Jusqu’à fin mai, Eric Rosaz était délégué de la filière Vin à FranceAgriMer. A l’INAO depuis le 2 juin, il est dorénavant responsable du Pôle Vins, Cidres et Boissons spiritueuses au sein de l’Institut qui gère les signes de qualité. Questions à un expert du domaine viticole.
Toutes les régions viticoles ainsi que le négoce ont planché sur le Plan stratégique de la filière viticole à horizon 2025. Quelle portée revêt cette étude ?
En septembre-octobre 2013, le ministre de l’Agriculture a demandé à toutes les filières agricoles de se projeter à moyen terme, soit à l’horizon des dix prochaines années. Une requête a été faite dans ce sens au président du Conseil Spécialisé Vins & Eaux-de-vie de FAM. En ce qui concerne la filière viticole, les choses se sont déroulées en deux temps : un premier rapport d’étape adressé au ministre le 18 décembre dernier a dressé l’état des lieux. Une version finale a été remise début juin.
On dit que cette version finale comporte des « blancs », notamment sur les questions de gouvernance de la filière.
Il n’a pas de « blancs ». Aucune question n’a été éludée. Je dirais seulement qu’il y a des points qui n’étaient peut-être pas aussi avancés que l’on aurait pu l’imaginer et qui méritent d’être encore discutés. Par ailleurs, le Plan stratégique à 2025 n’a pas vocation à répondre à toutes les problématiques. Il se montre déjà assez ambitieux avec ses 21 objectifs, déclinés en 73 mesures. Sont abordées des thématiques comme la gouvernance certes mais aussi la transmission, les exportations, la R & D, les investissements, l’évolution du potentiel de production…
Justement, peut-on considérer que la réflexion sur le potentiel de production représente le gros sujet du Plan stratégique ?
Le Plan stratégique ne se réduit pas à la seule question du potentiel de production. Il a une portée bien plus large. Mais c’est vrai que, parallèlement à l’étude prospective, le ministère de l’Agriculture a invité chaque bassin à faire part de ses intentions de plantations nouvelles. Ce qui fut fait avant le 30 avril. Forcément, des recoupements existent entre le Plan stratégique et la remontée des bassins viticoles.
Savez-vous si le ministère va communiquer sur le retour des bassins en termes de plantations ?
Normalement, le ministère prépare une synthèse qu’il devrait présenter lors du prochain Conseil spécialisé de FAM, fin juin.
La filière attend avec impatience de connaître le contenu des actes délégués, autrement dit les conditions d’application du nouveau régime de plantation.
C’est en effet un sujet majeur, dont on discute un peu partout, en Conseil spécialisé de FAM, à l’INAO, dans les Conseils de bassin, au sein des interprofessions. Cependant, c’est un peu compliqué d’en débattre, tant l’incertitude est grande sur le sujet. Car le pouvoir d’initiative revient à la Commission et, en l’absence de texte, la marge de manœuvre est étroite pour les pays membres. Que négocier, sur quoi ? Une fois le projet de texte sorti, ce sera au Parlement européen de jouer, en demandant éventuellement à la Commission de revoir sa copie.
Pour une application au 1er janvier 2016, il y a encore un peu de temps.
Pas tant que cela. Une fois l’acte délégué adopté, il faudra le traduire dans les textes nationaux. Beaucoup de travail restera à faire. Les délais seront serrés pour que tout soit « calé » avant le 31 décembre 2015.
Les Charentes expriment un besoin de plantation mais, apparemment, elles ont du mal à convaincre les autres régions.
Effectivement, aujourd’hui, la région des Charentes est la seule à être très fortement demandeuse d’autorisations de plantation de vins sans indication géographique (VSIG). A l’évidence, son objectif n’est pas de produire des vins sans IG stricto sensu mais du Cognac. La profession reconnaît unanimement la légitimité de la demande charentaise. Ce point n’est pas du tout remis en question. Cependant, la grande crainte des autres régions, c’est qu’en cas de retournement de marché, les Charentes viennent déverser leurs vins sur les segments des vins de bouche. Cela s’est déjà vu autrefois. La peur réside là. Surtout que ce n’est pas comme si nous parlions de 100 ha. Les Charentes ont besoin de rassurer les autres régions, en leur apportant une espèce de garantie.