alternative ne s’est jamais beaucoup développée en Charentes. Le contexte exceptionnel du printemps 2015 pourrait faire évoluer les choses.

 

 

p16.jpgLes 90 pépiniéristes de la région délimitée ont mobilisé leurs moyens et leurs savoir-faire pour développer la production de plants d’ugni blanc depuis quelques années. Les greffages ne cessent d’augmenter et, au printemps 2014, les mises en pépinières de greffés-soudés d’ugni blanc avaient atteint un niveau record. La forte demande de plants est portée par des efforts de renouvellement du vignoble importants depuis maintenant cinq ans. Les niveaux élevés du rendement Cognac, les aides aux plantations et les dégâts occasionnés par les maladies du bois ont incité les viticulteurs à renouveler leurs plantations et aussi à réaliser de plus en plus d’entreplantations. Cette conjonction d’éléments a littéralement « dopé » la demande de plants, qui a atteint un niveau sans précédent depuis 25 ans. Les pépiniéristes de la région avaient bien anticipé ces besoins, mais la nature a bien perturbé les choses.

De mauvaises conditions de réussites des pépinières en 2014

Les mises en pépinières dans la région de Cognac au printemps dernier ont atteint le niveau exceptionnel de 23 800 000 plants tous cépages confondus. L’augmentation importante de la production était presque totalement liée à une forte hausse des greffages d’ugni blanc avec 17 500 000 plants. L’approvisionnement en greffons certifiés d’UB est aussi presque exclusivement implanté dans la région de Cognac grâce à la présence de parcelles de vignes mères de greffons qui ont été profondément rajeunies. Un tel contexte est donc propice à une implication forte des pépiniéristes charentais dans la production d’ugni blanc qui constitue leur marché naturel. L’ugni blanc est un cépage plus difficile à multi-plier. Les taux de reprise en pépinière en année normale de notre cépage régional sont toujours inférieurs de 7 à 10 % à ceux, par exemple, du merlot, du cabernet ou du chardonnay. Au printemps dernier, les sols très froids au moment des mises en terre, une climatologie pluvieuse et fraîche dans les premières semaines du développement des pépinières, associés à des niveaux de réserves pas très bons des bois greffés (suite à l’automne pluvieux de 2013) ont eu des conséquences sur le taux de reprise. Les inquiétudes formulées dans les pépi-nières à la fin du mois de septembre der-nier se sont malheureusement confirmées. Les équipes de FranceAgriMer avaient évalué le taux de reprise moyen des ugni blancs en nette baisse par rapport à celui de l’année dernière : 56 % au lieu de
64 %.

Des pertes de plants liées à la grêle, au manque de solidité des soudures

La production de plants a été aussi impactée localement par les puissants orages de grêle des mois de mai et de juin derniers. Les secteurs des bords de Gironde, de Gémozac, et ceux au sud et au nord de Cognac ont été les plus touchés. La surface totale des pépinières dans les deux départements représentait en 2014 environ 100 ha dont 15 ont été détruits à plus de 70 % par la grêle. Dans ces pépinières grêlées, les taux de réussite sont malheureusement tombés très bas. Les vignes mères de greffons et de porte-greffes ont été également très affectées par la grêle, ce qui risque aussi de raréfier les disponibilités en matériel végétal pour les greffages 2015 dans certaines entreprises. Le triage des plants après leur arrachage durant les mois de novembre et décembre représente une étape clé pour apprécier de façon juste le taux de reprise. La qualité et la solidité des soudures entre les greffons et les porte-greffes constituent un critère de sélection prioritaire des plants disposant déjà d’un bon système racinaire et de pousses normalement développées sur les greffons. Cet hiver, les pépiniéristes ont constaté un taux de pertes (manque de solidité des soudures) important qui se situe entre 7 et 15 % selon les assemblages. Le taux de réussite final des pépinières d’ugni blanc ne dépasse pas 40 et 45 %, ce qui est vraiment un petit « score ». Dans les pépinières grêlées, il est même descendu à 20 %.

Un manque  de greffés-soudés qui pourrait être compensé par des plants en pots

Les responsables du conseil d’administra-tion du Syndicat des pépiniéristes charentais sont donc confrontés à une situation inédite depuis 30 ans. François Bodin (le président), Mikaël Lys (le vice-président) et Mario Turpaud (le secrétaire adjoint) sont un peu dépités par ce contexte exceptionnel : « Les effets conjugués de conditions climatiques néfastes pour les jeunes plants et de bois de qualité très moyenne ont occasionné une forte baisse du taux de reprise. Les mises en terre bien supérieures du printemps der-nier nous ont permis d’éviter le pire mais, néanmoins, le manque de plants au niveau de l’ensemble de la région est réel. L’offre de greffés-soudés d’ugni blanc qui sera mise en terre ce printemps n’excédera pas 7 000 000 de plants, soit l’équivalent de 2 500 ha plantés. Nous estimons qu’il manquera environ 1 500 000 plants qui représentent l’équivalent d’une grande partie des besoins pour l’entreplantation. Or, l’utilisation de greffés-soudés ou de plants surdimensionnés est impérative pour réaliser les entreplantations. Il nous semble opportun de proposer une solution aux viticulteurs pour qu’ils puissent réa-liser leurs plantations 2015. La production de plants en pots nous paraît être une bonne alternative pour faire face à cette situation exceptionnelle. D’une manière générale, la plantation de greffés-soudés en pots n’est pas culturelle dans le vignoble de Cognac alors qu’en Gironde, c’est une pratique plus fréquente. L’année dernière, 300 000 plants en pots ont été produits et, cette année, doubler ou tripler ce volume est tout à fait envisageable. »

Des disponibilités en matériel végétal certifié à priori suffisantes pour produire les plants en pots

La seule interrogation concernant cette production de plants en pots exceptionnelle se situe au niveau des disponibilités en matériel végétal certifié. Le fait de consacrer une partie du potentiel de boutures de greffons et de porte-greffes existant ne risque-t-il pas de pénaliser les greffages 2015 pour les pépinières qui seront mises en terre au mois de mai prochain. Les bonnes conditions climatiques de l’automne dernier ont permis un aoûtement complet des bois dans les parcelles de vignes mères et la production de boutures greffables a été plus abondante. Il est probable que beaucoup de pépiniéristes de la région disposent d’une « réserve » de matériel végétal certifié suffisante pour faire face à cette demande conjoncturelle de plants en pots. Dans les zones touchées par la grêle au printemps dernier, la production de certaines vignes mères a été malheureusement affectée. Généralement, les pépiniéristes ont la sagesse d’implanter leurs vignes productrices de matériel végétal dans des zones différentes afin de limiter les conséquences d’événements climatiques comme la grêle. On peut penser que ces professionnels touchés par la grêle auront aussi la possibilité de compenser leur éventuel manque de matériel certifié en s’approvisionnant auprès de collègues. Les engagements de traçabilité de production des plants doivent permettre d’apporter une garantie sur la qualité du matériel végétal mis en œuvre.

Des plantations en pots à bien entretenir comme les plantations traditionnelles

p17.jpgLes plantations de plants en pots ont assez mauvaise « réputation » dans notre région. Les viticulteurs les jugent souvent plus compliquées à conduire et surtout plus difficiles à réussir. Leur suivi au cours de la saison demande plus d’attention et notamment des arrosages si l’été est sec. L’autre crainte des viticulteurs est que le cycle de développement décalé en saison et plus court retarde et gêne l’aoûtement des rameaux en fin de saison. Les pépiniéristes estiment pour leur part qu’une plantation en pot réalisée dans la deuxième quinzaine de juin aura un cycle végétatif à peu près équivalent à une plantation de greffés-soudés effectuée à la mi-mai. La période idéale pour réaliser des plantations en pots se situe entre la mi-juin et au plus tard à la mi-juillet. Le plant en pot dispose déjà de racines pleinement fonctionnelles et de plusieurs feuilles qui seront en mesure en quelques semaines d’avoir un bilan photosynthétique positif. L’une des contraintes des plants en pots est bien sûr leurs besoins en eau au moment de la plantation et par la suite pour favoriser leur croissance. Le premier arrosage aussitôt la plantation est essentiel pour bien hydrater les pots aussitôt leur mise en terre, tasser
le sol et éviter les poches d’air. Ensuite, des arrosages réguliers en l’absence de pluies suffisantes permettent d’assurer la croissance régulière de la végétation. Des plantations de greffés-soudés réalisées en mai devront aussi être arrosées si l’été est sec. Un entretien des sols rigoureux (avec des moyens mécaniques) des plantations en pots au cours de l’été favorise le déve-loppement foliaire et l’aoûtement en fin de saison.

Des demandes de production de greffons standards dans les zones grêlées

Les pépiniéristes implantés dans les zones de production de plants fortement touchés par la grêle sont confrontés à une perte de production de greffés-soudés importante et aussi à de moindre disponibilité de boutures greffables. Il faut savoir qu’aucune assurance tempête-grêle existe pour les pépinières et les parcelles de vignes mères de greffons. Un certain nombre d’entreprises vont rencontrer des difficultés d’approvisionnement en matériel végétal certifié (boutures de greffons) pour les greffages 2015 et la production de plants de 2016. Cette question a fait l’objet de débats au sein du conseil d’administration du Syndicat des pépiniéristes qui a décidé d’engager des démarches auprès des services de FranceAgriMer. Il a été demandé l’inscription temporaire de parcelles de vignes mères de greffons d’ugni blanc dans la catégorie standard pour huit pépinié-ristes situés dans les zones grêlées. Cela permettra à ces entreprises de produire des plants standards, avec un suivi et un cahier des charges spécifique. Les boutures de greffons standards devront être obligatoirement traitées à l’eau chaude et être testées vis-à-vis des viroses (Test Elisa pour détecter le court-noué et l’enroulement 1 et 3). Ces obligations seront intégrées dans les démarches d’auto-contrôles afin d’apporter aux viticulteurs de réelles garanties sur la qualité de ces plants standards.

 

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