Optidose : Une expérimentation de réduction de dose

28 février 2009

La réduction des doses de produits phytosanitaires est réalisée de façon empirique par de nombreux viticulteurs qui en prennent le risque et en assument les conséquences. Les résultats sont couronnés de succès les années où la pression de parasitisme est faible et peuvent être plus décevants dans des millésimes à forts risques. C’est en écoutant fréquemment ces réflexions que M. Marc Raynal, ingénieur de l’ITV Aquitaine, a eu l’idée de développer un projet scientifique pour réduire les doses d’intrants sans pour autant prendre de risque au niveau de la qualité de la protection. Le challenge peut paraître ambitieux et pourtant, après 10 ans de travail, il est devenu réalité au travers du projet « Optidose ». Une expérimentation complète a été mise en place et les premiers résultats semblent intéressants.

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M. David Lanthiome et Mme Marie Descotis, de l’ITV de Segonzac.

Le projet Optidose actuellement développé par l’ITV au niveau national a été initié par M. Marc Raynal, ingénieur de l’ITV Aquitaine. La philosophie d’origine s’apparente aux pratiques en médecine humaine où l’on adapte la posologie des médicaments en fonction du poids des patients, de leur âge et aussi de leur état de santé général. En vigne, la règle serait à l’inverse figée autour d’une dose de produit standard et homologuée dans toutes les configurations de densité de plantation, de surface foliaire, de stades végétatifs et de pression parasitaire. Certes un certain nombre de viticulteurs font preuve de bon sens en essayant de moduler les doses en tenant compte de l’état d’avancement de la pousse en début de cycle végétatif, mais ces approches sont empiriques. Par ailleurs, le développement de la modélisation a permis de beaucoup mieux réaliser un traitement en fonction d’un niveau de risque épidémique dont l’intensité est évaluée. Par contre, les approches sur les modulations de doses ne reposent pas sur des démarches scientifiques raisonnées en phase avec l’environnement de production (l’effet climat de chaque millésime, le comportement de la vigne, la pression de parasitisme…). L’objectif du projet Optidose est d’intégrer la réflexion sur le choix d’une dose de produit à appliquer dans une démarche scientifique globale tenant compte des paramètres interférant dans la qualité de la protection, l’importance de la surface foliaire (notion de stade végétatif et de vigueur), la pression parasitaire et l’aptitude du pulvérisateur à positionner les bouillies sur la végétation. L’objectif est aussi de proposer aux viticulteurs une méthode leur permettant de réduire les concentrations en intrants phytos à un niveau minimum tout en étant en mesure d’assurer une bonne protection du vignoble. Ce sujet ambitieux et passionnant fait progresser les concepts traditionnels de lutte raisonnée qui jusqu’à présent ne concernait que l’optimisation des dates de traitement. Le projet Optidose intègre en quelque sorte un niveau supérieur de technicité de la lutte contre les parasites qui est à la fois stimulant et complexe à mettre en œuvre.

L’acquisition de nouvelles références sur la surface foliaire et la pulvérisation indispensable

Au fur et à mesure de la mise en œuvre des expérimentations, M. Marc Raynal s’est rendu compte qu’il manquait des références scientifiques sur des sujets majeurs : mesure de la surface foliaire totale, appréciation qualitative des moyens de pulvérisation. L’évaluation de pressions parasitaires fait l’objet d’études depuis de nombreuses années à l’ITV et s’est concrétisée par la publication hebdomadaire d’un bulletin « Epiflash » (par les Chambres d’agriculture de Charente et Charente-Maritime) pendant toute la durée du cycle végétatif. Les études réalisées par les agronomes pour quantifier et apprécier des différences de surfaces foliaires exposées entre des systèmes de conduite différents n’étaient pas assez « fines » pour pouvoir s’adapter aux exigences des techniciens de la protection du vignoble. Un travail de recherche de méthode de calcul de la surface foliaire a donc été mis en œuvre et validé au champ avec des approches différenciées selon les cépages et les régions. Le protocole de mesure repose sur l’observation de 50 souches par parcelle qui a lieu à trois périodes de mi et pleine végétation. L’appréciation de la qualité de pulvérisation reste aussi un sujet complexe et les moyens conventionnels d’observations des spectres de diffusion de gouttelettes au champ (positionnement de papiers hydrosensibles dans la végétation) ne constituent pas véritablement un gage de précision suffisant vis-à-vis de la qualité des applications. Marc Raynal et ses collaborateurs ont très vite conscience qu’il fallait développer d’autres procédés pour essayer de visualiser et analyser la quantité de bouillie captée par la végétation. Leur idée a été de reproduire une vigne artificielle pour pouvoir plus facilement caractériser la qualité de la pulvérisation par la concentration de matière active. L’outil imaginé et fabriqué de façon artisanale a été validé au champ par des essais comparatifs de capture de produit. En 2006, un véritable banc d’essai modulaire va être construit, ce qui facilitera la réalisation des mesures de qualité de pulvérisation par les techniciens. Il s’agit d’une vigne artificielle entièrement en PVC constituée de maillons empilables (représentant les feuilles et les rameaux dans l’espace) dont l’architecture peut s’adapter facilement aux spécificités de vigueur, des cépages et des différents stades végétatifs. Indéniablement, l’aboutissement des recherches sur les mesures de surface foliaire totale et l’appréciation de la qualité de la pulvérisation qui a demandé 5 à 6 années de travail, ont permis de développer une approche scientifique rationnelle d’optimisation des doses d’intrants.

Des mesures de surface Foliaire Totale réalisées sur les cépages de Charentes et d’Aquitaine

Les expérimentations sur le projet Optidose sont rentrées dans une phase active depuis l’année 2003 en Aquitaine et en 2004 en Charentes. Les essais ont porté sur tous les cépages des vignobles d’Aquitaine et des Charentes, mais ce nouvel outil d’aide à la décision n’est pas encore dans une phase opérationnelle. L’équipe ITV de l’unité de Segonzac et les techniciens des Chambres d’agriculture de Charente et de Charente-Maritime ont testé au champ la démarche Optidose depuis deux ans (uniquement sur de l’Ugni blanc). Au cours de l’année 2004, les mesures de surface foliaire ont été effectuées sur trois parcelles et en 2005 la démarche a été étendue à 9 sites qui sont représentatifs des divers modes de conduites existants dans la région (vignes étroites, vignes hautes et larges palissées, vignes demi-larges palissées, cordons hauts et arcures hautes). La méthode permet de différencier la SFT primaire (feuilles issues des rameaux principaux), de la SFT secondaire (feuilles issues des entre-cœurs). L’objectif est de réaliser trois mesures par an, la première au stade boutons floraux séparés, la seconde au stade grain de pois et la troisième à la pleine véraison pour mettre en place une approche de modélisation de la croissance végétative. La poursuite de ce travail pendant plusieurs années serait indispensable pour compiler les relevés de SFT issus de divers sites et de différents millésimes afin à terme de constituer un référentiel de la croissance de l’Ugni blanc. Les mesures seront reconduites en 2006, mais ensuite la continuité de ce travail est liée au maintien des financements issus du futur contrat de plan. Souhaitons que les professionnels aient gain de cause auprès des instances politiques pour mener à bien ce projet. L’intérêt de l’expérimentation Optidose est lié au fait que son fondement repose sur une approche maîtrisée et préventive s’appuyant sur des critères scientifiques sérieux. Il reste maintenant à trouver les moyens de valider ce nouvel outil d’aide à la décision grâce à la mise en place d’essais longue durée au champ, comme cela a été fait il y a 15 ans pour les démarches de modélisation.

L’évolution de la croissance végétative sur les 9 sites d’Ugni blanc au cours de l’année 2005 atteste du développement très rapide de SFT dans la période mai-juin et aussi des variations de vigueur liées à l’effet parcelle.

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Le « Tablodose » expérimental.

La surface foliaire secondaire représente en fin de saison 25 à 30 % de la SFT et finalement les écarts liés aux densités de plantation entre vignes à 2 m et 3 m sont assez faibles. Le comparatif des mesures de SFT des différents cépages des régions Aquitaines et Charentes confirme la vigueur supérieure de l’Ugni blanc.

Des réductions de doses importantes en 2005

Tout ce travail de mesure de SFT et contrôle de la qualité de la pulvérisation a débouché sur la mise au point d’un tableau de gestion des doses de produits utilisés en fonction de la vigueur des vignes et de l’intensité du risque parasitaire. Le « Tablodose » qui est présenté (voir graphique ci-dessus) est un outil expérimental que les ingénieurs de l’ITV et les techniciens des Chambres d’agriculture testent au champ depuis plusieurs années.

Le protocole de validation du Tablodose en Charentes a commencé en 2004 sur quatre parcelles situées à Segonzac et Jonzac (suivies par l’ITV), à Archiac et Bréville (suivies par les Chambres d’agriculture 16 et 17 avec une pulvérisation assurée par les viticulteurs). L’approche de réduction de dose a concerné la lutte contre le mildiou et l’oïdium.

A Segonzac, le suivi technique s’est déroulé dans un contexte de faible pression mildiou (5 traitements) et Optidose a permis de réduire la dose globale de produits appliqués sur la campagne de 66 %, tout en ayant obtenu une très bonne qualité de protection. Sur oïdium, la réduction de dose est de 34 % sachant que la période de protection est plus courte. A Jonzac, la couverture mildiou a été un peu plus longue (6 traitements) et les réductions de dose se situent au niveau de 64 % par rapport à la référence et sur oïdium elle est de 47 %. Les comptages précis de présence de symptômes de mildiou et d’oïdium sur le feuillage et les grappes n’ont révélé aucune différence entre les références et la modalité Optidose. Les résultats sur l’année 2005 sont donc très séduisants mais le niveau de pression de parasitisme a été très faible. Mme Marie Descotis et M. David Lanthiome, de l’ITV de Segonzac, considèrent qu’il faut rester prudent et continuer de valider l’outil Optidose pendant plusieurs années dans des contextes de pression de parasitisme différents afin de voir réellement si ce nouvel outil d’aide à la décision est fiable.

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