Ils ont tout compris

28 juin 2009

Avec une intuition très sûre, ce couple de viticulteurs d’une soixantaine d’années a su mettre en place les outils d’un accueil « moderne », tout en restant fidèle à lui-même. Au bord du fleuve Charente, il exploite son avantage compétitif, au plus grand bonheur des touristes.

 

babinot_1_opt.jpegChez Landard, commune de Chérac, la Charente, au détour d’une courbe alanguie, vient lécher les coteaux crayeux qui dominent la vallée. A peine 50 mètres séparent l’exploitation de la rive herbeuse. Et le terrain appartient à la propriété. En 1985, quand le tourisme fluvial a commencé à prendre son essor, Christian Babinot et sa femme ont très vite compris le parti qu’ils pourraient tirer de l’accueil des croisiéristes. Pour rendre l’escale possible, ils ont installé deux pontons de 20 mètres chacun. Point d’eau, collecte des poubelles, panneau d’information, aire de repos, livraison de pain frais et de viennoiserie par la boulangère du coin une matinée sur deux sont venus compléter la liste de services. De Rochefort à Angoulême – la partie navigable du fleuve – existe quatre bases de location sur la Charente, à Saint-Savinien, Cognac, Jarnac et Sireuil. Les quatre compagnies de navigation proposent à la location 60 à 70 pénichettes. Les étrangers constituent une clientèle de choix pour ce genre de tourisme, Anglais, Allemands, Scandinaves mais aussi Italiens, Espagnols et les désormais incontournables citoyens de l’Est, Russes, Roumains, Hongrois, Tchèques. Les loueurs de bateaux fournissent à leurs clients un livre de navigation sur la Charente où figurent les endroits clés (visites, restauration, ravitaillement, shopping…). Naturellement, l’exploitation des Babinot fait partie des étapes recommandées. Sous l’apparente simplicité, Ch. Babinot avoue « travailler le contact avec les loueurs ». Il figure comme annonceur dans la revue Fluvial, dépose régulièrement ses dépliants dans les bases, a même réussi à ce qu’une petite bouteille 12 cl de Pineau Babinot serve de cadeau de bienvenue sur les pénichettes. « Un service en appelant un autre, quand un bateau rencontre un petit problème technique, je me permets de le résoudre » explique le viticulteur. Les matins d’été, les plaisanciers d’eau douce trouvent chez Christian Babinot le café chaud, le journal local et la page météo que le viticulteur aura pris soin de tirer sur internet. C’est avec ce genre d’attention que s’enrichit la relation, se densifie les contacts, se prolonge le souvenir d’un séjour réussi en terre cognaçaise. S’ils en avaient le temps, Pierrette et Christian Babinot pourraient passer un an en balade, en Australie, dans l’Oregon, à Washington, à Moscou. Ils sont invités un peu partout dans le monde par des touristes touchés par leur accueil. « Ils nous envoient des photos de leur passage » s’amuse le couple, qui souligne la convivialité de ces rencontres.

Visite de la distillerie

Le problème de la langue ? Pierrette Babinot parle un peu anglais « et autour d’un verre, tout le monde se comprend » rassure son mari. Car bien sûr, la visite de la distillerie, la découverte des produits et leurs ventes s’inscrivent au cœur du projet. Pourtant, là encore, la proposition va plus loin. Depuis dix ans, Christian Babinot a collectionné par passion un millier de sécateurs. Exposés sur les murs de la distillerie, ils sont prétexte à conversation : « qui n’a pas un jour, tenu dans sa main un sécateur ». Le village de chez Landard est charmant. Les Babinot donnent de petits tuyaux aux touristes pour partir à sa rencontre. Surtout, ils les incitent à découvrir leurs trois moulins surplombant la vallée, avec la belle vue qui s’offre du promontoire. « Nous avons quelques petites cordes à notre arc » glisse yeux rieurs Ch. Babinot. Si, depuis le 11 septembre 2001, les Américains et Canadiens ont un peu déserté les voyages au long cours, le tourisme européen à thème se porte bien et la clientèle française – 70 % des ventes de l’exploitation – connaît un renouveau par le phénomène des camping-cars. Les Babinot disposent d’une aire adaptée, présentant le même niveau de service que celle des pénichettes et suscitant le même retour clients. De ces satisfactions, le couple en connaît le prix. « Le client arrive généralement à midi trente, quand on se met à table. Nous sommes habitués. » Même chose pour le dimanche. « Voilà des années que nous nous disons que nous allons fermer le dimanche mais c’est plus fort que nous, on n’y arrive pas ! » Après 30 ans de vente directe à la propriété, le plaisir de l’accueil ne semble pas entamer. Peut-être parce qu’il a su se renouveler.

De la vendangette au sécateur à talon

Entre des ciseaux et un sécateur, quelle différence y a-t-il ? Le sécateur, comme les ciseaux, compte une lame et une contre-lame ; la lame coupe, la contre-lame ne coupe pas. Mais, en plus, le sécateur est équipé d’un ressort, ressort comtois, ressort à lames, ressort pendule. Inventé en 1815 par Bertrand de Molleville, ancien ministre de Louis XVI, le sécateur a d’emblée décuplé la force de la main, pour tailler les arbustes, tailler la vigne, couper les raisins. Longtemps façonné par les forgerons de villages, parfois marqué de poinçons, lettres, initiales, le sécateur devint un produit manufacturé à l’aube de la guerre 14-18. Il en sortait de multiples sortes des usines Peugeot, Manufrance, Thiers. Objet usuel en acier trempé, modeste et robuste, il peut se montrer impressionnant comme ce sécateur à talon, véritable hache de guerre, ou délicat tels cette vendangette ou ce sécateur de femme à manche d’os. Sa collection, Christian Babinot l’a débuté il y a une dizaine d’années, au hasard des brocantes et des vide-greniers. Le temps passant, et s’en avoir du tout l’esprit de collectionnite, il en a rassemblé près d’un millier. Le viticulteur charentais serait même, en France, le seul collectionneur adhérent d’un club (le club des collectionneurs de la ville de Cognac) spécialiste de ce type d’instrument. Car l’objet, largement collecté, se retrouve souvent perdu parmi d’autres outils agricoles anciens. Installée sur des panneaux, la collection sort deux ou trois fois par an, du moins quelques planches. Surtout, elle sert de prétexte à d’infinis échanges. Ce n’est pas là son moindre intérêt.

 

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