Optimisation sociale : SAS, un statut de salarié-cadre pour les exploitants agricoles

28 novembre 2012

La société par actions simplifiées (SAS) permet à un chef d’entreprise, même associé unique, d’accéder au statut de salarié-cadre. En viticulture, alors que les exploitations grossissent et que les revenus augmentent, c’est sans doute l’une des façons de ne pas cotiser « à fonds perdus », tout en améliorant sa couverture sociale, retraite mais aussi prévoyance. Avec, bien sûr, un coût à la clé. Armelle Bénard, responsable du pôle conseil au CGO, présente un statut auquel elle croit en terme d’optimisation sociale.

L’optimisation fiscale et sociale, un thème d’actualité !

p46.jpgSur les dossiers viticoles, plus que jamais ! En deux ans, nous avons vu les résultats pratiquement doubler. Bon nombre de structures viticoles moyennes approchent aujourd’hui les 100 000 € de résultats. En cause, des rendements commercialisables plus élevés, des cours à la hausse… Cela provoque bien entendu une progressivité de l’impôt et des cotisations sociales. D’où notre préoccupation du jour, l’optimisation fiscale et sociale. En fait, de plus en plus, nous avons à faire à des agriculteurs qui dégagent des résultats de PME.

Quelle conséquence en tirez-vous ?

Nous cherchons bien évidemment à réduire ces prélèvements fiscaux et sociaux, sans mettre nos adhérents dans une situation d’abus de droit. Par ailleurs, en matière d’optimisation, il faut bien voir que le plus difficile consiste à apprécier la durabilité des résultats. Sommes-nous en présence de résultats durablement élevés ou, au contraire, s’agit-il de quelque chose d’éphémère ? Ceci dit, face à une progressivité importante des prélèvements, il convient de mettre des outils en place pour « casser » cette progressivité et, surtout, éviter le gaspillage. Autrement dit, ne pas cotiser à « fonds perdus ».

De quels moyens disposez-vous ?

Arrêtons-nous d’abord à la situation la plus classique : celle du chef d’exploitation non salarié agricole dont les BA (bénéfices agricoles) sont imposés à l’IR (impôt sur le revenu). S’offre à lui toute la panoplie classique – et assez efficiente il faut bien le dire – du lissage du revenu : moyenne triennale, étalement des revenus sur sept exercices, déduction fiscale pour investissements (avec une probabilité qu’elle soit supprimée par la nouvelle loi de finance), déduction pour aléas… A cet éventail d’outils, j’ajouterai le « Madelin agricole ». C’est un contrat de retraite complémentaire (type Predicagri). Particularité ! On peut déduire les versements de l’assiette de cotisation fiscale et sociale. Effet levier garanti. Sauf qu’à un moment, ces instruments trouvent aussi leurs limites. Quand les revenus évoluent trop vite et sur une durée trop longue, les dispositifs de moyenne triennale, d’étalement des revenus ne fonctionnent plus. Au-delà de 36 000 € (plafond de sécurité sociale), vous cotisez à fonds perdus pour votre retraite de base. Dans certains cas, jusqu’à 3/4 des versements sont sans contrepartie. Il faut trouver autre chose.

On peut passer à l’IS.

L’IS représente en effet une option. Vous perdez les avantages de l’IR – moyenne triennale, étalement, déductions – mais, au niveau fiscal, vous avez un taux fixe d’imposition et, au niveau social, vous acquittez des cotisations uniquement sur votre rémunération. Qui plus est, ces cotisations deviennent une charge pour la société (article 62 du Code général des impôts). L’optimisation maximale de ce régime consisterait à ajuster au plus près ses rémunérations au plafond de sécurité sociale. Toujours pour ne pas cotiser à fonds perdus. Dans la pratique, ce n’est pas toujours aussi simple. La rémunération dont on a besoin dépasse parfois le plafond de SS, voire il arrive de prélever au-delà de sa rémunération. En langage fiscal, cela s’appelle une « distribution de dividendes ». Elle s’expose à de forts taux de prélèvement. Par ailleurs, le passage à l’IS ne fait pas évoluer votre statut social de chef d’exploitation. Si vous étiez non salarié agricole avant, vous le restez après le passage à l’IS.

On en vient à la SAS, la société par actions simplifiées.

La SAS est une société commerciale très très souple que nous utilisons depuis quelque temps en agriculture. Cette forme sociétaire permet à un chef d’exploitation, jusqu’alors associé unique d’une EARL par exemple, d’adopter le statut de salarié-cadre.

Cela se traduit comment ?

Au plan social, il ne paiera plus de cotisations sociales mais des charges salariales et patronales. Pour un salaire net annuel de 30 000 €, on peut imaginer qu’il acquittera presque autant de charges salariales et patronales (autour de 27 000 €). Au final, entre les prélèvements sociaux et fiscaux, la différence ne sera sans doute pas énorme entre un chef d’exploitation non salarié agricole et un cadre dirigeant. Par contre, le cadre dirigeant bénéficiera d’un « super-statut » social, beaucoup plus protecteur. En terme de couverture retraite et de prévoyance, « il n’y a pas photo » entre le régime de salarié-cadre et celui de chef d’exploitation non salarié. Bien entendu, la condition sine qua non pour adopter un tel statut, c’est de posséder la trésorerie suffisante. Ce régime n’est envisageable qu’en période de revenus élevés. Par contre, quand c’est le cas, il permet « d’éponger » des revenus qui se seraient évaporés sinon.

C’est un calcul à faire.

Tout à fait. Si on voulait résumer, l’agriculteur qui reste en EARL va payer beaucoup de cotisations sociales à fonds perdus mais comme il paie beaucoup de cotisations, il aura moins de revenu imposable et donc moins d’impôt. Celui qui choisit le statut de SAS paiera moins de charges mais, en contrepartie, il aura plus de revenu imposable et surtout plus de CSG (en plus du barème de l’impôt), ce qui représente – il ne faut pas le cacher – une vraie contrainte. Sur les bénéfices agricoles (BA), la CSG est passée en deux ans de 13,10 % à 15,50 % et la nouvelle loi de finances envisage de lui faire gagner encore un point. Pour apprécier l’opportunité d’un changement de statut, de nombreux paramètres sont à prendre en compte, comme l’évolution de la fiscalité mais aussi sa situation personnelle, son âge, ses objectifs, la taxation ou non de l’entreprise aux plus-values…

Le statut de SAS est-il réversible ? En agriculture, le risque de renversement de conjoncture existe toujours.

Dans une SAS, le dirigeant ne peut pas changer de statut. Il reste « à vie » salarié-cadre. Par contre, la « porte de sortie » consiste à transformer la SAS en EARL ou en SCEA et revenir, ainsi, au statut de chef d’exploitation non salarié.

Est-ce coûteux et compliqué ?

Non. La procédure de transformation reste très accessible. Elle se matérialise par une AGE (assemblée générale extraordinaire) et par une insertion dans un journal d’annonces légales. Je pense que pour moins de 1 000 €, la transformation peut se faire. Maintenant, rien n’est jamais aussi simple. Qui dit passage à la SAS dit, en droit, imposition à l’IS (impôt sur les sociétés). Autrement dit, pour avoir le statut de cadre-dirigeant, il faut obligatoirement passer à l’IS. Et si le statut de SAS n’est pas irréversible, le passage à l’IS, lui, est irrévocable. Passer à l’IS, c’est ne plus pouvoir faire machine arrière. Toutefois, je dois apporter quelques précisions. En présence d’une EARL ayant moins de cinq années d’existence, la SAS peut rester à l’IR (impôt sur le revenu) pendant cinq exercices supplémentaires. Pour une EARL affichant plus de cinq ans d’existence, le passage à l’IS se fait dans la foulée, sans période de grâce. Dans un schéma « idéal », l’intérêt serait d’opter pour le statut de SAS avant que la structure agricole n’atteigne ses cinq années d’existence. La SAS cumulerait ainsi les avantages de l’IR (déduction pour investissement, pour aléas…) et ceux de la SAS (ne pas cotiser à fonds perdus). Un avantage pour l’instant contingenté à cinq ans. Le réseau AS (Accompagnement Stratégique) dont fait partie le CGO demande que cette option puisse s’exercer pendant cinq exercices supplémentaires.

A un moment donné, il faut tout de même passer à l’IS. Qu’entraîne le passage de l’IR à l’IS ?

Le passage de l’IR à l’IS s’apparente à une cessation d’activité, avec les conséquences que cela induit. Ceci dit, ça se gère.

De quelle façon ?

Si la structure agricole (l’EARL par exemple) est exonérée de plus-values (recettes moyennes inférieures à 250 000 €), le passage à l’IS permet de réamortir le matériel. Une estimation précise du dernier revenu agricole constaté lors du passage à l’IS doit être effectuée (taxation des profits latents, fin de la moyenne triennale, DPI à réintégrer…).

Si la structure agricole est taxable aux plus values et/ou détient des stocks, il est possible d’opter pour l’atténuation conditionnelle et ainsi maintenir les stocks et le matériel au bilan à l’IS en valeur comptable.

En tout état de cause, le passage à l’IS a un impact très fort sur la trésorerie de l’exploitant : il doit verser la même année l’impôt sur les revenus de l’année précédente, l’Impôt sur les sociétés de l’année et les acomptes de l’IS de l’année suivante.

Objectivement, il y aurait donc pas mal d’avantages à passer en SAS.

Oui mais des inconvénients persistent
aussi. J’en vois au moins quatre :

– Parmi les cadres dirigeants, la SAS institue une hiérarchie. Imaginons deux frères travaillant sur une même exploitation ou un couple. Si l’on crée une SAS, il y aura d’un côté un président, qui ne cotisera pas au chômage et de l’autre un directeur général qui cotisera au chômage. Qui désigner ? Cela peut entraîner des difficultés, des frictions. J’ai le cas dans deux dossiers.

– La SAS n’est pas compatible avec la perception de certaines aides comme la MAE bio (Mesures agro-environnementales) ou certaines subventions aux éleveurs. Les aides à la viticulture ne sont pas concernées. A condition, bien sûr, que l’objet social de la SAS soit exclusivement agricole.

– Les comptes de la SAS sont soumis à publicité. Concrètement, ils sont publiés au greffe du tribunal. Les voisins peuvent aller les consulter. Pour certains, ce n’est pas un problème, pour d’autres si.

– Les droits d’enregistrement sur la cession des parts ne représentent pas la même valeur pour une société agricole ou une SAS. Un droit fixe de 125 € s’applique aux sociétés agricoles de type EARL. Pour la SAS, c’est un droit proportionnel de 0,10 % de la valeur des actions qui sera prélevé au titre des droits d’enregistrement. Ce n’est pas tout à fait la même chose.

J’ajouterais, non pas au titre des inconvénients mais des précautions à prendre, qu’il vaut mieux passer en SAS en fin d’année. Pourquoi ? Parce que les cotisations du chef d’exploitation non salarié sont dues pour l’année. Si la transformation intervenait en février, cela signifierait que cotisations sociales et charges salariales se cumuleraient durant onze mois de l’année. Il vaut mieux effectuer la transformation en décembre.

Selon vous, à qui s’adresse principalement le statut de cadre dirigeant ?

Au regard des contraintes en terme de transmission (valeur des parts) mais aussi du temps nécessaire pour se constituer une retraite décente, je dirais que ce régime s’adresse principalement à la génération des 35-40 ans. Les quadra, en milieu de carrière, ont eu le temps de mettre en place une structure solide mais disposent encore de longues années pour « capitaliser ». Un terme peut-être mal choisi car la retraite des cadres reste une retraite par répartition.

La Champagne, un vignoble à part
Dans le cadre du réseau AS, Armelle Bénard échange beaucoup avec ses collègues de la Marne. Pourtant, Champagne et Cognac n’ont pas les mêmes pratiques. Le prix du foncier viticole en Champagne reste à des années-lumière de celui des Charentes.
En Champagne (comme dans certains terroirs de Bourgogne ou du Bordelais), un ha de terre viticole se négocie entre 800 000 et un million d’€. Face à ces niveaux de prix, le bail à métayage est très développé. En matière d’optimisation, c’est le démembrement de propriété qui tient la corde, avec la création d’usufruit temporaire sur les biens et les parts de sociétés. En Charentes, ce genre d’optimisation ne trouve pas – encore – sa place. On ne peut que s’en féliciter. Car un prix du foncier aussi élevé est forcément porteur de dérives inquiétantes pour le vignoble. Un phénomène bien décrit dans le dernier numéro de La Champagne viticole, l’organe de presse du SGV Champagne. « (…) Les bailleurs ne sont pas toujours intéressés par le revenu de la vigne mais par sa valeur vénale. La vigne est alors mise en vente, à charge pour l’exploitant d’essayer de l’acquérir. Soucieux de préserver leur outil de travail, fermiers et métayers se tournent alors vers le négoce qui, étant lui-même en quête d’approvisionnement pérenne, voit dans ces sollicitations l’opportunité de se garantir un livreur durable. La technique est simple : acquisition d’une parcelle par le négociant, suivie de la concession d’un bail à long terme à l’exploitant, en contrepartie d’un contrat d’engagement. Dans le jargon champenois, on appelle ça « l’effet levier ». Cette pratique est inquiétante, dans la mesure où elle pourrait, d’acquisitions en acquisitions, faire basculer les grands équilibres interprofessionnels au détriment du vignoble. Par ailleurs, ces transactions alimentent la surenchère sur le foncier. Désormais, en Champagne, un bien loué se négocie au même prix qu’un bien libre ! Or ces transactions servent ensuite de références pour les évaluations successorales. »
(La Champagne viticole – 11 octobre 2012)

Société civile immobilière – Partie intégrante de l’organisation du patrimoine

Comment mieux prendre en compte les plus-values privées immobilières ? Une réflexion s’est enclenchée au sein du réseau AS. Elle s’articule autour de l’organisation du patrimoine. La société holding continue d’y jouer un rôle pivot.

Acheter un studio à sa fille ou à son fils au cours de ses études ? Quel « bon père de famille » n’y a pas songé ? Un certain nombre franchit le pas, histoire de joindre l’utile à l’agréable. L’agréable, c’est offrir au « junior » un cadre balisé. L’utile, pour les parents, consiste à diversifier leur patrimoine. Et percevoir des loyers, une fois que l’étudiant… a fini d’étudier. Dans quel cadre exercer cette activité immobilière ? That is the question. « Nous préconisons de faire une SCI (Société civile immobilière) et de la faire opter à l’IS » indique A. Bénard. Pourquoi l’IS (impôt sur les sociétés) alors que les pratiques habituelles tendent plutôt vers une fiscalisation des revenus fonciers à l’IR ? « A l’IS, répond la juriste, vous pouvez déduire de votre loyer en plus des intérêts d’emprunts, et des taxes foncières, les amortissements de l’immeuble. Le revenu imposable étant proche de 0, vous n’avez pas d’IS à payer et il n’y a pas de prélèvement CSG. Cela vous permet de faire face aux échéances et, éventuellement, de réinvestir dans de l’immobilier locatif. » Le principal avantage qu’y voit la responsable du pôle conseil du CGO ! « Le revenu disponible se trouve en adéquation avec le besoin d’investissement qui se manifeste à cette période de la vie. »

Le « hic », parce qu’il y a toujours un « hic », intervient lors de la vente de l’immeuble. A l’IS, la plus-value taxable résultera de la différence entre le prix de vente et la valeur nette comptable après amortissement. D’où la tendance à une plus-value majorée. A l’IR (impôt sur le revenu) la plus-value privée immobilière équivaudra au prix de vente – la valeur d’acquisition, fiscalisée au taux actuel de 19 % + 15,5 % de CSG. Si le bien est détenu pendant plus de 30 ans, il échappe totalement au régime des plus-values. Résumé d’Armelle Bénard – « A l’IS, la trésorerie disponible permet d’investir en cours de jouissance du bien mais le prélèvement s’effectue à la sortie. A l’IR, vous n’avez pas de trésorerie disponible mais, au moment de la vente, les plus-values sont minorées. C’est une différence de concept. »

Plus généralement, face à des structures en train de grossir, l’organisation du patrimoine devient prépondérante. Peu ou prou, l’idée qui prend le pas est de constituer une société holding qui chapeaute plusieurs structures : une structure de production, une structure d’écoulement des stocks, une structure immobilière (en lieu et place du GFA) dans lequel s’insèrent les immeubles locatifs mais aussi les vignes. Bénéfice associé : « Au moment de la transmission, il sera plus facile de transmettre des parts que de vendre des biens à titre personnel. » « Depuis 3 ou 4 ans, ce type d’organisation représente un mouvement de fond » confirme Armelle Bénard.

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