Le site de Merpins-Bellevue qui additionne les chais. Un stock d’un million d’hl vol. pas loin de représenter 20 % des réserves régionales d’eaux-de-vie… Né avec la crise de 1929, ORECO répond aujourd’hui aux besoins de développement du Cognac. En plus d’être un magasin général, ORECO est devenu au fil du temps une solution logistique au service des opérateurs. Pour la filière Cognac, il s’agit d’un gage de souplesse et de diversification des sources d’entreposage.
A une époque pas si lointaine, ORECO renvoyait à une situation de crise. Comme gages de leurs emprunts auprès des banques, les viticulteurs stockaient leurs eaux-de-vie à ORECO. Une démarche moins volontaire que subie. Les temps ont changé. Aujourd’hui, même si la fonction « récépissé-warrant » existe toujours, elle marque le pas. Le rôle essentiel d’ORECO est désormais d’accompagner le développement volumique du Cognac. Car, face à un stock qui prend de l’embonpoint (4 millions d’hl AP en 2014), il faut bien trouver des solutions logistiques. Certes, les négociants n’ont pas lésiné sur la cons-truction de nouveaux chais et continuent d’investir. Mais les besoins sont importants – delta de 300 à 400 000 hl vol. à loger en plus tous les ans – et, surtout, les opérateurs aspirent à de la souplesse. Face à des marchés qui s’ouvrent (ou se ferment), à de toujours possibles restruc-
turations internes, à des décisions d’investissement, les maisons de négoce recherchent des stratégies de diversification des sources d’entreposage. La société ORECO répond à cette attente. « Nous sommes un amortisseur, tant en volume qu’en comptes d’âges » indique un cadre de la structure qui rajoute : « D’ailleurs, ce rôle de poumon régional des stocks a toujours fait partie de notre ADN. » Conséquence : les négociants se servent de plus en plus d’ORECO pour leurs solutions de stoc-kage. Un indicateur le prouve : jusqu’à très récemment, le stock d’ORECO progressait plus vite que le stock régional (légère inflexion en 2014).
18 % du stock régional
Avec un stock qui atteint, en 2014-2015, un million d’hl vol. (environ 700 000 hl AP), ORECO se classe au deuxième ou troisième rang des stocks les plus importants de la région délimitée. Son site de Merpins-Bellevue appartient au club très fermé des « Seveso seuil haut ». En pourcentage, ORECO pèse pour environ 18 % du stock régional. Cela en fait un acteur incontournable, un « mastodonte » disent certains. Une de ses spécialités ! Loger les « Bonnes fins » Cognac, ces eaux-de-vie justes distillées, sous contrat avec le négoce et qui feront l’objet d’une retiraison à terme. « Nos meilleurs clients sont les bouilleurs de profession, dit-on à ORECO. Avec eux nous travaillons à la semaine, un camion le mardi, un camion le vendredi, durant toute la campagne de distillation. » Mais ORECO abrite aussi des qualités vieilles, avec même une tendance à la progression de cette catégorie. En 2009, la part des eaux-de-vie de comptes 4 et supé-rieurs dans le stock d’ORECO représentait 20 % du total. Aujourd’hui, ce pourcentage affleure les 30 %. Faut-il y voir un lien de cause à effet avec la répartition actuelle des ventes de Cognac ? Sans doute en partie mais la corrélation semble moins automatique qu’il n’y paraît. La décision de stocker ou non à ORECO serait davantage l’expression de stratégies internes aux maisons et aux groupes, en fonction de l’équilibre des stocks (à la viticulture, au négoce, chez ORECO), de la réalisation des coupes, des assemblages… « Il n’y a pas deux années pareilles » dit-on.
Un cas unique
En tant qu’organisme collectif de stockage d’un spiritueux, au service de toute une filière, ORECO est un cas unique, un particularisme charentais. De par le monde, un tel système n’a pas son pareil. Même en Écosse, où il existe de grosses unités de stockage, ce sont les marques d’un même groupe qui mutualisent les structures de vieillissement, pas des sociétés différentes. A Cognac, non seulement les négociants font « chai commun » mais ils le font avec la viticulture.
Dès sa naissance en 1932 et avant même que le terme « interprofession » ait acquis une existence juridique, l’Organisation économique du Cognac (ORECO) était d’essence interprofessionnelle. D’ailleurs, il y a dix ans encore, les eaux-de-vie logées à ORECO étaient détenues à plus de 60 % par les bouilleurs de crus. En 2014-2015, la proportion s’est totalement inversée. A 79 %, le stock du Magasin général est détenu par les marchands en gros, bouilleurs de profession. Et, à eux seuls, deux maisons mobilisent sans doute pas loin de 80 % des volumes. Dans ces conditions, la « gouvernance » d’ORECO relève clairement du négoce. Elle est fixée par le comité directeur, composé d’une douzaine de personnes réunies sous la présidence de Jean-Daniel Fougère (ancien directeur financier de Martell). Jusqu’à présent, le comité directeur ne comptait que des représentants du négoce. Lors de la dernière assemblée générale du 10 décembre 2014, il vient d’intégrer deux viticulteurs. Il s’agit de François-Jérôme Prioton et de Raphaël Brisson, désignés respectivement par la Sica de Bagnolet (Hennessy) et la Sica UVPC (Martell). Satis-
faction de Daniel de Saint Ours, directeur général délégué : « Comme chacun sait, la structure s’adresse aussi bien à la viticulture qu’au négoce. Le négoce a bien compris l’intérêt de diversifier son stockage. Dans la même logique, le viticulteur qui veut s’agrandir, réaliser des investissements peut également trouver son intérêt à dispatcher le stockage. Surtout quand on considère le coût d’un chai de stockage neuf : de l’ordre d’un million d’€ pour une surface de 300 m2, dotée de tous les équipements intérieurs et périphériques, sans parler des prescriptions environnementales. »
Un outil structuré
De l’avis général, ORECO est un « bel ou-til » très bien structuré. Son management compte un directeur général délégué, un directeur administratif et financier, un directeur technique, un directeur de la gestion des stocks, un responsable des réseaux d’information… La société a su faire de la maîtrise des risques son pain quotidien (voir encadré sur la sécurité des biens par D. de Saint Ours).
Côté tarification, la grille est longue et diversifiée entre stockage des Bonnes fins, stockage en fûts neufs, en fûts roux, en barriques, en tonneaux…L’évaporation fut certainement plus élevée par le passé qu’elle ne l’est aujourd’hui. « A mon avis, elle doit être inférieure à 3 % » note un proche du secteur. Quant à la qualité du vieillissement, elle ne fait pas débat. « Sur de tels volumes, un accident peut toujours arriver mais les achats de futaille, la qualité des bois, les tâches réalisées par les opérateurs inspirent toute confiance. »
La société emploie quarante-huit salariés. Avec l’introduction des outils connectés dans les chais, le métier de gestionnaire du stock Cognac a beaucoup évolué. Désormais, la planification des tâches est aux commandes. Pourtant un certain mystère plane toujours dans ces cathédrales de béton et de bois. Au fond d’une rime obscure, une petite lampe frontale s’agite. C’est l’opérateur de chais qui, armé de son pad, scanne un code-barres. Dans le silence d’une maturation tranquille, les bonnes effluves du Cognac s’élèvent.
Un chai par an
A travers les projections à moyen terme (horizon 2016), c’est le rythme de construction que s’assigne le Magasin général.
Il fut un temps où la litanie des chais d’ORECO avait un petit côté « généalogie de l’ancien testament ». Aujourd’hui, la société s’est recentrée sur cinq sites, ceux qui lui appartiennent en propre autour de Cognac. Et, parmi ces entrepôts, la part de Merpins a connu une évolution « irrésistible ». En sept ans, de 2007 à 2014, elle est passée de 39 à 69 % du stock géré par ORECO. A Merpins aujourd’hui sont logés 761 000 hl vol. (sur un total d’1 million d’hl vol.), répartis en 185 000 fûts, 422 tonneaux, 32 cuves inox. Créé dans les années 70, le site de Merpins a connu plusieurs phases d’extension (4 à ce jour), d’abord avec des chais de 20 000 hl vol. et puis, à partir de 2012, avec des entrepôts de 40 000 hl vol., pour optimiser la surface. L’extension dite de « Merpins-Bellevue » accueille ainsi 8 chais de 40 000 hl vol., équipés de sprinklers. Le 9e (le chai 17) est en cons-truction. « Les prévisions pour les deux années à venir et la réorganisation du site nous amènent à envisager l’édification de trois nouveaux chais de 40 000 hl vol. » a-t-il été précisé lors de l’assemblée générale. A plus long terme, ce sont six nouveaux chais qui devraient sortir de terre, sur des terrains limitrophes, libérés par l’abandon du projet de déviation routière censée traverser la zone de Merpins.
Après s’être envolé en 2012-2013 avec la réception de plusieurs chais (14 millions d’€), le programme d’investissement a marqué une pause (relative) sur l’exercice 2013-2014 (9 millions d’€).
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