Pineau des Charentes- Mise en bouteille AVP-COVITIS : Une réaction en chaîne

28 juillet 2014

Investir pour aujourd’hui mais aussi pour se projeter dans l’avenir. C’est ce qui a poussé Jean-François Bertrand et trois autres propriétaires de domaines viticoles à d’abord se réunir, il y a quelques années, dans AVP-Covitis puis, aujourd’hui, à investir dans un outil d’embouteillage structurant. Démarche collective et démarche individuelle se renforcent l’une l’autre sans que ces fervents « indépendantistes » abandonnent un pouce de leurs terrains.

 

 

p12.jpgCela sent encore la peinture fraîche. Et pour cause ! Le nouveau bâtiment d’embouteillage vient juste d’être livré. On l’attendait pour fin juin. Finalement, il aura été opérationnel à la mi-juillet. En ces premiers jours du mois, les techniciens ita-liens affinent encore les derniers réglages. Jean-François Bertrand estime qu’il faudra bien passer 50 000 bouteilles sur la chaîne d’embouteillage pour valider l’outil. Mais, d’ores et déjà, l’installation fonctionne. Retour sur un projet qui remonte assez loin dans le temps.

La matrice d’AVP-Covitis, il faut la rechercher une douzaine d’années en arrière. A l’époque, la SARL Bertrand, de Chevanceaux, a déjà intégré une activité de préparation de Pineau vrac, pour la mise en bouteille par des tiers. Un de ses principaux clients s’appelle la Distillerie des Moisans, à Sireuil. L’embouteilleur travaille principalement avec Carrefour, l’enseigne de la grande distribution. A l’autre bout de la chaîne, la SARL Bertrand appuie son approvisionnement sur un certain nombre de propriétés, dont le Domaine de la Ville à Saint-Thomas-de-Conac (famille Caillet), Jean-Luc Bossis (Saint-Bonnet-sur-Gironde) ou encore la SCEA Doussoux Baillif (Domaine du Chêne à Saint-Palais-de-Phio-
lin). « Nous travaillions en totale transpa-rence, se souvient J.-F. Bertrand. Les producteurs connaissaient le prix de vente, la marge dégagée. »

Formaliser les relations

En 2009, les partenaires décident de formaliser davantage leurs relations. Les échanges commerciaux sont devenus récurrents et l’idée est de se dire qu’il faut pérenniser les choses. On ne sait jamais ce que réserve l’avenir. Nul n’est éternel. Et puis une activité ne vaut que si elle perdure. A l’époque, Jacques Caillet est encore en vie. Il sera l’un des moteurs de la création d’AVP-Covitis.

A l’argument strictement commercial – assurer un débouché aux producteurs et un approvisionnement au metteur en marché – s’adjoint une dimension plus professionnelle, attachée à l’organisation de la filière. Jacques Caillet, Jean-Marie Baillif, Jean-François Bertrand ou Jean-Luc Bossis, tous sont impliqués dans la vie professionnelle, au syndicat comme au comité. Que les liens se renforcent et s’organisent d’un bout à l’autre de la filière, entre la production et les metteurs en marché, ne laisse personne indifférent. C’est l’une des composantes fortes du projet.

« Au fil du temps, nous nous sommes aperçus que la frontière entre viticulteurs et négociants était bien plus diffuse qu’imaginée. Beaucoup d’entre nous sommes à la fois producteurs et négociants. »

AVP-Covitis adopte la forme juridique de la SARL. « En fait, à la base, il s’agit d’un groupage de volumes de Pineau, une sorte de GIE de mise en marché » résume J.-F. Bertrand. Sauf que le terme de GIE n’est pas mis en avant. Quant à la signification d’AVP-Covitis, les propres membres de la structure hésitent entre « Association Avenir viticole du Pineau », « Avenir et Valorisation du Pineau »… « Cela peut revêtir plein de sens » disent-ils, amusés. Ce dont ils sont sûrs, c’est du mot Pineau.

Les choses auraient pu rester en l’état si la Distillerie des Moisans n’avait décidé de se retirer de la mise en bouteille du Pineau. Une décision mûrie, concertée, qui ne met pas le couteau sous la gorge des apporteurs de marchandises. « La transition s’est faite intelligemment, de manière progressive, en prenant le temps » témoignent les intéressés. A un moment donné, ils doivent pourtant se positionner. Ils optent pour l’installation d’une nouvelle unité d’embouteillage.

Un nouvel élan

Plusieurs raisons militent en faveur de ce choix. La plus importante tient évidemment à la préservation du courant commercial avec la centrale d’achat de Carrefour. Les viticulteurs n’ont pas l’intention de se priver du débouché des MDD (marques de distributeurs). Seule différence : ils ne travailleront plus « sur ordre » mais en maîtrisant la chaîne de A à Z. Quelque part, ils y voient aussi l’opportunité de donner un nouvel élan à leurs propriétés, en développant de nouveaux marchés. C’est là que les motivations particulières rejoignent les préoccupations de filière : se donner les moyens de faire évoluer l’appellation, en se dotant d’outils et d’outils aux normes.

Les associés choisissent d’installer le site d’embouteillage à Chevanceaux, dans le périmètre de la SARL Bertrand. Les ins-tallations des produits « prêt à la mise » (cuveries, infrastructures) existent déjà, d’où une substantielle économie de coûts. Avec la RN 10 toute proche, le domaine jouit d’une desserte exceptionnelle. Enfin, il se trouve à peu près à équidistance des autres exploitations.

Entre le bâtiment, le matériel de cave et la nouvelle chaîne d’embouteillage (qui s’adosse à celle appartenant déjà à la SARL), l’investissement s’élève, hors fonds de roulement, à 1,5 million d’€. Le projet bénéficie de deux niveaux d’aides : des subventions de FranceAgriMer pour tout ce qui relève des équipements Pineaux et vins (matériels de cave, ligne d’embouteillage) et des aides du Conseil général 17 pour la construction du bâtiment. Les quatre associés de départ sont rejoints par un cinquième, Karim Tati, conseiller d’entreprise, qui investit à titre privé dans le projet. Chacun apporte une somme équivalente.

Sur les douze derniers mois, la SARL Bertrand a embouteillé 1,5 million de cols entre les vins et Pineaux (y compris les MDD Carrefour). Avec le nouvel outil, l’objectif est d’atteindre 3 millions de cols. Si les décisions stratégiques se prennent à quatre et maintenant à cinq, c’est Pascal Guilloton qui, en tant que gérant d’AVP-Covitis, s’est occupé de la gestion administrative du dossier. Jean-François Bertrand manage, lui, toute la partie commerciale et notamment les « grands comptes », avec l’appui de Jean-Marie Bailif. Il veille également aux aspects « pratico-pratiques » du site d’embouteillage. Jean-Luc Bossis et le conseiller d’entreprise ont en charge la gestion financière tandis que les relations extérieures sont du domaine de Jean-Marie Baillif.

Mise en commun des moyens

Cette mise en commun de moyens n’empêche pas les associés de conserver leur propre politique commerciale, à des niveaux d’étanchéité divers. Si certains continuent de compartimenter les activités, d’autres sont plus en recherche de synergie. Cependant, tous revendiquent une certaine forme d’indépendance. « Nous ne sommes pas dans le collectivisme. » D’ailleurs, fait symptomatique, depuis la création d’AVP-Covitis, les quatre associés viticulteurs adhèrent à la Fédération des Vignerons indépendants : de manière « historique » pour Jean-François Bertrand et Jean-Marie Baillif, plus récemment pour le Domaine de la Ville et Jean-Luc Bossis.

J.-F. Bertrand comme J.-M. Baillif insistent beaucoup sur les bénéfices collatéraux attachés à AVP-Covitis. En marge de la structure et même si ce n’était pas l’objectif initial, les associés partagent aujourd’hui une coopérative d’achat, un groupement d’employeurs, du matériel de filtration, un système de traitement. Les dossiers « Document unique de prévention des risques » des Douanes ou encore HVE (haute valeur environnementale) sont dupliqués sur les quatre structures. Comme on peut dire que « la fonction fait l’homme », l’organisation crée les conditions de la synergie. « Nous nous sommes aperçus que nos structures étaient très différentes et très complémentaires. »

Pour revenir au Pineau, AVP-Covitis ira-t-elle jusqu’à créer sa propre marque ? « Le sujet a déjà été évoqué entre nous mais non, pas encore » répondent d’une même voix les associés. Ils estiment que le timing n’y est pas. « C’est trop tôt. Certes, il est toujours possible de créer une marque, avec une belle étiquette, un bon produit mais pour le vendre où et à quel prix ? » Pour l’instant, ils pensent que les conditions ne sont pas réunies « mais cela pourrait venir très vite » admettent-ils. L’exportation est perçue par eux comme une voie vertueuse mais nécessitant une mise en place beaucoup plus structurée. « Arrêtons de croire que les marchés export nous attendent. Ce sera long et onéreux. » Pour autant, qui sinon des structures comme AVP-Covitis auront demain la taille suffisante pour alimenter
les marchés export ? Et si l’idée avait traversé l’esprit des cinq associés.

Un équipement performant
Les deux lignes d’embouteillage d’AVP-Covitis sont entièrement automatisées sauf que la seconde (celle qui vient d’être installée) l’est de la dépalettisation jusqu’au filmage des palettes. D’ailleurs, le robot d’encaissage et de palettisation pèse pour environ 50 % du coût. Avec le nouvel équipement, le but est d’atteindre 3 000 bouteilles/heure « réelles » alors que l’autre ligne réalise environ 1 800 bouteilles/heure. L’idée est de pratiquement tripler la capacité d’embouteillage d’un site qui, à 80 %, traite du Pineau et du vin. Le nouveau bâtiment représente 1 000 m2 couverts, plus 200 m2 de stockage verre extérieur, couverts mais ouverts ainsi que 300 m2 de stockage carton à l’étage. La cuverie se compose de cinq cuves, dont trois cuves de 300 hl vol. dédiées aux Pineaux et aux vins. Le site emploie cinq salariés.
En ce qui concerne l’approvisionnement Pineau d’AVP-Covitis, il provient des associés qui, à eux quatre, exploitent 500 ha de vignes. A ce chiffre, il faut ajouter environ 200 ha de vignes engagés avec la SARL Bertrand. Globalement, la SARL AVP-Covitis représente entre 12 et 15 % de la production régionale de Pineau.

 

 

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