Bio
Ingénieur-œnologue (Enita de Bordeaux), Pierre-Luc Alla a ouvert un cabinet de conseils privé à Libourne. Pendant quinze ans, il a conseillé une vingtaine de propriétés viticoles sur les plans technique, gestion, suivi commercial. Il intervenait principalement sur les régions de Saint-Emilion, Pomerol et leurs satellites (Montagne-Saint-Emilion…). Le défi, l’envie de participer à une aventure plus collective l’a conduit à candidater au poste de directeur de Viti-Oléron. P.-L. Alla a 41 ans. Il possède une petite propriété viticole à Fronsac.
Pourquoi avoir postulé à la fonction de directeur de la cave coopérative de l’île d’Oléron ?
L’île d’Oléron est fascinante à plus d’un titre : par sa situation, sa nature, les gens qui y travaillent. J’y ai rencontré des viticulteurs motivés, qui connaissent le métier, connaissent les difficultés du milieu, ont des idées.
N’était-ce pas le cas dans votre précédente activité ?
Les Bordelais – en tout cas une frange d’entre eux – ont un rapport beaucoup plus lointain avec la viticulture, si toutefois ils descendent dans leurs vignes. Les viticulteurs charentais entretiennent une relation bien plus fine à la terre. Ce sont de vrais producteurs. Qui plus est, ils possèdent cette capacité à se créer un patrimoine, capacité qui n’existe plus vraiment à Bordeaux.
Qu’entendez-vous par là ?
Avec les vins de pays par exemple, les Charentais ont su se « jeter dans le vide », en créant de toutes pièces un nouveau marché. Entre Pays de Loire et Bordelais, ce n’était pas gagné d’avance. A un moment donné, ils se sont « ré-inventés ». Lorsque j’assiste à des réunions professionnelles, j’ai l’impression d’un milieu vivant, dynamique. On a affaire à des gens concernés. A Bordeaux, ne remonte bien souvent que l’écho des choses. Je ne suis pas sûr que les viticulteurs bordelais aient conscience d’un destin collectif. Ici, en ce qui concerne les vins de pays en tout cas, chacun sait qu’il ne pourra pas avancer sans l’autre.
Pour le conseil privé que vous étiez, n’est-ce pas un peu contre-nature de se mettre au service d’une cave coopérative ?
Je ne le pense pas. Aujourd’hui, la mutualisation des coûts me semble la seule manière de progresser. Les cabinets de conseils privés permettent déjà cette mise en commun de moyens. Mais le système coopératif va plus loin. Il répond parfaitement à la problématique métier. Dans une cave comme la nôtre, il y a un spécialiste chai, un spécialiste distillation, un spécialiste commercialisation. Pour mettre en place la démarche qualité/traçabilité, la coopérative dispose des moyens humains, financiers et, surtout, la volonté de le faire. C’est trop lourd pour un particulier.
Quels sont les chantiers qui vous attendent ?
Aller au bout de la traçabilité, sachant qu’il s’agit d’un terrain déjà très largement balisé. Ensuite, je vais travailler au développement durable dans un sens large. La coopérative a un projet de vin bio. Par ailleurs, nous allons essayer de traiter les effluents sur place. Aujourd’hui, ils sont expédiés par camions sur le continent, d’où un bilan carbone pas très satisfaisant. Le développement durable signifie aussi de pérenniser le projet Dyonis ou encore de se développer au plan commercial.
Comment ?
Nous allons lancer des cuvées premium de chardonnay, merlot, rosés. Nous voulons vraiment positionner la coopérative comme le leader incontesté de la qualité sur l’île. L’idée : non pas gagner des parts de marché en diminuant les prix mais en montant la qualité. Au niveau de la distribution, nous essaierons d’être ultra-présents chez les revendeurs de l’île.
Vous avez intégré la cave en décembre 2012. Un premier bilan après six mois ?
C’est beaucoup trop tôt. Je suis là pour écouter, essayer de comprendre le système afin de l’optimiser ; mettre le doigt sur un petit détail et faire que ça avance. C’est un travail de fond, j’ai envie de dire « un travail de l’ombre », en tout cas, pas un travail dans la lumière. Je ne suis pas venu ici pour gagner des galons. Je me sens plutôt « au service de… »
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