Un nouveau sinistre de grême « ravageur » dans tout le vignoble : 12000 à 15000 Ha touchés

20 juin 2018

Le 20 mai dernier, toutes les vignes de la région de Cognac portaient encore un potentiel de production généreux qui « faisait plaisir à voir ». Les efforts intenses des viticulteurs depuis quelques années semblaient récompensés après plusieurs millésimes « de vaches maigres » suite au gel de 2017 et aux grêles de 2014 et 2016. Malheureusement, deux orages « maléfiques » sont venus anéantir le potentiel de production de 10 000 à 15 000 ha. Le vignoble de Cognac a été littéralement « transpercé » par un nouvel épisode de grêle d’une intensité rare. Des grêlons énormes ont « cassé » le moral de plusieurs centaines de familles de viticulteurs et fragilisé l’économie de leurs propriétés

 

 

 

Le 26 mai 2018 restera gravé dans la mémoire de beaucoup de viticulteurs qui ont vu « déboulé » des orages d’une intensité rare au cœur de l’après-midi. 6 000 à 8 000 ha dans le Bordelais et 10 000, 12 000 à 15000 ha à Cognac ont été très touchés en moins de 10 minutes. Les grêlons denses et surtout d’une taille inhabituelle ont anéanti le potentiel de production de nombreuses propriétés de Gironde, de Charente maritime et de Charente. L’intensité de ce nouveau sinistre va affecter durablement l’économie de beaucoup d’exploitations surtout quand celles-ci avaient déjà subi du gel en 2017, en 2016 ou de la grêle en 2014, 2015, 2 016. Les hommes et les femmes de l’univers viticole vivent cette nouvelle épreuve avec un courage exceptionnel. Aussitôt les orages, leur désarroi était sans mesure et même les viticulteurs ayant des personnalités bien trempées semblaient être « dans un état second ». Leur attitude d’une décence rare face à des événements aussi lourds de conséquences mérite un profond respect.

 

 

 

La tenue des grappes meurtries : un sujet d’interrogation

 

           

 

L’importance des surfaces touchées à plus de 80 %, environ 4 000 ha aura forcément de fortes conséquences sur la productivité et l’économie de beaucoup de propriétés. Les retours d’expériences des sinistres de grêles antérieurs ont malheureusement révélé que les niveaux de production dans cette situation se situaient entre 0 et 3 hl d’AP/ha . Les surfaces grêlées entre 40 et 60 % qui représentent peut-être 3 000 à 4 000 ha dans la région portaient encore après le sinistre une certaine charge d’inflorescences. La très belle sortie du printemps fait que malgré, la grêle, un potentiel est encore présent. Le devenir de ces futures grappes est actuellement un sujet d’interrogation majeur. Les inflorescences indemnes de toutes blessures sont les plus rares. Par contre, celles qui sont en partie touchées sont nombreuses. Des bouquets d’inflorescences meurtris par les grêlons ont séché rapidement dans les 3 à 4 jours suivant le sinistre. Ensuite, la charpente de certaines inflorescences a été souvent marquée par des impacts de grêlons et ces blessures auront probablement des conséquences sur la circulation de la sève et l’alimentation des jeunes grappes. Parfois des ailes de grappes ont aussi entièrement disparu. Les retours d’expériences des millésimes 2 014 et 2 016 dans des vignes grêlées à 50 % sont plutôt positifs. Ils laissent espérer des niveaux de rendements pouvant aller de 5 à 8 hl d’AP/ha si la climatologie est favorable.

 

 

 

La reprise de végétation est pénalisée par les conditions climatiques

 

           

 

On sait aussi que l’ugni blanc possède un pouvoir de compensation important à la suite de sinistres de grêle qui interviennent plusieurs semaines avant la floraison. Néanmoins, cette capacité à « pousser » le développement des grappes restantes est très dépendante de la climatologie juste avant et pendant la floraison. Des périodes de beau temps sont en mesure de stimuler l’activité des souches. Or, le climat extrêmement pluvieux entre le 26 mai et 8 juin renforce les craintes sur la tenue du potentiel de production restant sur les souches. L’abondance des pluies (de 80 à 150 mm selon les zones) conjuguées à des niveaux de températures bas pour la saison n’ont pas réellement stimulés la reprise du cycle végétatif. Les îlots totalement détruits n’ont pas bougé et les parcelles partiellement touchées ne repartent que lentement. Bref ce contexte climatique rend incertain la tenue et le devenir du potentiel de grappes « meurtries » dont la floraison commence ou est imminente au 8 juin.

 

 

 

           

 

            Le mildiou « pointe son nez » après les pluies très abondantes

 

           

 

L’autre sujet d’inquiétude est le mildiou dont la virulence a été stimulée par l’abondance des pluies de la deuxième quinzaine de mai. L’expression d’un risque mildiou fort juste avant la floraison représente toujours une situation préoccupante car les inflorescences à ce stade sont très sensibles. L’apparition des premières sorties importantes a été identifiée à partir du 4 juin dans toutes les zones de la région délimitée dont la couverture a été « limite » entre le 26 mai et le 1er juin. Le nombre de tâches foliaires, la présence de fructifications abondantes et aussi de sorties sur des inflorescences attestent de la virulence du champignon. Toute faille dans les cadences de traitements est désormais une cause immédiate de nouvelles contaminations. L’accès aux parcelles est aussi très problématique dans les secteurs ou les précipitations ont été très abondantes (40 à 70 mm de pluie en quelques heures). La portance des sols est aussi beaucoup moins bonne Dans les propriétés qui se sont remises à cultiver mécaniquement toutes les allées, le renouvellement des traitements s’annonce dans les jours à venir.

 

 

 

Des premiers grêlons « gros » comme un poignet

 

           

 

Le scénario catastrophe qui s’est produit le 26 mai entre 14 h 30 et 16 heures a réduit parfois à néant l’espoir de centaines de propriétés d’avoir une récolte 2 018 normale. Les nombreux témoignages de cette séquence orageuse expriment d’une part la violence de cette grêle et d’autre part, le traumatisme moral des viticulteurs. Les mots simples et très éloquents d’un père et de son fils qui ont vécu  ce spectacle de désolation sous leur hangar ne peuvent pas laisser indifférents : « Le bruit de la grêle était affolant. Au début des grêlons gros comme le poignet ont commencé à tomber pendant une à deux minuites. On était stupéfait par la taille des projectiles. Puis très vite, un mur de grêlons de la taille d’une balle de ping-pong est tombé avec une densité impressionnante. Ils arrivaient au sol avec beaucoup de vitesse et étaient souvent projetés. Le vent fort a amplifié les choses. On regardait tout cela de façon hébétée ! Le temps nous paraissait long, presque interminable ! Ce mur de blanc n’a duré que 7 à 10 minutes. Quand cela s’est arrêté, on osait à peine regarder autour de nous. La terre entièrement blanche était recouverte de grêlons ovales, très anguleux avec de nombreux ergots. Nos vignes avaient perdu leur bel aspect et depuis j’avoue avoir beaucoup de peine à reprendre le boulot ».

 

 

 

Les éléments clés de la grêle du 26 mai dernier :

 

 

 

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    • Deux orages distincts, l’un ayant sévi des rives du sud Médoc au nord de Matha et l’autre d’Angoulême à Rouillac

    • 10 000 , 12 000 et peut être 15000 ha de grêlés dont 4 000 ha touchés à plus de 80 %

    • 3000 à 4000 ha touchés à moins de 30 à 40% dont le potentiel de production sera le moins affecté

    •  3000 à 4000 ha touchés entre 40 et 60 % dont la tenue des grappes sera très dépendante du climat des trois premières semaines de juin

    • Un front de grêle d’une largeur de 10 à 20 km selon les zones avec des grêlons de grosses taille (balle de ping-pong) au cœur des zones sinistrées

    • Le premier orage qui s’est formé entre Biscarosse et Arcachon se déplaçait à une vitesse de 40 à 50 km/h.

    • Le second orage qui s’est formé à l’est de Mont-de-Marsan se déplaçait à une vitesse de 90 à 100 km/h avec de fortes turbulences

    • Le réseau de diffuseurs d’iodure d’argent a bien fonctionné

    • L’absence de lutte préventive sur 60 à 100 km des itinéraires des orages explique l’intensité des dégâts.

       

      Une fréquence des parcelles et des îlots détruits à plus de 80 % surprenante

       

                  De jour en jour, l’analyse de la situation des surfaces touchées par la grêle du 26 mai s’affine et les chiffres ont de quoi à faire peur ! La largeur du sinistre de 10 à 20 km de large et surtout leur itinéraire à partir des deux cellules distinctes qui ont parcouru environ 150 km chacune ne peuvent qu’interpeller. Les prévisionnistes météo avaient bien anticipé le risque orageux mais personne ne s’attendait à un sinistre d’une telle ampleur. Les toutes premières interrogations des viticulteurs les plus touchés concernent le réseau de lutte préventif et la puissance des orages depuis maintenant une dizaine d’années. La fréquence des parcelles et des grands îlots détruits à plus de 80 % sur tout l’axe de déplacement des Orages à Saint Christoly de Blaye, à Marcillac, à Boisredon, à St Simon de Bordes, à Marignac, à Montils, à Chérac, à Burie, à Migrons, à Aumagne, ….. a marqué les esprits mais c’était aussi le cas en 2009, 2012, 2015, 2 015 et 2 012. Indéniablement, la puissance des événements orageux a franchi un cap depuis 15 ans.

       

       « Un seul sinistre entre 1960 et 2008 et depuis 2009, trois grêles majeures »

       

                   Le témoignage d’un viticulteur du Rouillacais après avoir consulté les archives de la propriété familiale depuis le début des années soixante vient cautionner cet état de fait : « Entre 1960 et 2008, les archives de la propriété tenues avec rigueur par mon père et mon grand-père, ne révèlent aucuns dégâts de grêle sauf une année en 1967 à la fin du mois de juillet. Certes, en été, des orages fréquents se produisaient surtout en juillet et en août mais ils apportaient seulement de l’eau. Moi, j’ai dû encaisser trois grêles majeures sur la propriété en moins de 10 ans, 2009, 2 014 et 2 018. Aussi le discours de personnes avisées sur la fréquence des orages qui ne serait pas plus importante actuellement que dans les années soixante-dix, ne me convint pas réellement. Peut-être que les orages ne sont pas plus fréquents, mais par contre, ils sont devenus beaucoup plus puissants, plus larges, très violents et interviennent maintenant dès le mois de mai. Au niveau de ma propriété, la fréquence des sinistres de grêle est devenue depuis 10 ans la première cause de perte de productivité. Je suis heureusement correctement assuré mais le déficit de production d’eaux de vie sur des millésimes proches est tout de même problématique ».

       

      44 000 ha de vignes «grêlées» entre 2000 et 2018

       

                   La succession des sinistres de grêle depuis le début des années 2000 dans la région de Cognac est une réalité impossible à nier et les conséquences sur la productivité régionale sont réelles. En 2000, un vaste secteur dont l’épicentre était le cœur de la Grande Champagne avait été touché. C’était la première fois qu’un orage avait sévit sur une surface de plus de  6000 à 8000 ha (4 000 ha détruits à plus de 80 %). Le sinistre était intervenu fin juillet avec des taux de destruction spectaculaires. Cet accident climatique avait été l’élément déclencheur de la première initiative de renforcement du réseau de lutte anti-grêle dans le département de la Charente. Ensuite en 2009, le 11 mai, une nouvelle grêle d’envergure s’était produite dans une zone vaste (5 000 à 6 000 ha) allant de Barbezieux à Rouillac et au niveau de la vallée du Né. Les dégâts très importants mais précoces avaient permis un bon redémarrage du cycle végétatif mais les parcelles touchées à plus de 70 % avaient eu un niveau de production faible. En 2011, un orage de grêle autour de Saint André de Lidon a touché fortement 2 000 ha.  Là aussi, les viticulteurs avaient été frappés par l’intensité des dégâts. En 2013, la forte tempête de fin juillet avait occasionné des dégâts de grêle diffus dans l’ensemble de la région délimitée représentant environ 1 000 ha. 2 014 ont été aussi un millésime marqué par un sinistre de grêle majeur le 8 juin qui a sévi des portes de l’estuaire à Rouillac et aussi dans le vaste secteur de Barbezieux. 8 000 ha avaient été touchés dont 4 000 ha dans des proportions très fortes. Dans les parcelles détruites à plus de 80 %, la récolte 2 015 s’en été fortement ressentie. Deux ans plus tard en 2016, quatre sinistres entre la fin mai et le 11 septembre ont ravagé 8 000 ha dont la moitié fortement. Les premiers chiffres du sinistre de 2018 laissent penser que plus de 10 000 ha sont touchés dont 35 à 40 % fortement. Le cumul des sinistres de grêles majeurs entre 2000 à 2018 a concerné une surface de 44 000 ha et cela a engendré des pertes de productivité significatives. Néanmoins, elles restent difficiles à quantifier précisément mais leur impact local est fort.

       

      Les Épisodes de grêle en Charentes depuis 2000 :

       

 

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    • Sinistre de juillet 2000 : 6000 à 8000 ha de touchés

    • Sinistre de 2009 : 5000 à 6000 ha de touchés

                     Sinistre de 2011 : 2000 ha de touchés

                     Sinistre de 2013 : 1000 ha de touchés

                     Sinistre de 2014 :  8000 ha de touchés

                       Sinistre de 2016 : 8000 ha de touchés

 

  •    – Sinistre de 2018 : 10 000 à 15 000 ha

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    220 diffuseurs étaient en fonctionnement en Charente, Charente Maritime et Gironde

     

                Le réseau préventif de lutte avec les « canons » diffusant de l’iodure d’argent a-il fonctionné normalement le 26 mai dernier. La réponse est oui ! Dès les premières de la matinée, l’ensemble des opérateurs (des agriculteurs et des viticulteurs bénévoles) chargés de mettre en route les générateurs ont été informés qu’il fallait déclencher la lutte. Les retours d’informations après le sinistre des trois syndicats de lutte départementaux, les Silfa de Gironde, de Charente et de Charente Maritime confirment que le dispositif de lutte était bien opérationnel. Les canons ont été mis en route au bon moment et leur fonctionnement ne peut pas être mis en cause. Il est donc légitime de s’interroger sur l’efficacité réelle de la couverture préventive des diffuseurs (120 en Gironde, 48 en Charente et 50 en Charente Maritime) vis-à-vis de ces deux orages violents ? Le premier constat au vu de l’ampleur des surfaces grêlées dans la région est de penser qu’elle n’a pas été suffisante. On peut également se demander, quelle aurait été l’ampleur des dégâts si la protection n’avait pas fonctionné ? On ne le saura jamais ! Vue l’importance des surfaces grêlées depuis 10 ans, de plus en plus de viticulteurs ne comprennent pas pourquoi, la profession viticole Charentaise ne s’est pas impliquée dans la lutte anti-grêle ? Une réflexion commence à revenir de plus en plus souvent : « La fréquence des sinistres de grêle depuis 2009 a engendré des pertes de productions dans certaines propriétés qui sont très supérieures aux conséquences cumulées des nuisances des maladies du bois et des attaques de mildiou. La grêle est peut-être restée dans l’esprit de certains décideurs, une problématique seulement locale. Pourtant, les trois derniers sinistres de 2014, 2 016 et 2 018 ont touché 26 000 ha soit l’équivalent d’1/3 du potentiel de production régional ».

     

    La couverture préventive de la lutte anti-grêle n’a-t-elle pas été déficiente ?

     

                L’épisode de grêle pose la question du dimensionnement de la couverture de diffuseurs pour être en mesure de prévenir les ravages de cellules orageuses aussi puissantes. La densité de canons à iodure d’argent bien qu’elle ait été renforcée ces dernières années n’est apparemment pas encore suffisante. N’y a-t-il pas « des trous dans la raquette » pour que les orages engendrent de telles nuisances. L’efficacité du réseau de lutte piloté par l’Anelfa (1) devient forcément un sujet sensible qui déçoit les viticulteurs sinistrés et en interpellent beaucoup d’autres. Les experts de l’Anelfa ne cherchent pas éluder les questions sur l’efficacité du réseau de lutte. Me Claude Berthet, la directrice de l’Anelfa et l’expert scientifique des tornades et de la grêle, Jean Dessens, un physicien des nuages sont venus à Cognac aussitôt le sinistre pour présenter leur analyse de la situation. Leurs conclusions sont à la fois intéressantes, réalistes et aussi inquiétantes.

     

    Deux orages  qui  ont eu des origines et des itinéraires très différents

     

                D’où viennent les cellules orageuses du 26 mai dernier ? C Berthet et J Dessens apportent des éléments de réponses scientifiques cohérents : « Il s’est formé deux orages distincts qui ont eu deux itinéraires longs sur des zones géographiques différentes. Le premier s’est formé vers 13 à 14 heures entre Biscarosse et Arcachon et est arrivé sur le vignoble des Graves à Pessac Léognan ; a traversé Bordeaux, puis le sud du Médoc, Bruges, Blanquefort, Macau et franchi l’estuaire au niveau du bec d’Ambés. Sa progression s’effectuait à une vitesse de 40 à 50 km/h. Ensuite, il a poursuivi sa progression dans tout le Blayais, puis vers Jonzac, Pons, Montils, Burie et le Pays bas. Le second s’est formé vers 14 heures dans les Landes à l’est de Mont de Marsan et est remonté en direction de Bergerac. Ensuite, il a pris la direction d’Angoulême et a terminé sa course sur le Rouillacais. Cet orage de type Arc (Boecho) était très violent et progressait à une vitesse de 80 à 100 km/h ».

     

    Une absence partielle de la lutte qui a rendu les cellules orageuses incontrôlables

     

                Pourquoi les deux orages du 26 mai dernier ont-ils été aussi puissants ? J Dessens a fourni des explications qui plaident en faveur du renforcement de la lutte préventive : « L’orage qui arrivait d’Arcachon a été attaqué par des canons à iodure d’argent à Pessac Léognan. Ensuite, sur la ville de Bordeaux, le sud du médoc et la traversée de l’estuaire, l’absence de diffuseurs a permis à la cellule orageuse de se recharger en énergie et d’avoir un potentiel « grêle » élevé qui n’a pas pu être suffisamment endigué ensuite par la présence des diffuseurs dans le Blayais, Bourgeais et en Charente Maritime. Le deuxième orage qui est parti de l’est de Mont de Marsan a parcouru plus de 100 km avant d’être attaqué par des diffuseurs d’iodure d’argent ce qui lui a permis de développer sa puissance sans aucune contrainte. La lutte n’a commencé qu’à partir d’Angoulême ce qui explique l’intensité des vents (90 à 100 km/h) et la densité de grêlons. Lorsque l’émission de la protection préventive intervient tardivement après la formation des orages, cela nuit à l’efficacité du dispositif de lutte. C’est malheureusement ce qui s’est passé le 26 mai dernier. Dans des situations orageuses normales, l’efficacité d’un quadrillage homogène de diffuseurs d’iodure d’argent est bonne mais en présence d’orages très puissants, elle ne dépassera pas 60 % D’une manière générale, les météorologues constatent que le nombre d’événements orageux (de mai à septembre) dans la région Nouvelle Aquitaine n’est pas plus important aujourd’hui qu’il y a trente ans. Par contre, leur puissance et leur intensité sont en nettes augmentations. Cette situation est la conséquence de l’évolution climatique qui s’est accélérée depuis maintenant deux décennies ».

     

    Le renforcement du quadrillage de diffuseurs d’iodure d’argent doit être densifié !

     

                Est-il possible de rendre le réseau de diffuseurs d’iodure d’argent plus efficace ? J Dessens et C Berthet pensent que le quadrillage de la couverture préventive doit être d’une part encore renforcé et d’autre part son implantation doit être raisonnée à l’échelle de l’ensemble de la région pour maîtriser la formation des cellules orageuses dès leur formation : « Objectivement, nous sommes convaincus que les moyens de lutte mis en œuvre le 26 mai dernier par l’Anelfa en Gironde, en Charente Maritime, et en Charente ont à la fois apporté une bonne efficacité et aussi montré leurs limites. Certes, les orages ont été attaqués trop tard pour arriver à réduire à néant leur capacité de nuisance mais sans le dispositif de lutte, les dégâts auraient eu une ampleur encore plus importante. La problématique de la lutte anti-grêle est étroitement liée à la capacité à bien anticiper sa gestion au sein d’un territoire large. Vouloir protéger la zone viticole de Jonzac ou de Pons en concentrant la lutte uniquement en Charente Maritime n’est pas réaliste. L’analyse des cycles orageux des dernières années nous amène à penser qu’il faut désormais raisonner la lutte à l’échelle du territoire agricole et urbain de Gironde, Dordogne, Charente Maritime et de Gironde ».

     

    Les principes généraux de formation des orages de Grêle :

     

    Les orages en se déplaçant s’alimentent en vapeur d’eau dans la couche atmosphérique de surface située entre 0 et 1 500 M.

    – Les volumes de vapeur d’eau aspirés se transforment en glace dans les couches supérieures de l’atmosphère (entre 3000 et 7000 m) qui sont à des températures négatives.

    – La vitesse de déplacement des orages varie en général entre 30 et 60 km/h mais les cellules en arc (Boecho) animées de turbulences se déplacent entre 90 et 100 km/h.

    La présence de grains de poussière est indispensable à la réalisation du phénomène de glaciation en altitude.

    – Le délai entre le moment ou les glaçons commence à se former dans les nuages et leur chute au sol est d’environ 45 minutes à 1 heure.

    – Au moment de leur chute, les grêlons fondent progressivement et leur taille diminue

    – La vitesse de chute des grêlons est proportionnelle à leur diamètre et à leur poids :

 

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    • – Un grêlon de la taille d’une bille (0,50 g) a une vitesse de chute de 49 km/h

    • – Un grêlon de la taille d’une noix (13 g) a une vitesse de chute de 78 km/h

    • – Un grêlon de la taille d’un œuf de poule (59 g) a une vitesse de chute de 111 km/h

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      La compréhension des mécanismes de formation des orages est indispensable

       

                  Les orages se nourrissent de l’atmosphère de surface (entre 0 et 1 500 m) en absorbant de la vapeur d’eau et des poussières qui en remontant en altitude se transforment en glace dans les couches supérieures de l’atmosphère (ayant des températures négatives et situées entre 3 000 et 7 000 m). Pour qu’un grêlon se forme, la présence d’un grain de poussière est nécessaire pour enclencher le démarrage du processus de glaciation. Le principe de la lutte consiste justement  à enrichir la couche d’atmosphère basse en particules d’iodures d’argent pour favoriser la formation d’un nombre de grêlons plus nombreux mais d’une taille plus petite. En effet, comme les grêlons fondent en descendant vers le sol, plus leur taille sera petite à 6 000 m, moins ils seront dangereux pour la végétation. Le délai entre le moment ou les « glaçons » commencent à se former dans les nuages et leur chute sur le sol est d’environ 45 minutes à une heure. Aussi, les gros grêlons qui ont ravagé par exemple les vignes de Bougneau s’étaient formés une heure plutôt au niveau du Bec d’Ambès. Le diffuseur d’iodure d’argent installé dans cette commune en émettant des particules (sur 10 km2) assurera la protection des zones situées à plus de 40 km ».

       

      Seulement, une vingtaine de diffuseurs présents dans l’aire géographique sinistrée de 120 000 ha

       

                  Les itinéraires des deux récents orages ont traversé le vignoble de Cognac sur un axe sud nord qui couvre environ 90 communes (une liste pas forcément exhaustive) qui sont présentées dans les tableaux ci-joints. La superficie de cette aire géographique totale représente 120 278 ha au sein de laquelle 21 831 ha de vignes sont cultivées. La moitié de ce potentiel viticole, soit, plus de 10 000 ha a été touché par la grêle et près de 4 000 ha ont perdu plus de 80 % de leur production. 100 diffuseurs d’iodure d’argent assurent la protection du vignoble dans les deux départements dont seulement une vingtaine sont implantés dans les deux récents couloirs de grêle. Le renforcement du réseau de lutte est en train de devenir une priorité pour éviter dans l’avenir de nouvelles catastrophes d’envergure. Cependant, techniquement, c’est plus complexe à mettre en place que beaucoup d’observateurs ne l’imaginent. L’implantation d’une protection efficace sur les secteurs très touchés comme Boisredon, Fléac/Seugne, Rouffiac, Chérac, Migrons, Moulidards, Rouillac, …. va devoir mobiliser des connaissances scientifiques et des moyens financiers beaucoup plus conséquents. L’équation du dimensionnement de la lutte préventive dans les deux départements est une nouvelle fois posée ? Ce dossier est passé du stade de préoccupation marginale en moins de 5 ans à l’actualité du moment. Souhaitons que cela débouche enfin sur de vraies solutions !

       

      Un doublement des budgets des Silfa ne serait pas « un luxe » mais une priorité

       

                  Les conclusions des deux experts de l’Anelfa, C Berthet et J Dessens plaident pour la mise en place d’une lutte préventive ambitieuse contre la grêle à l’échelle d’un vaste territoire réparti dans plusieurs départements de la région, la Charente, la Charente Maritime, la Gironde, la Dordogne et peut-être le nord des Landes. Cependant, cette volonté d’implanter plusieurs dizaines de diffuseurs supplémentaires a jusqu’à présent été limitée par les moyens financiers. Le coût annuel moyen de fonctionnement d’un site de diffusion d’iodure d’argent se situe autour de 2000 €. La gestion des réseaux départementaux de lutte en Charente et en Charente Maritime est assurée des syndicats autonomes, (les Silfa) qui adhèrent à l’Anelfa. Leur financement provient à 80 % des communes (par adhésion volontaire) et à 20 % des chambres d’agriculture de Charente et de Charente Maritime. Le budget pour assurer le fonctionnement des 50 diffuseurs dans chaque département en 2018 s’élève à 110 000 €. En Gironde, le Silfa gère un parc de 120 diffuseurs financés à 80 % par le conseil départemental et à 20 % par la Fédération des Grands Vins de Bordeaux. Le projet d’installation de 50 à 80 postes de lutte supplémentaires dans le Médoc, dans le Sud Charente Maritime, à l’est de la Charente et également en Dordogne va nécessiter une nette augmentation des budgets des Silfa (plus de 200 000 €) mais ces strucutures aujourd’hui ne disposent pas d’aucune marge de manoeuvre. L’instauration d’une CVO (cotisation volontaire obligatoire) spécifique à la lutte anti-grêle d’un montant modeste de 2 à 3 €/ha à Cognac et à Bordeaux serait sans aucun doute la solution pour densifier et pérenniser le fonctionnement des réseaux de lutte. La « balle est désormais dans les mains des décideurs de nos régions !

       

      Les filets paragrêles, une technologie efficace et maîtrisée en arboriculture

       

      La mise en place de filet paragrêle représente aussi un autre moyen de lutte directe qui est utilisé avec succès en arboriculture, dans les régions productrices de raisins de table et dans le vignoble Argentin de Mendoza. Plusieurs arboriculteurs en Charente et Charente Maritime ont implanté tous leurs nouveaux vergers avec une couverture intégrale de filets paragrêles depuis 15 ans. Cette pratique de prévention du risque grêle qui s’est fortement développée en arboriculture, démontre tout son intérêt. La SCEA du Tastet qui exploite 70 ha de pommiers a pratiquement couvert l’ensemble de ses surfaces. Isabelle et Daniel Sauvaître, les propriétaires de ce verger expliquent que ce choix de mode de prévention a été motivé par l’augmentation des coûts des assurances : « Le coût d’une assurance pour un hectare de pommiers représente environ 6 à 8 % du chiffre d’affaires annuel, soit 1 500 €ha ce qui est très élevé. Ensuite, les niveaux de remboursement insuffisants set les pertes de marché engendré par les sinistres nous ont convaincus d’investir dans une couverture totale de filets paragrêle. La couverture d’un hectare revient en moyenne à 20 000 €, et la durée de vie moyenne des filets est d’environ 15 ans. En 2013 et 2014, leur bonne efficacité a été démontrée en présence d’orages de fortes intensités. L’utilisation des filets engendre des travaux supplémentaires au cours de l’année pour les ouvrir, les fermer et à partir du cap des 10 ans , des travaux d’entretien sont nécessaires. Nous considérons que l’implantation des filets paragrêle fait partie aujourd’hui de notre budget plantations».

       

      Le vignoble de Moissac protégé à 75 % de filets paragrêle de type mono rang

                  Le vignoble de raisins de table d’AOP Moissac avec plus de 500 ha de Chasselas est équipé de filets paragrêle sur 75 % de sa surface. Les vignes ne sont pas couvertes en totalité mais seules les deux faces de rang sont protégées avec des filets de type mono-rang. Il s’agit d’équipements qui ont été développés spécifiquement pour protéger des vignes palissées destinées aux raisins de table en France et aussi à des raisins de cuves en Argentine. Le vignoble de Moissac est situé dans une zone du Tarn et Garonne qui en ont été est souvent soumise à des orages a opté pour l’implantation des filets paragrêle depuis une dizaine d’années. Le Technicien du syndicat, Gilles Adgié explique que depuis 10 ans, les producteurs ont mesuré l’efficacité de ce dispositif : « Au départ, des essais de cette technique de protection ont été réalisés sur quelques hectares. Au vu des résultats, les producteurs ont pu mesurer l’efficacité de cette technique. Les grappes et les bois de taille sont parfaitement protégés à partir de la 20 mai et jusqu’à la récolte. Une hauteur de 0,80 à 1 m est couverte de chaque côté des rangs. La maille laisse passer les flux de pulvérisation et les fournisseurs proposent maintenant des dispositifs pour installer, ouvrir et remonter les filets plus facilement. D’ailleurs, les viticulteurs utilisent ces filets pour palisser les vignes et canaliser la végétation le long du palissage. Ils les remontent pour réaliser l’effeuillage mécanique au cours de l’été. En moyenne, le coût de l’installation de filets de 1 m de hauteur revient entre 6 000 à 8 000 €ha. Quant à la durée de vie des filets, les premiers qui ont été installés depuis 10 ans sont toujours en état ».

       

      Les filets paragrêle sont pour l’instant interdits par l’INAO pour la production de raisins de cuves.

       

                  L’utilisation des filets paragrêle pour la production de raisins de cuves est actuellement interdite en France par l’INAO. Néanmoins des expérimentations ont été conduites en depuis 5 à 6 ans en Bourgogne pour évaluer l’intérêt au niveau de la protection contre la grêle, les conséquences au niveau du microclimat de la végétation et des grappes (maturation, sensibilité au parasitisme), de la réalisation des traitements, et des travaux mécaniques et manuels. Le bilan de cette expérimentation sera présenté aux instances nationales de l’INAO à la fin du mois de juin. Les conclusions de ces travaux  déboucheront à terme sur une décision d’autoriser ou pas leur utilisation. En Argentine, le vignoble de Mendoza est soumis à de fréquents sinistres de grêle qui ont obligé les domaines viticoles à prévenir ce risque. en implantant Des surfaces conséquentes de vignes sont protégés avec des filets de type mono rang dont l’efficacité fait l’unanimité. Il serait intéressant de conduire des essais approfondis de filets paragrêle de type mono rang dans des vignes en Charentes qui sont vendangées mécaniquement et soumises à des contraintes d’organisation des travaux rationnelles.

       

                                                    

 

  • Bibliographie :

  • Les services de L’Anelfa de Toulouse

  • Me Claude Berther, la directrice de l’ANelfa

  • Jean Dessens, Un chercheur en physique des nuages spécialiste des tornades et des orages de grêle

  • Les Silfa de Gironde, Charente et Charente Maritime

  • La Station Viticole du BNIC

  • Les socétés Filpack et Paligrêle qui fabriquent et commercialsient des filets paragrêles

               

     

     

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     (1) : Anelfa : l’Association Nationale d’Etude et de Lutte contre les Fléaux Atmosphériques poursuit depuis plus de 60 ans deux objectifs :

 

  • développer les recherches scientifiques dans le domaine de la physique des nuages et de la modification du temps

 

  • perfectionner une méthode de traitement des orages afin de réduire les dégâts causés par la grêle.

 

  • Contact : Anelfa 52 Rue Alfred Dumeril, 31400 Toulouse, Téléphone : 05 61 52 05 65 – site : www.analfa.asso.fr

     

     

     

     

     

 

 

 

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