Pineau des Charentes : Le cuivre sous surveillance

7 août 2009

Le Pineau des Charentes est un produit plus riche en cuivre que l’ensemble des autres vins et la présence de ce composé est inhérente à ses principes d’élaboration. Au cours des dernières années, les teneurs en cuivre sont devenues un sujet de préoccupation en raison de l’apparition d’un contexte réglementaire plus contraignant dans un pays comme le Canada (2e débouché à l’exportation) et en France, le sujet commence à faire débats au niveau de la grande distribution. Est-il possible d’envisager une réduction des teneurs en cuivre dans les Pineaux ? Les connaissances sont-elles suffisantes pour pouvoir disposer d’arguments susceptibles de convaincre les distributeurs et l’Administration du caractère inoffensif de ce composé quand sa concentration ne dépasse pas quelques mg/l ? Les professionnels ont décidé de conduire des études scientifiques sur le cuivre depuis plusieurs années. Les résultats de ces travaux sont en mesure aujourd’hui de faire progresser les méthodes de production et d’envisager une réflexion de fond sur le seuil de cuivre actuellement autorisé.

Les teneurs en cuivre dans le Pineau des Charentes représentent un sujet de préoccupation pour les metteurs en marché en raison de normes dans certains pays et de l’attitude d’extrême prudence de la grande distribution en France. Dans un pays comme le Canada, les pouvoirs publics ont fixé une teneur maximale de 1 mg/l pour tous les vins importés alors qu’en France et dans l’Union Européenne, aucune réglementation sur ce constituant existe. La détermination de ce seuil de 1 mg/l repose sur une recommandation de l’OIV (l’Office international du vin) sur les vins indiquant que la teneur doit être inférieure à cette valeur. Dans les vins, le seuil de 1 mg/l ne pose jamais de problèmes car des moûts en contenant 3 à 4 mg/l voient leur teneur se réduire à moins de 1 mg/l après la fermentation alcoolique. Au cours du processus fermentaire, les levures métabolisent le cuivre en sulfure de cuivre qui précipite dans les lies. Les soutirages des vins permettent d’éliminer le cuivre et l’ensemble des productions de vins commercialisées se situent à des teneurs très faibles bien inférieures à la recommandation de l’OIV. Le seuil de 1 mg/l est jugé par l’ensemble des producteurs de vins très tolérant. La recommandation de l’OIV s’avère pénalisante uniquement pour les produits de la catégorie vins pas ou peu fermentés : les vins de liqueurs, le Pineau de Charentes et le Floc de Gascogne.

L’absence de fermentation des vins de liqueurs rend impossible la précipitation du cuivre

Les vins de liqueurs ne subissent pas de fermentation alcoolique et les teneurs en cuivre présentes dans les moûts et les eaux-de-vie se retrouvent presque intégralement dans les produits finis. Des années comme 2007 ou 2008, où la pression de mildiou est importante, les risques d’avoir des teneurs en cuivre dans les moûts de 2 à 3 mg/l sont importants surtout si l’arrière-saison est sèche. Des teneurs de 2 à 3 mg/l de cuivre correspondent-elles à des concentrations susceptibles d’occasionner des déviations qualitatives ou des risques pour les consommateurs ? Eh bien non ! En effet, de nombreuses études ont révélé que le cuivre peut occasionner une nuisance gustative (dureté, goût de métal) lorsqu’il atteint des teneurs bien supérieures à 5 mg/l. Ce type de défaut est souvent la conséquence de contacts prolongés avec des éléments de vaisselle vinaire (plongeurs, raccords, robinetterie, corps de pompe, robinet de jauge de tonneaux…) en cuivre, en laiton et en bronze. Or, l’inox a pris une place dominante dans les équipements vinicoles depuis quinze ans et les lots ayant des teneurs élevées supérieures à 5 mg/l susceptibles d’extérioriser le défaut de dureté caractéristique sont devenus très rares. Plusieurs œnologues et des producteurs importants de la région nous ont confié qu’en moyenne, des Pineaux avant la mise en bouteille pouvaient avoir des teneurs en cuivre de 1 à 4 mg/l. Il est aussi intéressant de savoir que les normes de teneurs maximales en cuivre dans les eaux minérales établies par l’OMS (l’Organisation mondiale de la santé) sont de 2 mg/l, donc deux fois supérieures à celles de la recommandation OIV pour les tbleau_3_cu.jpgvins.

L’importance de la consommation quotidienne d’eau minérale par rapport à celle des vins laisse à penser que des teneurs en cuivre de 2 à 3 mg/l dans les vins de liqueurs ne représentent pas un danger majeur pour la santé humaine. La montée en puissance des aspects réglementaires autour du dossier cuivre a incité les professionnels à s’intéresser à la problématique des teneurs en cuivre dans le Pineau des Charentes. Cela s’est concrétisé par la mise en œuvre d’un travail de recherche fondamental depuis quatre à cinq ans pour mieux connaître l’origine des apports de cuivre, évaluer les moyens d’en réduire la concentration et disposer d’un argumentaire scientifique solide pour faire face à d’éventuelles interrogations sur ce sujet.

50 % des échantillons de Pineaux ont une teneur en cuivre supérieure à 2 mg/l

tableau_cu_2.jpgLe dossier cuivre est devenu un sujet technique sensible auquel beaucoup de producteurs ne sont pas encore sensibilisés, mais par contre les metteurs en marché y portent une attention de plus en plus grande. L’approfondissement des connaissances apporte un certain nombre de pistes de réflexions qui sont susceptibles de pouvoir minimiser de façon préventive les teneurs dans les moûts avant le mutage.

Le Comité national du Pineau des Charentes a confié la réalisation d’un programme de recherches sur le cuivre à la Station Viticole du BNIC (commencé en 2004). La première approche a concerné l ‘évaluation des concentrations en cuivre par la mise en place d’un réseau d’observation pour connaître les teneurs réelles en cuivre d’un échantillon de 50 Pineaux produits en 2004 dans une vingtaine de propriétés. Les dosages ont été effectués sur des Pineaux quelques semaines après leur élaboration et l’ensemble des producteurs ont aussi mis à disposition un échantillon des teneurs en eaux-de-vie ayant été utilisé pour le mutage. Conjointement, l’établissement d’un questionnaire sur les pratiques viticoles et œnologiques a permis de connaître les itinéraires de production de l’ensemble des propriétés ayant participé à cette étude. Les teneurs en cuivre mesurées seulement quelques semaines après le mutage sont en moyenne légèrement supérieures à celles des qualités commerciales dans la mesure où une petite fraction de ce composé est éliminée dans les bourbes au cours de l’élevage. Par ailleurs, certains metteurs en marché pratiquent de manière systématique un traitement œnologique (au ferro-cyanure de potassium) pour ramener les teneurs en dessous de 1 mg/l. La proportion de cuivre éliminée au cours du vieillissement des Pineaux (par un dépôt naturel dans les lies qui sont soutirées) durant 15 à 30 mois reste très limitée et insuffisante pour faire chuter le niveau de ce composé en dessous 1 mg/l.

tbleau_3_cu.jpgLes résultats mettent en évidence qu’un peu plus de 50 % des échantillons présentent des teneurs inférieures à 2 mg/l qui sont conformes aux exigences analytiques ayant cours actuellement. A l’inverse, 40 % des échantillons se situent entre 2 et 5 mg/l, des teneurs que l’on peut qualifier de faibles car elles n’engendrent aucune nuisance aromatique et gustative. Seuls 10 % des échantillons contiennent des teneurs trop élevées en cuivre (un des lots très riches en cuivre est à relier au mode de prélèvement dans le tube de jauge d’un tonneau avec une taupette en cuivre).

Dans cette approche de quantification des teneurs en cuivre dans les Pineaux, la fraction apportée dans les eaux-de-vie a été aussi prise en compte. Leur concentration qui s’est révélée faible à moyenne et constante (autour de 1,5 mg/l) ne fait ni baisser ni accroître les apports liés aux moûts.

L’incidence déterminante des traitements cupriques durant l’été

tbleau_4_cu.jpgLe dépouillement de l’enquête sur les pratiques viticoles de chaque site de production a permis d’établir une relation entre le nombre de traitements à base de produits cupriques et la teneur dans les moûts correspondants. Les éléments obtenus viennent conforter les travaux du professeur Darriet en 2001 (de l’Institut d’œnologie de Bordeaux) qui attestaient déjà que les traitements phytosanitaires favorisant le plus l’augmentation des teneurs en cuivre dans les moûts sont ceux intervenant à partir de la fermeture de la grappe. L’étude réalisée par la Station Viticole du BNIC a inclus deux approches, l’une prenant en compte les apports totaux de cuivre depuis le débourrement et l’autre les seuls apports estivaux en juillet, août et septembre. L’importance des apports de cuivre lors des interventions de protection du vignoble pendant la période estivale s’est révélée déterminante vis-à-vis des teneurs finales en cuivre des moûts.

Les conditions climatiques de fin de saison (de début septembre à la mi-octobre) peuvent interférer fortement sur la capacité du cuivre à « passer » ou pas dans les moûts. La fréquence et l’importance des pluies sont en mesure d’amplifier ou de limiter les phénomènes de lessivage du feuillage et des raisins en fin de saison. Certains œnologues ont observé en 2008 des teneurs en cuivre dans les Pineaux plus faibles qu’en 2007 chez des producteurs qui ont effectué des calendriers de traitements cupriques en été très similaires lors de ces deux années. Les pluies de fin de saison beaucoup plus abondantes en 2008 ont permis d’éliminer une partie du cuivre présent sur la végétation. Lors des expérimentations conduites en 2004, les teneurs en cuivre de moûts issus de parcelles vendangées à la main et à la machine se sont révélées identiques, ce qui tend à prouver que la fraction de cuivre présente sur les raisins est la plus sensible aux effets de migration dans les moûts.

La réalisation d’un débourbage des moûts ne présente pas d’intérêt

tbl_5_cu.jpgParallèlement au travail sur le réseau d’observation, des essais ont été conduits à partir de 2005 pour évaluer l’incidence de diverses pratiques de vinification. La mise en œuvre d’un débourbage serré serait-elle en mesure de réduire les teneurs en cuivre dans les moûts ? Une expérimentation en petit volume et en conditions réelles a été mise en place pour le vérifier. Les dosages de cuivre sont intervenus sur des lots de Pineaux élaborés à partir de moûts débourbés ou pas.

Le débourbage n’a pas permis de diminuer les teneurs dans les Pineaux, ce qui confirme que les phénomènes de solubilisation du cuivre interviennent ultérieurement durant le processus fermentaire. Des données bibliographiques (obtenues en 1996) concernant le débourbage de moûts de Sauvignon aussitôt le pressurage avaient déjà mis en évidence l’absence d’efficacité de cette intervention vis-à-vis des teneurs en cuivre.

L’étape de vieillissement pas suffisante pour éliminer les excès de cuivre

tbl_6_cu.jpgUne autre interrogation concernait l’évolution des teneurs en cuivre au cours de l’élevage des Pineaux. Lors du vieillissement, l’évolution des équilibres physico-chimique serait-elle en mesure de provoquer une diminution des teneurs en cuivre ? Les 40 lots de Pineaux élaborés en 2004 ont été analysés presque un an après leur fabrication.

11 échantillons ont conservé des teneurs stables, 16 avaient des concentrations en diminution (parfois de façon importante) et à l’opposé 11 lots étaient plus riches en cuivre. Ces résultats interpellent et posent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses. Comment expliquer de tels écarts de concentrations à la hausse comme à la baisse ?

Les techniciens avancent une hypothèse pour expliquer ces écarts : La difficulté à prélever un échantillon de Pineau représentatif est sûrement inhérente à la nature même du produit à la fois riche en alcool et en sucres. Dans des contenants de grandes capacités, la réalisation d’une homogénéisation (par un pompage) avant de prélever les échantillons serait une sage précaution. L’intérêt de la phase d’élevage vis-à-vis de la diminution des teneurs en cuivre n’est vraiment pas du tout démontré.

Les macérations pelliculaires réduisent les teneurs en cuivre dans les Pineaux Rosés

tbleau_7_cu.jpgMme Claudie Roulland, l’ingénieur de la Station Viticole du BNIC chargée de l’étude du dossier cuivre dans les Pineaux, a aussi mis en évidence des différences de concentrations en cuivre entre les Pineaux blancs et rosés. D’une façon générale, les Pineaux rosés sont globalement moins riches en cuivre que les Pineaux blancs alors que les parcelles ont été protégées avec des calendriers de traitements identiques.

Comment expliquer cette différence ? L’analyse des itinéraires d’élaboration des moûts de Pineaux blanc et rosé montre que la seule différence se situe au niveau de la phase de contact entre les jus libres et les pellicules (quelle que soit sa forme, à froid, à l’alcool, enzymatique, à froid ou à chaud) destinée à extraire la couleur. Se produit-il un phénomène d’élimination partielle du cuivre au cours de cette étape ?

Des données bibliographiques obtenues lors de la mise au point des pratiques de macération pelliculaire préfermentaire sur des cépages blancs comme le Sauvignon dans le milieu des années 90 avaient déjà révélé une diminution des teneurs en cuivre dans les moûts par un phénomène d’absorption du cuivre sur les pellicules. L’équipe de la Station Viticole a mis en place une expérimentation pour évaluer l’incidence de la phase de macération jus/pellicules.

L’essai a été conduit sur des lots de vendange d’Ugni blanc ayant subi des durées de macérations pelliculaires plus ou moins longues. Les teneurs en cuivre des moûts sont maximum sur les prélèvements de jus aussitôt le foulage et ensuite diminuent progressivement au fur et à mesure que la durée de macération s’allonge. Le phénomène d’absorption du cuivre par les pellicules provoque une diminution de concentration qui explique sa moindre teneur dans les Pineaux rosés.

La réalisation de macérations pelliculaires n’est pas une pratique qui présente un réel intérêt qualitatif pour l’élaboration de moûts issus de cépages blancs. La finalité des macérations pelliculaires pour des cépages comme le Sauvignon ou le Colombard est d’extraire des précurseurs d’arômes qu’ensuite la fermentation alcoolique révèle en arômes de cépages typiques. L’absence de processus fermentaire dans la démarche d’élaboration des Pineaux blancs ne permet pas de révéler les précurseurs d’arômes, ce qui limite considérablement l’intérêt des macérations pelliculaires.

Traiter uniquement la partie supérieure du palissage en été permet de réduire de 50 % les teneurs en cuivre des moûts

L’un des enseignements les plus importants de l’étude conduite par la Station Viticole du BNIC est l’incidence déterminante des apports de cuivre en été lors des interventions de protection du vignoble. Plus la quantité de cuivre pulvérisée sur la végétation est importante pendant cette période, plus les risques d’obtenir des moûts riches en ce composé sont élevés. Or, dans le vignoble charentais, l’utilisation de spécialités à base de cuivre à partir de la fermeture de la grappe est courante et justifiée sur le plan technique en raison de la vigueur et de la croissance tardive des rameaux du cépage Ugni blanc. Les techniciens conscients de cette réalité régionale n’ont pas envisagé de proposer l’arrêt des traitements cupriques dans les parcelles destinées à la production de Pineau. Leurs réflexions ont été d’imaginer une réduction des doses de cuivre pendant la période estivale en localisant le flux de pulvérisation sur la moitié supérieure des plans de palissage pour assurer une protection au niveau des organes végétatifs qui continuent leur croissance. La zone fructifère n’est plus traitée lorsqu’elle a atteint le stade plein de la fermeture des grappes. Cette stratégie a été testée dans le cadre d’un essai commun entre la Station Viticole du BNIC et la Chambre d’agriculture de la Charente. Deux modalités ont été comparées, l’une à dose pleine pulvérisée sur l’ensemble du plan de palissage et l’autre à demi-dose pulvérisée sur la partie supérieure de la végétation.

La stratégie de traitements à demi-dose ciblée sur la partie supérieure de la végétation durant tout l’été engendre des diminutions de concentrations en cuivre dans les moûts très intéressantes (de l’ordre de – 40 à – 50 %) tout en permettant un bon contrôle de la pression parasitaire en fin de saison. Un autre essai réalisé par la Chambre d’agriculture de la Charente dans le cadre d’une étude sur les réductions de doses de cuivre destinées aux viticulteurs bio (en partenariat avec l’association Vitibio) avait déjà permis, il y a quelques années, de confirmer l’efficacité des stratégies de traitements à demi-dose localisée sur la partie supérieure de la végétation. Une chute des teneurs en cuivre des moûts à la récolte d’environ 40 à 50 % avait été aussi constatée. Les techniciens pensent donc que le moyen le plus sérieux de réduire les teneurs en cuivre des moûts destinés à l’élaboration de Pineau des Charentes est l’application des traitements cupriques (avec réduction de dose de l’ordre de 50 %) sur la partie supérieure de la végétation à partir du stade pleine fermeture de la grappe. Des producteurs ont mis en pratique cette stratégie de protection depuis plusieurs années et durant les cycles végétatifs 2007 et 2008, ils ont réussi à la fois à contenir le mildiou en fin de saison et à réduire de manière très significative les teneurs en cuivre dans les moûts.

Un traitement œnologique existe mais il a mauvaise « presse »

Lorsque des Pineaux possèdent des teneurs en cuivre trop élevées, est-il possible d’en réduire la concentration par des traitements œnologiques ? La réponse est oui, on peut éliminer les excès de cuivre en réalisant au moment des collages un traitement spécifique (à base de ferro-cyanure). Le fait de pouvoir disposer d’une pratique œnologique corrective pourrait laisser à penser aux viticulteurs qu’il n’est pas nécessaire de s’investir dans des démarches viticoles tendant à réduire les apports de cuivre au vignoble. Les responsables de la filière Pineau estiment au contraire que vis-à-vis des acteurs commerciaux et des consommateurs, les pratiques œnologiques correctives peuvent susciter une certaine suspicion autour du process d’élaboration. Comme au niveau du vignoble, les pratiques de vinification et d’élevage évoluent vers des principes d’œnologie raisonnée privilégiant les méthodes préventives. Par ailleurs, l’image véhiculée par le traitement œnologique éliminant le cuivre n’est pas particulièrement porteuse sur le plan commercial et le systématiser n’est plus dans l’air du temps. Des travaux de recherches avaient été engagés pour essayer de tester un autre produit œnologique, le Divergan, déjà utilisé dans les jus de fruits pour éliminer le cuivre. Les essais conduits par la Station Viticole avec ce produit de stabilisation se sont révélés intéressants mais, malheureusement, la société BASF qui le commercialisait a décidé d’arrêter sa fabrication faute de débouchés suffisamment importants. Les professionnels de la filière, les producteurs, les coopératives et les négociants considèrent aujourd’hui que l’avenir du dossier cuivre doit être abordé d’une autre manière. D’ailleurs, ce n’est pas tout à fait un hasard si des acheteurs importants de Pineau en vrac à la propriété ont systématisé les dosages du cuivre lors des transactions avec les viticulteurs.

des démarches en cours pour essayer de faire réévaluer le seuil de 1 mg/l

La synthèse des travaux scientifiques conduits par la Station Viticole du BNIC a permis d’acquérir une masse de connaissances que les responsables professionnels souhaitent valoriser pour à la fois apporter aux producteurs une information complète, être en mesure de proposer une argumentation scientifique sérieuse pour sécuriser les acheteurs et engager une démarche auprès de l’OIV pour essayer de faire évoluer le seuil de la recommandation de moins de 1 mg/l pour les vins de liqueurs. M. Christian Baudry, le président de la CNVLAOC (la Confédération nationale des producteurs de vins de liqueur AOC), considère que la présence de teneurs en cuivre un peu élevées dans les Pineaux est inhérente à la nature même du produit : « Un pineau contenant 3 mg/l de cuivre ne présente aucun danger pour le consommateur et à ce niveau de concentration, la structure qualitative du produit n’est nullement altérée. L’une des spécificités de notre produit est qu’il est élaboré à partir d’eaux-de-vie naturellement riches en cuivre du fait du procédé de distillation et ensuite, l’absence de fermentation des moûts rend impossible l’élimination de ce composé. Dans de telles conditions, il est presque naturel que certaines années les Pineaux aient des teneurs en cuivre un peu plus élevées. L’utilisation du seul traitement œnologique correctif est bien sûr une solution mais sa mise en œuvre suscite de plus en plus de réticences en raison de la nature du produit utilisé. Cela va à l’encontre du caractère naturel de notre produit. Pour faire baisser les teneurs en cuivre, la voie d’avenir me paraît être les stratégies préventives au vignoble. La localisation des trois derniers traitements de fin de saison sur la fraction supérieure du palissage permet de réduire de 50 % le niveau de concentration en cuivre des moûts. En s’engageant dans cette voie, la grande majorité des Pineaux élaborés devraient passer en dessous le seuil de 2 à 3 mg/l de cuivre. Le souhait des professionnels est de s’appuyer sur ces efforts au vignoble pour essayer de faire évoluer la recommandation de l’OIV. La réglementation de l’OMS au niveau des eaux minérale se situe à 2 mg/l pour le cuivre, ce qui a surpris tous les acteurs de notre filière. Un seuil de cuivre dans les Pineaux équivalent ou légèrement supérieur à celui de l’eau, cela serait logique. Or, actuellement, c’est l’inverse, le niveau de référence dans le Pineau est inférieur de 50 % à celui de l’eau. Là, on comprend difficilement. ! Les professionnels du Pineau ont engagé des démarches auprès de l’OIV et du ministère de l’Agriculture pour essayer de faire réévaluer le seuil de cuivre dans les vins de liqueurs à un niveau équivalent ou voire légèrement supérieur à celui de l’eau. Le dialogue commence juste à s’engager et les premiers contacts nous laissent à penser que revenir à un seuil de 2 mg/l (ou peut-être légèrement supérieur) ne paraît pas impossible d’ici quelques années. »

Bibliographie :
– M. Sébastien Archambaud, le technicien du Syndicat des producteurs de Pineau des Charentes.
– Mme Claudie Roulland, de la Station Viticole du BNIC.
– M. Christian Guérin, de la société H. Mounier.
– M. Philippe Guérin, de la Sica de Puy-Gaudin.
– M. François Mornet, du Laboratoire Mornet Œnologie.

 

 

 

 

 Ne plus traiter la zone fructifère à partir du 20 juillet, ça marche !
Philippe Guérin, de par son double statut de viticulteur fortement investi dans le Pineau et d’acteur important au sein de la Sica de Puy-Gaudin, s’intéresse fortement au dossier cuivre. L’élément déclencheur autour de ce sujet a été l’attitude de certains responsables qualité de la grande distribution en France. Depuis maintenant quelques années, les responsables de la Sica de Puy-Gaudin étaient fréquemment questionnés sur les aspects cuivre dans les Pineaux. La raison en est simple, ce composé fait partie de la famille des métaux lourds et comme les seuils observés dans les qualités commerciales étaient bien supérieurs à la recommandation de 1 mg/l de l’OIV, ce niveau s’est transformé en mesure de précaution. Pour faire face à cette situation, les responsables de l’entreprise ont décidé de jouer la carte de la transparence et Ph. Guérin considère que cela a porté ses fruits : « Il nous a semblé indispensable d’aborder la problématique cuivre avec les acheteurs de la grande distribution en pleine transparence. Notre souhait était d’éviter la systématisation du traitement au ferro-cyanure car cette intervention œnologique corrective ne se justifie pas sur le plan qualitatif. L’élimination du cuivre s’accompagnera obligatoirement d’une perte de structure aromatique et cela allait à l’encontre de nos souhaits. Les conclusions des travaux de la Station Viticole nous ont permis d’alimenter la réflexion technique de façon sérieuse. La remise en cause des pratiques de protection du vignoble en fin de saison a permis de réduire les teneurs en cuivre dans les moûts sans que l’état sanitaire de la végétation ne s’en trouve affecté. On a exposé les acquis scientifiques et notre nouvelle stratégie de travail au vignoble aux responsables qualité et très rapidement un dialogue constructif s’est instauré. Il a été possible de trouver un juste équilibre au niveau des teneurs en cuivre qui permette à la fois de sécurise les acteurs de la GD et ne pose pas de problème sur nos vignobles. » La situation des vignes de Ph. Guérin à Chenac, à proximité de l’estuaire avec souvent en août et septembre des brumes matinales importantes, confère à cette zone une forte sensibilité au mildiou de fin de saison. A partir des 15-20 juillet, la pulvérisation des produits à base de cuivre n’est plus effectuée au niveau des grappes pour ne pas localiser de matière active au cœur des raisins et sur les pellicules. Les diffuseurs assurant la pulvérisation en face les grappes sont fermés, ce qui entraîne une diminution des doses hectare appliquées d’environ 30 %. Cela fait trois campagnes que Ph. Guérin travaille de cette manière et le mildiou 2007 et 2008 a été bien contrôlé. Un à deux mois après le mutage, la réalisation de dosages de cuivre confirme le bien-fondé de la stratégie de pulvérisation localisée. Les propos du viticulteur sur ce sujet attestent de l’importance des conditions climatiques de fin de saison : « Depuis trois ans, les teneurs en cuivre des Pineaux rosés sont systématiquement en dessous 1 mg/l. Celles des blancs sont soumises à des effets associés de pression mildiou et de climat de fin de saison (entraînant ou pas un phénomène de lessivage). En 2006, malgré des traitements assez tardifs, l’ensemble de la production de blanc se situait entre 1 et 1,5 mg/l. En 2007, la forte pression du mildiou toute l’année et une arrière-saison sèche ont favorisé une légère augmentation des concentrations qui se situaient autour de 2,5 mg/l. Par contre en 2008, avec une pression de mildiou aussi forte mais des pluies plus fréquentes en septembre-octobre, les teneurs en cuivre ne dépassaient pas 1,5 à 2 mg/l. Si la pulvérisation avait été maintenue sur toute la zone fructifère lors des millésimes 2007 et 2008, les teneurs en cuivre auraient été beaucoup plus élevées. L’adaptation des pratiques au vignoble doit permettre de réduire les teneurs en cuivre des moûts à moins de 3 mg/l ; mais les années à très fortes pressions de mildiou, arriver à des concentrations de moins de 2 mg/l me paraît plus dificile. »

 

Limiter les apports de cuivre au vignoble renforce le caractère naturel des Pineaux
guerin.jpgChristian Guérin, le maître de chais d’Unicoop et de la société H. Mounier, porte une attention de plus en plus grande aux teneurs en cuivre dans les Pineaux de la coopérative UNICOOP. Les déviations qualitatives liées à des excès de cuivre sont devenues rarissimes avec l’évolution des équipements vinaires. Le défaut caractéristique de dureté et de saveur métallique n’est perceptible que lorsque les niveaux de concentration dépassent très nettement 5 mg/l. Les aspects réglementaires, notamment à l’exportation dans un pays comme le Canada, sont pris en compte par la société H. Mounier. La commercialisation du Pineau des Charentes sur ce marché ne peut être envisagée que si les teneurs en cuivre imposées par l’administration canadienne sont scrupuleusement respectées. Les fabrications et les stocks importants détenus par la coopérative font l’objet d’un suivi très précis des teneurs en cuivre et les résultats confirment une présence supérieure dans les Pineaux blancs avec des écarts importants selon les lots et les années. Le souhait de Ch. Guérin est de travailler de manière préventive pour minimiser au maximum les apports. Il souhaite sensibiliser les fournisseurs de moûts et de Pineaux à ce problème : « Les résultats des analyses des teneurs en cuivre du stock de Pineau de l’entreprise nous permettent d’élaborer des assemblages spécifiques pour satisfaire les attentes du marché canadien. La possibilité de pratiquer un traitement curatif existe toujours mais je pense que le véritable challenge se situe dans les démarches préventives. Eviter l’enrichissement excessif des moûts en cuivre est à mon sens le mode de traitement le plus efficace. Ce discours ne se veut pas intransigeant car je suis tout à fait conscient que dans le contexte d’années à très fortes pressions de mildiou comme 2007 et 2008, la poursuite de traitements cupriques tout au long de l’été est indispensable. Néanmoins, les conclusions des essais de la Station Viticole et de la Chambre d’agriculture de la Charente mettent en évidence qu’en apportant des doses réduites de cuivre au-dessus la zone fructifère à partir du stade fermeture de la grappe, il est à la fois possible de bien maîtriser le mildiou et de réduire d’environ 50 % les apports de cuivre dans les moûts. Cette stratégie n’est peut-être pas encore bien connue des viticulteurs et nous incitons les adhérents à l’appliquer car son intérêt est double : la réduction de l’utilisation des intrants et le respect du caractère naturel des Pineaux. »

Du Métirame de Zinc à la place du cuivre en fin de saison
Envisager une démarche d’élaboration de Pineau en limitant les migrations de cuivre est un challenge qui a mobilisé l’énergie de Jean-François Bertrand, viticulteur à Chevanceaux depuis une dizaine d’années. Ce sont bien sûr des problèmes rencontrés lors de la commercialisation qui sont à l’origine des démarches qui on,t été mises en œuvre sur cette propriété. L’élaboration de volumes de Pineau importants tous les ans nécessite la mise en place d’une organisation structurée pour maîtriser dans de bonnes conditions le vieillissement jusqu’à la commercialisation en bouteilles. J.-F. Bertrand considère qu’un producteur doit rester en permanence à l’écoute des attentes qualitatives des acheteurs et des distributeurs. Lorsque les premières remarques autour de teneurs un peu élevées en cuivre sont apparues, il a essayé d’y apporter des solutions : « Face à ce problème, on a essayé d’être au départ plus attentif vis-à-vis des risques de contaminations liés à la vaisselle vinaire. L’ensemble des accessoires de robinetterie en bronze et en laiton ont été remplacés par de l’inox. L’utilisation de raccords, de robinetterie, de corps de pompe en inox n’a pas permis de faire baisser les teneurs en cuivre dans des proportions suffisantes. Tous ces efforts ont été assez décevants et cela nous a incités à chercher quelles étaient les autres sources de contaminations de cuivre. La réponse était simple : les traitements à la vigne en fin de saison. » Cette exploitation se situe dans une zone sensible au développement de la nécrose bactérienne. La réalisation d’une protection cuprique en début et fin de saison a permis de faire disparaître cette maladie qui avait fait preuve d’une certaine virulence. Dans ce contexte, ce viticulteur n’envisageait pas d’éliminer totalement les applications de cuivre de sa stratégie de traitements. Après s’être entouré de conseils, J.-F. Bertrand a décidé d’aborder la protection du vignoble à partir de la fin juillet d’une façon différente : « Sur la propriété, cela fait presque dix ans que l’on dose systématiquement le cuivre dans les Pineaux après leur fabrication. On avait remarqué que les teneurs en cuivre variaient de manière importante selon les conditions climatiques de fin de saison. La présence d’une période pluvieuse juste avant les vendanges engendrait des concentrations faibles alors qu’à l’inverse des conditions sèches les amplifiaient. Compte tenu de la sensibilité de notre vignoble à la nécrose bactérienne, les apports de cuivre en début de saison me paraissaient incontournables. Par contre, le remplacement des produits cupriques lors des trois dernières applications d’août et de septembre s’est progressivement imposé comme une piste envisageable, car leur efficacité vis-à-vis de la nécrose bactérienne n’a jamais été réellement confirmée. On a fait un essai sur des surfaces significatives pendant plusieurs années et les résultats ont été probants : des teneurs en cuivre des Pineaux nettement plus faibles (à moins de 1 mg/l) et une pression de nécrose bactérienne et de mildiou bien maîtrisée. Cela fait maintenant cinq ans que le métirame de zinc a remplacé le cuivre en fin de saison, avec toujours le même niveau d’efficacité au vignoble et dans les Pineaux » 

 

 

 

 

 

 

 

 

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