Le fils vient de rejoindre récemment le père sur la petite entreprise viticole de production et de vente directe. En cette pluvieuse et aigre matinée de décembre, tous les deux attendent le passage du technicien du Syndicat du Pineau, annoncé par courrier depuis plusieurs jours déjà. La rencontre a lieu dans le microscopique magasin de vente attenant au chai. Le climat est détendu et amical. Les hommes se connaissent bien. Malgré tout, les deux viticulteurs savent que les choses ne se passeront pas comme à l’ordinaire. Le seul fait que le technicien arrive avec son ordinateur portable introduit une nouveauté. D’ailleurs, Sébastien Archambaud ne tarde pas à planter le décor. Il présente succinctement la nouvelle procédure de contrôle. « Autrefois, on n’évaluait pas ou peu les conditions de production. Aujourd’hui, on s’y arrête point par point, en voyant ce qui va et ce qui ne va pas. Un autre élément important de la réforme consiste à ajuster le contrôle à la situation. Les exploitations évaluées « à risque » subiront une pression de contrôle plus importante alors que l’on aura tendance à alléger la pression de contrôle chez d’autres. Par ailleurs, alors que la prise d’échantillon, dans l’ancienne formule, délivrait une photographie à un instant T, aujourd’hui le suivi interne s’intéresse davantage au savoir-faire de l’entreprise. De plus, le prélèvement d’échantillon porte sur la totalité du stock. A l’évidence, il y a des choses à dire derrière. Au moins joue-t-on carte sur table. » S. Archambaud a indiqué que M. X était identifié comme producteur de raisin, élaborateur et conditionneur. « Nous allons reprendre un à un l’ensemble des points du cahier des charges vous concernant. » Le technicien a débuté ce passage en revue par l’identification des parcelles – « Toutes les parcelles en production doivent être identifiées » a-t-il rappelé à toutes fins utiles. Le producteur avait préparé une série de documents. Il a sorti la bonne chemise. Le technicien en a profité pour faire passer un message – « C’est très important que vous suiviez régulièrement la rotation de vos parcelles, afin de bien maîtriser votre potentiel de production. Au bout de cinq ans, une parcelle qui n’a pas produit est retirée de la liste parcellaire. Si vous voulez conserver votre potentiel de production et même un peu au-delà, il faut se montrer très vigilant quant aux dates. » S. Archambaud a poursuivi par les conditions de productions au vignoble. « En ce moment, il n’y a pas grand-chose à voir mais plus tard dans la saison nous pouvons aller vérifier sur place l’écartement entre rangs, le pourcentage de pieds morts, le nombre d’yeux/ha. Il est évident qu’un producteur de Pineau ne va pas viser les 150 hl/ha. Cela coule de source. » Confirmation du viticulteur – « Je choisis de préférence les vignes à 2 m. » Le technicien s’est arrêté un instant sur l’aspect environnemental, un peu nouveau dans le cahier des charges. Il a notamment évoqué le non-désherbage des tournières, à partir de la 4e feuille. « Est-ce que l’on nous demandera un jour de ne plus désherber les vignes ? » s’est inquiété le viticulteur. « Un jour peut-être mais ce n’est pas encore à l’ordre du jour » l’a rassuré le technicien. Au niveau de l’examen des conditions de production du Cognac rentrant dans l’élaboration du Pineau, le retour à l’identique a fait l’objet de quelques commentaires. Le viticulteur n’ayant pas d’alambic, il recourt à l’entraide avec un voisin. « Au niveau douanier, c’est archi-bordé » a relevé S. Archambaud. Le viticulteur fait distiller chaque année 10 hl AP, même s’il n’en utilise pas toujours autant. « C’est bête de manquer d’eau-de-vie. » Il avait sauté une année pour la fabrication de Pineau rosé. Il l’a regretté. Il ne fabrique pas de vieux Pineaux mais commercialise un Pineau toujours proche des 5 ans d’âge. « Tout est sous bois chez vous ? » a questionné au passage le technicien. Réponse affirmative du producteur – « Je fabrique dans l’inox et ensuite je loge tout sous bois. » Nouvelle question de Sébastien Archambaud – « Avez-vous un cahier de chai ? » Non, le viticulteur n’en a pas. « C’est typiquement une situation un peu délicate, un peu embêtante » a constaté le technicien. « Le stock est tellement petit qu’à partir du moment où les barriques sont identifiées, le viticulteur ne voit pas l’intérêt d’aller plus loin. Pourtant il s’agit d’une obligation réglementaire. Toutes les opérations de chai doivent être identifiées, collage, sulfitage… Il faut noter tout ça quelque part. Ce n’est pas lourd à tenir et ça peut rendre service en cas d’accident, pour savoir à quel moment le dérapage a eu lieu. »
un simple cahier d’écolier
Le technicien a démystifié la notion de cahier de chai. « Il suffit de prendre un simple cahier d’écolier et attribuer à chaque lot une page, en consignant l’historique du lot. » « On le fera » a promis le viticulteur. « Je ne suis pas inquiet » lui a répondu le technicien. Si le producteur n’a pas de cahier de chai, il a un cahier où il marque toutes ses fabrications de Pineau, les quantités d’eau-de-vie utilisées, leurs millésimes, les volumes de moûts. « C’est très bien. Gardez ce support et complétez-le du cahier de chai où vous noterez les étapes suivantes. La prochaine fois que je reviendrai, on fera le point. » Le déroulé du suivi interne s’est poursuivi par l’hygiène et la propreté du chai, deux points importants. RAS, le viticulteur travaille dans les règles de l’art. Le technicien a abordé la question des analyses. M. X fait suivre son Pineau par un laboratoire de Cognac. Il lui demande de doser le TAV et le sucre et c’est tout. « Vous les avez, les analyses ? » a demandé S. Archambaud. S’en est suivi une assez longue digression du technicien sur l’intérêt de vérifier l’acidité totale, le pH et le SO2 ainsi que l’apparition d’éventuels problèmes bactériens, par un dosage de l’acide lactique une ou deux fois par an. « Pour le Pineau, la malolactique constitue un problème très important. Des bactéries lactiques peuvent se développer. Un dosage de l’acide lactique en cours d’année permet de voir si des bactéries se sont mises au travail. Il faut savoir que quelques souches de bactéries spécifiques au Pineau sont actives jusqu’à 22 % vol. Un assez fort degré d’alcool ne les bloque pas. L’ennui, c’est qu’elles éliminent toute concurrence autour d’elles. Quand elles sont dopées, elles peuvent contaminer le chai en l’espace de deux ans. Un pied de cuve qui n’est pas identifié à la base et ça peut aller très vite. Face à ce type de contraintes, il convient de ne pas lever la garde. Les Pineaux les plus à risque sont ceux qui affichent des pH supérieurs à 3,5. » « On touche du bois mais nous n’avons jamais eu ce genre de problème » a constaté le viticulteur qui a tout de même pris l’engagement de compléter sa batterie d’analyses dès le printemps prochain. « Avez-vous un registre de conditionnement ? « s’est enquis le technicien. Oui, le viticulteur en possède un. Il note sur un cahier le numéro de lot, le nombre de bouteilles. Dans son cas, le seul problème à pêcher vraiment est celui du cahier de chai ainsi, éventuellement, qu’un contrôle de l’activité bactériologique pas assez rigoureux. « Vous avez juste ces deux points à améliorer. Si vous le faites, vous serez à 100 % des points » a relevé le technicien. « Nous le ferons, c’est dans notre intérêt » lui a répondu le viticulteur. Pendant l’échange, qui a duré une bonne heure, le technicien s’est servi du support visuel de son ordinateur portable. Il a fait défiler sur l’écran le cahier des charges et l’a commenté avec le viticulteur. En face des conditions de production, il a noté sur un tableau Excel le nombre de points acquis par le viticulteur. M. X a obtenu plus de 92 points mais moins de 100. Ce score lui vaut un prélèvement à hauteur de 10 % de son stock. Sébastien Archambaud a procédé immédiatement à la prise d’échantillon. Son rapport d’audit, il l’enverra dans la foulée au viticulteur. L’audit interne permet de prendre date. La prochaine fois que le technicien se déplacera sur l’exploitation, il disposera d’une trame de départ, à partir de laquelle il appréciera le chemin parcouru. En ciblant les points à améliorer, le Plan de contrôle constitue une redoutable machine à progresser. Dans une filière qui a déjà la réputation de bien travailler, l’excellence serait-elle au bout de la route ?
Conseil Du Suivi Interne
Comme son nom le laisse présager, le Conseil du suivi interne constitue le centre névralgique du suivi interne organisé par l’ODG. Présidé par Philippe Guérin, il se compose de dix membres. Bien que désigné par le conseil d’administration du syndicat, le Conseil du suivi interne travail en totale indépendance du syndicat, auquel il n’a pas de compte à rendre. Ainsi, par exemple, le président du syndicat ne peut pas siéger au Conseil du suivi interne. Le Conseil organise le suivi interne, au regard du Plan de contrôle. Il le dote des outils de fonctionnement, en l’occurrence le technicien du syndicat et son assistante. En cas de manquements graves, il peut être amené à prendre des sanctions. Ses membres se sont engagés sur l’honneur à se retirer du conseil quand les décisions pourraient interférer sur leur situation personnelle.
Commission De Dégustation
Une charte de dégustation lie le panel de dégustateurs réunit dans la Commission de dégustation. Avec la réforme, les aptitudes des dégustateurs sont amenées à évoluer. Dans la mesure où le contrôle concerne la totalité du stock, les dégustateurs peuvent déguster des produits bruts, non revendiqués. Les dégustateurs vont être formés et « calés » en début de chaque séance. Ils feront l’objet d’évaluation, afin que leurs jugements soient les plus précis possibles.
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