Les lieux y sont-ils pour quelque chose ? Ces chais Monnet, beau vaisseau de pierre au cœur de la ville, présentent un caractère envoûtant. Et que dire de la remontée, magique, du chai d’assemblage, dit « chai cathédrale », par un long escalier de bois plongé dans la pénombre. Au sortir des ténèbres jaillit la lumière de la cour intérieure, celle du « comptoir » et de ses murs d’un blanc crayeux. Contraste saisissant, véritable émotion de découvrir ces lieux inchangés depuis plus de 200 ans. On croirait encore entendre le roulement des barriques sur le quai de déchargement, la musique entêtante du marteau des tonneliers. C’est ce décor intemporel – digne du CinémaScope quand les dernières lueurs du soleil embrasent le ciel – que la « Part des Anges » avait choisi d’investir le 16 septembre 2010. On imagine la somme de travail qu’il a fallu déployer pour rendre ces lieux « habitables » le temps d’une soirée. Sous la houlette de l’interprofession du Cognac et de l’agence Parlons de vous, spécialisée dans l’événementiel en Charente, pas moins de 18 prestataires sont intervenus. Tandis que le chef Ludovic Merle – restaurant le Château à Jarnac – animait de concert deux cuisines à chaque bout de l’immense chai de réception, un énorme groupe électrogène tournait en contrebas. Le service – impeccable – fut assuré par une centaine de jeunes des écoles hôtelières. Il faut dire que l’accueil de 650 personnes justifiait amplement cette mobilisation de moyens. L’an dernier, l’événement avait rassemblé 400 personnes. La jauge a explosé en 2010. « Nous avions prévu 600 personnes et nous avons fini à 650 » explique Marie-Véronique Chalas, « chief executive » de l’événement aux côtés de Jérôme Durand, directeur du département Marketing & Communication du BNIC. Ce véritable succès a été remporté « sans tambour ni trompette ». « Au mois de mai, nous étions complet, sans avoir jamais fait de communication. L’information a circulé par la bande » indique
M.-V. Chalas. Au total, 53 tables furent réservées. Beaucoup de maisons de négoce avaient retenu la leur, voire deux ou trois, mais toute la filière était également présente, tonneliers, entreprises du packaging, cabinets comptables, comme si la Part des Anges était devenue « le lieu où il faut être vu », le meilleur endroit pour faire des R.P., des « relations publiques ». En général, c’est un bon signe pour l’événement en question.
des dons en hausse
100 € HT acquitté par chaque convive. Car hormis une centaine d’invités, tout le monde a versé sa manne financière, y compris les professionnels membres du BNIC ou des syndicats viticoles.
A Cognac une tradition perdure, celle de « l’économie » – dans le sens de la gestion de la rareté – des chefs de maisons. Autant ils s’avèrent très présents dans leurs propres maisons (et ultra-communicants à l’extérieur), autant ils se font discrets pour ne pas dire absents des cercles professionnels régionaux. Leur position favorite ! Celle de la réserve, en arrière-plan. D’où le caractère un peu exceptionnel de la Part des Anges 2010 qui a réussi la petite performance de réunir en un même lieu et sous la bannière collective interprofessionnelle tous les chefs de maison ou presque : Bernard Peillon (Hennessy), Jean-Marc Morel (Martell), Patrick Piana (Rémy Martin)… Une quasi première dans le petit monde très codé du Cognac. La meilleure santé du Cognac facilite sans doute cette ouverture, comme une édition 2009 très réussie de la Part des Anges (sur les pelouses du château de Bourg-Charente, appartenant à Marnier-Lapostolle). Et puis, en cinq ans d’existence, le rendez-vous a acquis une cote de confiance pour sa capacité d’organisation. Mais Nicholas Faith, auteur de livres sur le Cognac (et récompensé à ce titre d’un Cognac Award) va plus loin. Il évoque la naissance d’une « communauté du Cognac », communauté d’intérêts bien sûr mais communauté humaine aussi. Et après tout, pourquoi n’aurait-il pas raison.