Pierre Joncourt : Martell a confiance en l’avenir

17 janvier 2018

La maison est optimiste et tient à le faire savoir ! Pierre Joncourt, le directeur de l’activité Cognac chez Martell a profité d’un entretien privilégié avec la presse locale pour redire sa confiante en les marchés et communiquer en toute transparence sur les stratégies commerciales de la maison. Une initiative plutôt rare dont l’objectif est de redire que les ambitions de croissance du vignoble sont bien en phase avec la réalité des marchés.

 

Pierre Joncourt : Nous souhaitons communiquer sur la situation des ventes ainsi que sur les conséquences que cela implique sur le terrain et sur notre potentiel d’approvisionnement. Nous voulons clairement établir un climat de confiance durable entre la maison Martell et ses livreurs. Car si nos ventes, comme la plupart des autres maisons, sont au beau fixe depuis plusieurs années, ce n’est pas le fait du hasard mais le résultat d’un investissement dont nous récoltons les fruits. Nous pensons que la filière pourra atteindre les objectifs de progression qu’elle se fixe à condition que les deux familles, viticulture et négoce aient un même niveau d’information sur notre économie pour faire progresser conjointement les ventes et la production.

 

LPV : Que pouvez-vous nous dire du positionnement de Martell sur les marchés ?

Pierre Joncourt : Nous avons beaucoup investi dans la catégorie Cognac ces dernières années sous l’impulsion de Philippe Guetta, désormais patron de Pernod Ricard Asie. Aujourd’hui, nous recueillons les bénéfices de nos efforts aux quatre coins du monde. Nous sommes le challenger de l’appellation, (un challenger de 300 ans tout de même), et nous l’assumons. Cela veut dire que nous représentons une véritable alternative sur les marchés. En cultivant ce concept, nous profitons à l’ensemble de la catégorie.

 

LPV : Quels sont les marchés les plus porteurs du moment ?

Pierre Joncourt : Nous profitons d’une exceptionnelle conjoncture pour le Cognac. Un alignement des planètes pour la plupart des grands marchés du globe. L’Asie et des États-Unis demeurent indiscutablement les plus porteurs du moment mais beaucoup d’autres pays émergents présentent de belles perspectives. En fait, nous profitions de la croissance mondiale du marché des spiritueux au sein duquel la catégorie premium se porte on ne peut mieux. Nous avons confiance en l’avenir parce que, selon nous, il y a encore beaucoup de choses à faire pour continuer cette progression.

 

LPV : Martell est le leader du marché en Asie (42 % de parts de marchés), comment y sont positionnés vos produits ?

Pierre Joncourt : C’est un marché historique pour notre marque sur lequel nous avons beaucoup investi, particulièrement pour y développer des produits haut de gamme. Le Noblige (équivalent VSOP), jouit aujourd’hui de la notoriété d’une icône en Chine. C’est un formidable atout pour structurer des gammes mais cette notoriété ne s’est pas construite du jour au lendemain ; je crois même savoir que son démarrage a été relativement lent. C’est la raison pour laquelle nous préparons déjà les marchés de demain. En complément de nos flux traditionnels, nous œuvrons pour installer de nouvelles habitudes de consommation et recruter des consommateurs plus jeunes. La clé est de ne jamais sous-estimer les outils et les moyens investis dans la promotion.

 

LPV : Nouvelles habitudes de consommation et nouvelles cibles ?

Pierre Joncourt : Oui, je pense en particulier au monde de la nuit et aux consommations au cours de repas. La première catégorie est primordiale car elle concerne les consommateurs de demain. Pour ce marché, nous avons, par exemple, mis au point NCF ; un Cognac type VS, non filtré à froid qui se prête parfaitement aux cocktails. Il est présenté dans un packaging innovant qui correspond au monde de la nuit. Concernant la consommation de Cognac au cours du repas, elle était jusqu’ici réservée aux occasions (repas d’affaires, mariages… etc.) et les alcools locaux comme le Baïju accompagnaient généralement les autres repas. En Asie comme en Europe, l’attrait pour la gastronomie progresse et nous en profitons pour initier les consommateurs au « food pairing » c’est-à-dire à l’art d’associer le Cognac et les mets. Ainsi, nous avons lancé des partenariats avec plusieurs chefs asiatiques dans une opération appelée « Décode de Chiefs » qui a été largement relayée par les médias sociaux.

 

LPV : La volonté de conquérir les États-Unis est assez récente pour Martell. Les Américains ont une approche de consommation du Cognac assez différente de celle des Asiatiques. Comment travaillez-vous ce marché ?

Effectivement, aux USA, le Cognac est un marqueur sociétal pour les Afro-Américains. La consommation est plus individuelle et le marché a une forte appétence pour les innovations ce qui nous impose de faire les choses différemment. Nous pensons que Martell, qui appartient au n° 2 mondial des spiritueux doit y être une alternative. Un challenger avec une approche différente et indépendante. Nous avons axé notre dernière campagne sur l’identité du « single distillery », un concept très porteur pour nos cibles. Avec ces produits, nous avons ciblé prioritairement 25/35 ans sur les États du Texas, de New York et de la Californie. Cela représente seulement 14 % de la population mais 50 % du potentiel de consommation du Cognac. Martell Blue-Swift est aussi un argument de poids dans notre gamme car il nous permet de nous placer en concurrent direct des Bourbons nos concurrents directs. Comme pour l’Asie, les succès commerciaux sont nombreux et nous pensons que cela va durer.

 

LPV : Donc, il faut accélérer la production ?

Pierre Joncourt : Il ne faut pas faire n’importe quoi bien sûr mais nous disposons de beaucoup d’indices qui nous démontrent que la tendance actuelle est solide et durable. Nous ne devons pas avoir peur de notre croissance future. Au contraire, nous devons nous doter d’un outil de production à la mesure de notre potentiel de vente. Je rappelle que toutes les prévisions de notre business plan ont été challengées haut la main. Nous sommes depuis plusieurs mois sur des progressions de ventes de l’ordre de 10 %. Qui aurait parié sur cette valeur il y a 5 ans ? Les choses vont bien pour nous et nous avons plus que jamais besoin d’avancer de façon coordonnée avec nos partenaires livreurs.

 

LPV : Certes, mais lorsque l’on échange avec vos livreurs, ils nous font remarquer que l’agrandissement du vignoble représente un risque bien plus prégnant pour la viticulture que pour le négoce puisque les contrats en vigueur ne sécurisent que partiellement les volumes et aucunement les prix.

Pierre Joncourt : Rappelons-nous d’où nous venons. Quel était le niveau de contractualisation régional en 2010 et quel est-il maintenant. Si je ne parle que de Martell, les contrats triennaux concernant aujourd’hui la totalité de nos partenaires livreurs, c’est une belle avancée en matière de sécurisation me semble-t-il ! Nous tenons à ce que la relation avec nos fournisseurs soit équilibrée. Un contrat où les prix et les volumes sont totalement figés quelle que soit l’évolution des marchés correspondrait à une intégration des fournisseurs. Nous n’irons jamais dans cette direction car ce n’est pas une bonne chose pour l’économie de la région. Je pense au contraire que la clé de l’équilibre de notre économie tient dans l’anticipation et à ce titre, le business plan est un bel outil de travail. J’entends et je comprends que chacun a besoin de garde-fous dans cette économie incertaine, c’est pourquoi je pense que nous devons travailler collectivement pour encore rationaliser la formule de calcul et fournir de nouveaux éléments de réassurance dans nos conclusions.

 

LPV : Vous nous parlez beaucoup de plantations mais ce n’est pas vraiment le sujet du moment. La période est plutôt aux achats d’eaux-de-vie. Votre message optimiste ne vise-t-il pas aussi à capter des volumes après cette récolte déficitaire ?

Pierre Joncourt : Nous n’avons pas de problème de sourcing immédiat, heureusement, car un approvisionnement se construit sur le long terme. Mais il est vrai, compte tenu de nos succès, que nous sommes prêts à renforcer nos partenariats amont en contractualisant par exemple tous les volumes issus des superficies nouvelles chez nos livreurs.

 

LPV : Et pour les autres volumes ?

Pierre Joncourt : Nous sommes à l’écoute du marché et des évolutions sur le terrain. Je ne vais pas nous mentir, si des opportunités se présentent, nous serons au rendez-vous. 


 

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