Patrick Raguenaud en est convaincu. Au-delà du nécessaire renouvellement du vignole actuel, le débat doit s’engager, et assez rapidement, au sujet des plantations nouvelles. Cette opinion, il la tire de sa vision de marché ainsi que des conclusions de l’étude Eurogroup. « Le Cognac arrive à un stade charnière de son développement. Un marché comme la Chine s’apprête à connaître une nouvelle dimension (arrivée des classes moyennes…). Des positions se prennent en ce moment sur les circuits de distribution, au sein des groupes. Les négociants de Cognac ont besoin de remplir les “pipelines”. S’ils ne le font pas, d’autres catégories de spiritueux s’en chargeront. D’où le besoin d’avoir de la visibilité en terme de production pour investir sur les marchés. Les scénarios étudiés par Eurogroup montrent clairement qu’il s’agit d’une tendance forte. »
Quid du mécompte des années 60-70 ? Le directeur production de Marnier-Lapostolle ne conteste pas le manque d’anticipation d’alors mais apporte un rectificatif, en forme de témoignage :
« Un jour, un négociant m’a dit que si la région n’avait pas planté, les maisons de négoce n’auraient sûrement pas tant investi en Chine. Investissements dont nous bénéficions 30 ans plus tard. La question ne risque-t-elle pas de se poser pour la Russie, l’Inde, le Brésil demain ? »
Est-ce sa formation d’ingénieur agronome ? P. Raguenaud nourrit un argumentaire technique fondé sur le potentiel du vignoble. Pour lui, il n’est pas réaliste d’envisager une moyenne pluriannuelle de plus de 12 hl AP/ha sur le vignoble, même renouvelé. Une telle productivité ne va pas dans le « sens des tendances actuelles ». « Dans tous les vignobles, dit-il, nous assistons à une inflexion de la courbe de productivité. » Il cite la diminution des intrants pour raison environnementale ; un potentiel biologique du matériel végétal sans doute arrivé à son seuil optimal et qu’il sera difficile de dépasser ; des sols viticoles peut-être fatigués. L’agrandissement de la surface par obtention de nouvelles autorisations de plantation lui semble la seule issue. « Il est illusoire de penser s’en remettre au seul potentiel des vignes existantes. » Bien sûr, il sait « qu’un tel programme ne s’impose pas et qu’il ne faut pas reproduire les erreurs du passé ». « Libérer d’un seul coup un volant de plantations nouvelles serait une grossière bévue. Il faut procéder par étape, en tirer à chaque fois le bilan. » Etablir une vraie négociation viticulture-négoce pour faire partager le constat. Et last but not least, « sans la confiance entre les deux familles, un tel accord ne pourra pas aboutir ».
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