pineaux rosés : le retour « au naturel »

24 juillet 2012

François Renaud est un producteur de Pineau des Charentes historique qui a profité de la mise en œuvre du nouveau cahier des charges de production pour repenser ses méthodes de production et retrouver une éthique de qualité. Le viticulteur, qui revendique un statut d’exploitant atypique, n’a jamais été un promoteur des méthodes culturales productivistes. Après trois années de conversion, l’exploitation passée en bio en 2013 élabore des productions de Pineaux et d’eaux-de-vie typées du caractère naturel. A l’aube de la cinquantaine, il a redécouvert une véritable philosophie de production fondée sur des méthodes extensives que d’autres viticulteurs ne partagent pas.

 

 

p43.jpgFrançois Renaud, qui a une formation d’œnologue, a repris l’exploitation familiale de 14 ha de vignes au début des années 80 en ayant comme philosophie de valoriser l’identité de bouilleur de cru attaché aux principes qualitatifs. La production de Pineau des Charentes a toujours représenté un débouché important puisque la commercialisation en bouteilles a commencé dans le courant des années 70. Le viticulteur a fait évoluer profondément son approche de production au fil des années, au point que certains collègues le considèrent aujourd’hui comme un marginal. Ses méthodes de production très extensives suscitent des interrogations.

Le déclic  au moment de la lecture des cahiers des charges de production

La lecture des cahiers des charges de production de Pineaux des Charentes et de Cognac l’a incité à aller encore plus loin : « Après avoir vécu la terrible période de crise de la décennie 90, le moral du bouilleur de cru que je suis était en quelque sorte un peu usé. J’étais désabusé par la pression économique car j’avais perdu mes repères de vigneron charentais enraciné dans la région délimitée. La lecture des cahiers des charges de production m’a redonné l’envie de faire le métier d’une autre façon. Cela m’a fait comprendre qu’il fallait revenir à des pratiques culturales de la vigne et à des méthodes de vinification et de distillation plus en phase avec le respect de la nature. J’ai alors décidé de changer totalement de cap pour retrouver l’envie de faire ce beau métier. La production des vignes doit exprimer les potentialités réelles du parcellaire. Mon rôle de viticulteur, de vinificateur et de distillateur ne doit nullement perturber le processus d’expression de la typicité du terroir. »

Laisser les parcelles produire en fonction de leurs potentialités réelles

A partir du milieu des années 2000, la propriété a été conduite de manière très extensive en oubliant toutes les pratiques stimulant la productivité. Les vignes sont implantées sur deux natures de terroirs, des sols bruns argileux profonds (avec des silex) et des argilo-calcaires. L’arrêt des apports de fumures et l’implantation de l’enherbement permanent dans les allées avaient comme objectif de créer des conditions d’alimentation de la vigne reposant uniquement sur les potentialités du sol. Le fait d’avoir mesuré l’incidence du travail du sol et de l’enherbement en plein a favorisé une concurrence qui a eu des conséquences sur la croissance végétative des parcelles. La protection du vignoble est abordée avec mesure en utilisant essentiellement du soufre et de la bouillie bordelaise, en respectant le cahier des charges bio. La mise en œuvre de l’ensemble de ces pratiques a permis au vignoble de trouver un équilibre de production qui satisfait F. Renaud : « Certes l’état de mes vignes diffère profondément des standards de la région et certains collègues portent un jugement critique sur ma démarche. Moi, j’estime avoir atteint mon objectif en travaillant d’une manière la plus naturelle possible. La production de chaque parcelle est directement corrélée aux potentialités réelles du sol et à l’impact climatique de chaque millésime. Les moûts, les vins et les eaux-de-vie de la propriété ont retrouvé leur caractère naturel. Des années de fortes sécheresses comme 2005, 2009 ou 2011, le développement végétatif est pénalisé par les difficultés d’alimentation hydrique mais, au final, la vigne s’adapte et les raisins se concentrent en potentiel terroir. Les rendements ne sont pas là mais la typicité qualitative naturelle est revenue. C’est pour moi, l’élément le plus important. »

L’âge des vignes, la nature des sols et l’effet millésime influencent la couleur

Le débat actuel au sein de la filière Pineaux sur la couleur des Pineaux rouges et rosés ne paraît pas fondamental à F. Renaud. Un certain nombre d’opérateurs considère que les rosés doivent redevenir réellement de vrais rosés ayant une teinte modérée et une typicité fraîche et fruitée en bouche. La démarche de production de Pineau des Charentes rosé est abordée d’une tout autre manière sur cette propriété. La priorité n° 1 est de valoriser le caractère naturel dans les bouteilles en s’appuyant sur les effets millésime et parcellaire. F. Renaud ne cache pas que ce débat fortement teinté d’enjeux commerciaux lui paraît décalé du contenu du cachier des charges de production : « Sur le fond, le nouveau cahier des charges de production me paraît privilégier des procédés d’élaboration qui renforcent le caractère traditionnel du Pineau rosé. Alors pourquoi vouloir utiliser des artifices technologiques pour suppléer ce que la nature ne souhaite pas donner. La couleur des Pineaux rosés est un problème important. Une couleur présente ou pas dans les moûts qui ensuite tient ou se fragilise, c’est lié à la nature de la matière colorante et des tanins. L’âge de la vigne et le régime hydrique des parcelles (lié à la nature du sol et aux méthodes culturales) contribuent à rendre la matière colorante naturellement plus ou moins extractible. Pour moi, la couleur des rosés et des rouges est l’aboutissement du potentiel de maturité de chaque millésime. Au moment de la récolte, j’élabore des teintes de Pineaux dont l’intensité est proportionnelle à ce que la nature a libéré dans les moûts. Je n’ai nullement besoin d’utiliser des adjuvants tels que les enzymes, l’alcool ou les traitements à chaud. Certaines années, mes fabrications sont soit rosées, soit rouges. C’est la richesse des raisins qui commande. Ensuite, je joue sur les assemblages de plusieurs millésimes pour obtenir une couleur à mi-chemin entre le rosé et le rouge. Par exemple en 2011, j’ai vendangé ma parcelle de merlot tôt car la couleur était là et je ne recherche pas des TAV excessifs. Les cabernet n’ont pas atteint le niveau de maturité suffisant sur le plan de la couleur et j’ai fait peu de Pineau avec ce cépage. ».

« Sortir » la couleur naturellement extractible des baies

Les Pineaux rosés sont élaborés dans l’optique de commercialiser des qualités gouleyantes et de teintes rosé rouge au bout de 3 à 4 ans de vieillissement. Les parcelles de merlot et de cabernet destinées à la production de Pineaux rosés ont atteint l’âge respectable de 15 à 45 ans, ce qui les rend naturellement plus aptes à donner des raisins concentrés en matière colorante. Les moûts de merlot sont généralement plus colorés et riches en saveurs fruitées alors que ceux de cabernet extériorisent une structure aromatique généreuse, mais leur évolution au cours du vieillissement est plus lente. La maturité optimale des cabernet intervient de façon plus tardive, ce qui ne facilite pas les choses certaines années. Une récolte trop précoce à sous-maturité engendre l’apparition de notes herbacées qui persistent longtemps au cours de l’élevage. Ce viticulteur estime que les deux cépages présentent une véritable complémentarité, car certains millésimes sont propices au merlot et d’autres au cabernet. Au moment des vendanges, la récolte intervient sans rechercher des TAV excessifs pour conserver un équilibre de fruité et de l’acidité. Les raisins éraflés sont pompés dans la cage du pressoir où se produit une macération. F. Renaud ne veut pas intervenir sur le processus naturel d’extraction de la matière colorante : « L’éraflage et le pressurage représentent des conditions de macération et d’extraction de la couleur qui me paraissent amplement suffisantes. Cela permet de sortir la matière colorante extractible présente dans les baies de raisins. Pourquoi utiliser des moyens technologiques et des adjuvants pour extraire des polyphénols et des tannins que l’état naturel des raisins n’aurait pas libérés. C’est à mon avis un non-sens. Cela va à l’encontre de la typicité naturelle des Pineaux que j’élabore depuis quelques années. Un pressurage direct très lent est réalisé afin de conduire l’extraction de la couleur de façon progressive. Ensuite, les moûts sont mutés sans être débourbés et la phase d’élevage des Pineaux se déroule sur toutes les lies. Les premières fabrications de ces rosés naturels ne sont pas encore commercialisées mais leur évolution est intéressante. »

 

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