Une chute du prix du Pineau vrac, un marché en panne de croissance, une offre supérieure à la demande…Pour 2017, le conseil d’administration du Syndicat des producteurs a voté une baisse du rendement « moût Pineau ». Une position prise pour « préserver l’équilibre » mais qui n’est pas du goût de tous. Climat éruptif à l’assemblée générale du Syndicat des producteurs, le 13 avril dernier.
Philippe Guérin, le président du Syndicat des producteurs de Pineau, l’a annoncé lors de l’assemblée générale. En mars dernier, le conseil d’administration a décidé une baisse du rendement « libre » moûts Pineau des Charentes 2017. De 73 hl vol/ha en 2016 , il passera lors de la prochaine récolte à 60 hl vol/ha. On peut penser qu’une réserve de production viendra compléter ce rendement, même si la décision n’est pas encore totalement actée puisque relevant de l’interprofession du Pineau. L’an dernier avait été déclenchée une réserve de production de 12 hl vol ha, libérable par l’interprofession au plus tard dans les 36 mois suivants (le 1er octobre 2019). Ainsi le rendement « moûts Pineau » avait-il atteint les 85 hl vol ha (73 + 12), soit le rendement butoir de l’appellation. Pour 2017, est évoqué en off un chiffre de réserve de 10 hl vol ha mais libérable à une date que le Conseil d’administration du Syndicat des producteurs souhaiterait bine plus longue.
"Préparer l’avenir"
Pourquoi une telle politique ? « Le rôle de votre Syndicat consiste à préserver l’équilibre tout en préparant l’avenir » a clairement indiqué Ph. Guérin. Et le Conseil d’administration semble avoir considéré que cet équilibre était menacé. En cela, la réunion de Pons, en décembre dernier, réunissant à huis clos producteurs et metteurs en marché joua comme un élément déclencheur. « Sur le marché libre du Pineau vrac – hors contractualisation – que constatons-nous ? Les prix décrochent. Ils ont perdu 50 € l’hl vol en l’espace de quelques mois. Par ailleurs, face à un marché du Pineau actuellement en panne de croissance, l’offre s’avère sensiblement supérieure à la demande. Nous devons ajuster la production aux besoins. »
Mais tout le monde ne partage pas cet avis. Lors de la réunion du 13 avril, salle des Abattoirs à Cognac, un groupe de viticulteurs est monté au créneau. Personne n’a eu de mal à identifier des adhérents de la coopérative Unicoop (groupe H. Mounier). Ce furent eux qui, en grande partie, portèrent la contradiction.
«Cette diminution du rendement est complémentement incohérente avec le Plan de sauvegarde de l’appellation mis en place il y a quatre ans. Vous nous avez fait planter parce qu’il manquait de Pineau et maintenant vous coupez l’herbe sous le pied à tout le monde, producteurs contractualisés comme producteurs non contractualisés. En diminuant directement le revenu viticole, vous nous envoyez au casse-pipe. C’est une politique de Gribouille ! Sans parler du mauvais signal envoyé à la distribution.»
Jean-Marie Baillif, à la tête du Syndicat des producteurs il y a quatre ans, pouvait difficilement ne pas se sentir visé. Avec Philippe Guérin, il a répondu en simultané aux viticulteurs, pour à la fois défendre le Plan et soutenir la décision prise. « En 2010, l’affectation Pineau était de 1 100 ha, en 2013 de 1 060 ha. Le stock était descendu à 330 000 hl vol contre 440 000 hl vol dix ans auparavant. Il fallait relancer la production si nous voulions pérenniser notre filière. Le Plan de sauvegarde a amplement porté ses fruits. Sur 2016 et 2017, l’affectation s’est stabilisée à 1282 ha. Parallèlement, pour dynamiser notre appellation, deux chantiers furent initiés : une montée en gamme, un développement export qui, eux-mêmes, réclamaient des volumes disponibles. Ce qui devait être fait a été fait. Maintenant il faut transformer l’essai et ça va demander du temps. Par ailleurs, si le Pineau a plein d’atouts – son terroir, son authenticité – il souffre aussi, comme les autres produits de sa catégorie, d’une baisse de ses ventes due à la crise économique. Depuis deux ans, les sorties plafonnent à 90 000 hl vol alors qu’au plus haut, en 2005, elles atteignirent jusqu’à 115 000 hl vol. »
Si Philippe Guérin, l’actuel président du syndicat, a pu laisser filtrer un doute en ce qui concerne les plantations – « Peut-être le Plan de sauvegarde fut-il un trop gros succès, on ne sait pas » – il n’a pas adhéré à l’idée selon laquelle la baisse de rendement ne serait faite que « pour sauver les prix des 20 % de viticulteurs vendant en vrac sur le marché libre. » «En agissant de la sorte, nous préservons l’ensemble des producteurs, y compris les contractualisés, y compris les contractualisés à 100 % et même les metteurs en marché bouteilles. Qui peut croire que la baisse des prix n’affecterait pas tout le monde à terme. Quand à la fixation du rendement, elle est régionale, elle n’est pas par exploitation.»
Grogne du côté du groupe de viticulteurs déjà cité – « Cette année, vous allez quand même réviser le rendement de presque un quart. » Réaction à vif de J.M Baillif, président du Comité interprofessionnel du Pineau des Charentes – « Pour moi, 40 hl vol ha de produit fini à 250 € ou 35 hl l’ha à 300 € de façon durable, il n’y a pas photo !» et de poursuivre – « Est-ce que 42 hl vol ha – rendement butoir du Pineau produit fini – est un objectif pour l’appellation ? Pour mmoi, l’optimum serait plus un rendement autour de 35 / 36 hl vol ha, assorti d’une rémunération correcte, permettant de faire vivre nos exploitations. »
Jean-Marie Baillif a pris à témoin la société H. Mounier et ses livreurs présents – « faire des marges en augmentant le prix à la commercialisation, d’accord, mais les réaliser en diminuant le prix d’approvisionnement, c’est une manière d’aller chercher les marges que la filière désapprouve. »
Dans la salle, une viticultrice (Sophie Brard-Blanchard) a posé la question du manque de disponibilité de la marchandise – « Quand, en juin 2016, nous avons affecté nos ha moûts Pineau 2017, nous l’avons fait sur la base de 73 hl vol ha. Et, tout d’un coup, nous voilà plafonné à 60 hl ha. Comment fait-on quand on a des marchés en face ? Une différence de 10 hl vol, ce sont 1 200 bouteilles. Ce n’est pas rien pour un vendeur direct. »
Si Philippe Guérin comme J.M Baillif ont fait remarquer à la jeune femme que l’effet de la baisse de rendement ne se ferait sentir qu’en 2019 et que, par ailleurs, ce n’était pas de gaieté de cœur que le Syndicat avait retenu un rendement de 60 hl, ils ont néanmoins admis la difficulté. « Peut-être qu’à l’image du Cognac, faudra-t-il réfléchir dans les années à venir à un rendement plus long. Clairement, ce n’est pas idéal de connaître des fluctuations importantes d’une année à l’autre. Pour autant, nous devrons garder la maîtrise du rendement. Car, ce qui compte, c’est la construction de valeur.»
Donnons de la valeur au produit
« Il faut adapter le produit à la demande mais pas forcément vendre moins cher. Regardons l’exemple des Rivesaltes et autres vins du Roussillon. A 4 € la bouteille, ils ont perdu les deux-tiers de leur potentiel en vingt ans. Aujourd’hui, les appellations refont surface avec des produits vieux, vendus 10 ou 12 € la bouteille. Autre exemple, le Rosé Pamplemousse. A 1,50 / 1,80 € la bouteille, l’apéritif est passé de mode. Donnons de la valeur à notre produit, le Pineau des Charentes. »
Dans un contexte de rendement haussier du Cognac, l’annonce de la baisse du rendement Pineau a dépassé les frontières du Vin de liqueur. Au sein de la région, il a fait l’effet « d’un pavé jeté dans la mare ». Parmi les édiles du Cognac, certains ne sont pas loin d’y voir une rupture avec un dogme bien établi : alimenter les besoins du commerce. « Comment peut-on se départir d’une telle approche ? Voyez le Cognac. Sa réussite, il la doit aussi à une politique constante depuis près de quinze ans : approvisionner le négoce, y compris lors de périodes plus compliquées. Après avoir semblé allez dans ce sens avec son Plan de sauvegarde, le Pineau fait maintenant machine arrière. C’est illogique et contre-productif. Pour le Pineau mais aussi pour le Cognac. Car un climat déprimé dans certains crus rejaillirait immanquablement sur le climat régional et donc sur la vision à la hausse du Cognac. »
Le Syndicat des producteurs de Pineau revendique pour sa part une autre analyse. Une position qu’a exprimée son président, Philippe Guérin. « Pour nous, la recherche de l’équilibre de marché reste une vertu cardinale. Si le marché libre explose, il faut être capable de réinjecter de la marchandise. Mais si le marché libre, comme aujourd’hui, décroche, nous devons rééquilibrer les choses. Le marché du Cognac est un marché à l’exportation, un marché de marque. Je souhaiterais qu’il en soit de même pour le Pineau mais, vous l’avez compris, il reste encore un peu de travail à faire et même beaucoup. Globalement, nous sommes plus fragiles que le Cognac et, dans ce genre de situation, nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre. » Dit autrement, le Pineau des Charentes
n’a pas envie d’être le laboratoire du modèle Cognac.
Jean-François Bertrand * :
« Je suis un fervent défenseur de la baisse du rendement »
Le producteur et metteur en marché de Chevanceau, largement investi dans la filière Pineau, défend avec vigueur la restriction du rendement 2017. Comme à son habitude, il assume ses propos.
« Je suis un fervent défenseur de la baisse du rendement. Quant à une possible réserve de production, le Conseil d’administration du Syndicat – dont je fais partie – ne donnera son aval que si elle s’assortit d’une durée longue. Aujourd’hui, face à des gens qui font n’importe quoi, le marché doit être rééquilibré. On ne peut pas laisser acheter du Pineau vrac « à pas cher », juste pour que la grande distribution encaisse plus de marge. A meilleure preuve, avez-vous vu le Prix du Pineau baisser sur les linéaires ces derniers temps ? Non, le prix psychologique est demeuré le même. Simplement, ce qui a été « gagné » est allé directement dans la poche du distributeur.
On nous dit que « baisser les volumes est embêtant pour les stocks ? » C’est un faux problème. Nous avons des stocks suffisants et même s’ils baissaient un peu, serait-ce si grave ? Quand les prix baissent, c’est la valeur de nos stocks qui fond. On ne vit pas avec des hl, on vit avec des euros. Nous avons besoin d’un chiffre d’affaires ha pour pérenniser nos entreprises. Personnellement, je préfère bien vivre avec 60 hl ha que mal vivre avec 80.
Aujourd’hui, le marché le prouve. Se vend-il plus de Pineau parce que le prix du Pineau vrac a diminué ? Non. Je le répète, nous devons impérativement rééquilibrer l’offre et la demande. Très sincèrement, il faut amener ces gens qui décident de faire chuter les prix à réfléchir aux conséquences de leurs actes. Il convient de taper là où ça fait mal, pour éviter de voir s’écrouler le marché du Pineau. Ces opérateurs font un pari ! Diminuer artificiellement les prix, pour prendre des parts de marché aux autres opérateurs et ensuite se rattraper sur le prix du Pineau vrac pour gagner de l’argent. Ceci dit, ils ont trouvé des interlocuteurs dans la grande distribution. Pour faire un deal, il faut être deux.
On nous parle de construire une filière, on nous entretient de « commerce équitable ». Et que fait-on ? On est en train de démolir une filière qui investit. C’est bien dommage d’en arriver là. Car il a quelque chose à faire avec le Pineau des Charentes mais dans un climat de sérénité ; pas n’importe comment, à la hausse comme à la baisse. Car les mêmes qui paient aujourd’hui le Pineau 250 hl l’hl vol l’achetaient 350 € il y a deux ans et demi. A nous de contrer ces mauvaises pratiques. Le vote du rendement relève de la responsabilité du Conseil d’administration et, comme administrateur, je suis déterminé à aller au bout de notre décision, y compris pour la durée de la réserve de production. A défaut, je n’irai pas investir sur un dossier export pour me faire étriller sur le marché français.
J’entends des critiques sur le Plan de sauvegarde et l’allocation des 400 ha de droits nouveaux. Déclenché dans une période de tension, il a permis de stabiliser la production, de se projeter sur de nouvelles perspectives de marchés. Clairement, ces surfaces ont apporté une bouffée d’oxygène. Ce n’est pas parce que nous avons planté que maintenant il faut produire bêtement.
Qu’est ce qu’un chiffre d’affaires ? Une quantité multipliée par un prix unitaire. Si produire de gros volumes représentait vraiment la panacée, ça se saurait. Personnellement, je préfère un prix unitaire plutôt à la hausse et mieux gérer mes quantités. Je pense que c’est plus facile. »
* Avec trois autres associés – Domaine de la Ville, Jean-Luc Bossis, Scea Doussoux-Baillif – la Sarl Bertrand a fondé en 2014 la structure AVP Covitis, site d’embouteillage ainsi que structure commerciale, vrac et bouteille.
Le cocktail Pineau des Charentes, ça vous tente ?
Le cocktail, une vraie vague, pas un clapotis. Pour rafraîchir sa consommation, le Pineau souhaite surfer sur la tendance. Travaux d’été présenté par Claire Floch, directrice du Comité.
«Pas mieux, pas moins bien, pas pareil ». Venue présenter aux producteurs les outils de la communication 2017, Claire Floch, directrice du Comité national interprofessionnel du Pineau des Charentes, a tout naturellement débuté son intervention par le cocktail Pineau des Charentes, une initiative lancée en 2016 mais qui prend toute sa dimension cette année. Le comité a demandé à un « chouette bar parisien », le Gravity bar, dans le 10 ème arrondissement, de lui concocter un « cocktail signature ». Le brief ? Pas de matériel spécifique genre shaker, passoire etc, peu d’ingrédients et surtout des ingrédients non saisonniers. Partant de là, le mixologue a décliné un cocktail rafraîchissant et goûteux :
– 6 cl de Pineau des Charentes Blanc
– 3 cl de Vin blanc sec (Charentais de préférence, pour la solidarité régionale)
– Le jus d’un quartier de citron jaune
– 1 c. à café de miel liquide
– En option 2 cl d’eau gazeuse. Côté déco, un brin de thym posé sur le verre.
Pour la version Pineau des Charentes rouge, remplacer le citron par le pamplemousse.
Dès le mois de juin, ce cocktail sera proposé tous les jeudis – « les Jeudis du Pineau » – dans 20 bars parisiens de quatre arrondissements « branchés » de la capitale, des établissements plutôt fréquentés par un public de « millennials », autour des 25 / 35 ans. Même format sur les bars et restaurants de la côte charentaise durant la saison estivale. Les « locaux » auront même le droit de composer leurs propres cocktails avec la formule « Choose me / Mix me ».
Du verbe au verre, il n’y avait que l’épaisseur du bar des Abattoirs. Germain Canto, charentais d’adoption et mixologue patenté, a préparé devant les adhérents du Syndicat le cocktail signature du Pineau des Charentes pour une mise en bouche « des producteurs aux producteurs ». En suivant, il a dévoilé une composition plus personnelle, baptisée « 100 % cooked » (40 ml de Cognac, 20 ml de Pineau des Charentes blanc, 10 ml de Triple sec, pommes / poires compotés à basse température pendant 8 h..). Une recette évidemment plus loin des attentes du Comité : facilité, simplicité…
Avec sa compagne Magali, le jeune bartender a fondé à Cognac sa société évènementielle tournée vers l’animation autour des cocktails – Konoisseur, vieux mot français faisant allusion aux épicuriens des spiritueux – après avoir fait ses armes à l’étranger.
Gelées des 27 / 28 / 29 avril
Question à Philippe Guérin, président du Syndicat des producteurs de Pineau
Les graves gelées de fin avril seraient-elle de nature à remettre en cause les décisions sur le rendement initiées par le conseil d’administration du syndicat du Pineau ? Question « à chaud » posée à Philippe Guérin, président du Syndicat des producteurs de Pineau des Charentes.
« On va certainement être amené à débattre de la situation. Ceci dit, est-ce vraiment l’année où la nature nous ravit les moyens de produire qu’il faut se battre pour un haut rendement ? L’an prochain le rendement sera très certainement relevé. Pour l’heure, je pense que le marché sera suffisamment approvisionné. Et les réserves de production 2015 et 2016 vont pouvoir remplir leur rôle. Cet épisode de gel, qui nous bouleverse tous, renforce l’idée de constitution de réserves pour nous mettre à l’abri. »
0 commentaires