Oidium : La résistance aux QOI en nette progression

4 juin 2013

L’oïdium se développe de manière assez irrégulière dans les vignobles du Bordelais et des Charentes, mais, depuis une dizaine d’années, la maladie connaît une certaine recrudescence. L’évolution climatique associée à des effets de micro-climat locaux conduit les viticulteurs à être de plus en plus vigilants. Dans des vignobles réputés sensibles comme ceux du Languedoc-Roussillon et de la vallée du Rhône, l’apparition de phénomène de résistance à plusieurs familles de fongicides a été confirmée par la mise en œuvre d’un plan de surveillance. Les conclusions de la campagne de tests 2012 dans ces régions confirment que la situation devient plus préoccupante.

 

 

Le champignon E. necator responsable de l’oïdium de la vigne se développe difficilement en conditions de laboratoire, ce qui complique la mise en place de tests biologiques de sensibilité aux fongicides. L’équipe de l’UMR de santé végétale de l’INRA de Bordeaux a mis au point des tests PCR (de biologie moléculaire) pour réaliser des recherches des allèles de résistance aux diverses familles de fongicides dans les populations d’oïdium. Jusqu’à présent, les analyses réalisées dans le cadre du plan de surveillance de la résistance à l’oïdium concernent deux familles de produits, les QOI (les strobilurines : l’azoxystrobine, le krésoxim méthyl, la pyraclostrobine et la trifloxystrobine) et les IDM, appelés couramment les IBS du groupe 1 (les matières actives suivantes : le cyproconazole, le difénoconazole, le flusilazole, le fenbuconazole, le myclobutanil, le penconazole, le tébuconazole, le tétraconazole et le triadiménol).

Une mutation génique qui engendre une perte d’efficacité des QOI

p24.jpgDepuis l’identification des premières dérives de résistance aux QOI dans la région de l’Armagnac en 2008, un suivi a été mis en place dans les différentes régions viticoles françaises. Le mode d’action de ces fongicides consiste à inhiber la chaîne respiratoire cellulaire en créant une situation de blocage du processus par la production de protéines spécifiques. Lorsqu’un phénomène de résistance apparaît, cela engendre une mutation ponctuelle du gène mitochondrial des souches d’oïdium. Dans ces conditions, elles ne sont plus réceptives à la production de la protéine spécifique censée bloquer la respiration cellulaire. Au cours de l’été 2012, les tests de résistance aux QOI ont concerné 95 parcelles réparties dans 12 régions viticoles.

L’interprétation des analyses permet de connaître pour chaque échantillon le pourcentage de l’allèle portant la mutation. Le plan de surveillance aux QOI mis en place depuis 2008 avait mis en évidence une dégradation de la situation à partir de 2010 dans plusieurs vignobles. L’état des lieux était devenu inquiétant en 2011, car le nombre de sites ne présentant pas de trace de résistance n’était plus que de 45 %.

Une montée en puissance inquiétante de la résistance aux QOI

Les résultats de 2012 confirment une nouvelle montée en puissance de la résistance. La fréquence de la présence du gène de résistance dans les populations d’oïdium a progressé nettement, car la mutation a été détectée dans 68 des sites analysés répartis dans 11 régions viticoles (12 testées au total). Le taux moyen de résistance est passé de 31 % en 2011 à 44,6 % en 2012. Dans les régions d’Alsace, de Bourgogne, de Franche-Comté, de Midi-Pyrénées et des Pays de Loire, le gène de résistance est présent à une fréquence de plus de 50 % dans la moitié des échantillons testés. Dans le Poitou-Charentes, l’allèle n’a pas été détecté mais un seul prélèvement sur les six réalisés a pu être analysé. Pourtant, dans le vignoble de Cognac, les techniciens de terrain et les viticulteurs ont observé en 2011 et 2012 dans divers secteurs sensibles à l’oïdium quelques développements de la maladie qui suscitent des interrogations. Une juste appréciation du niveau de résistance aux QOI dans la région se justifierait car l’utilisation des fongicides de cette famille des QOI est en moyenne proche de 2 traitements par an. Les populations où aucune dérive de résistance n’ont été observées proviennent exclusivement de deux régions, l’Aquitaine et la Champagne.

Globalement, la montée en puissance au cours de l’année 2012 des phénomènes de résistances aux fongicides de la famille des QOI est préoccupante. Diverses expérimentations ont mis en évidence que lorsque la fréquence de souches résistantes dans les populations est élevée, les risques de perte d’efficacité sont réels. Les experts recommandent d’utiliser les spécialités à base de QOI une seule fois par an et de préférence en association avec d’autres matières actives ayant un mode d’action différent.

Une résistance avérée aux IDM sans perte d’efficacité significative au vignoble

p25.jpgLa résistance aux IDM, les IBS du groupe 1, est apparue depuis presque 30 ans mais, jusqu’à présent, elle ne semblait pas avoir entraîné de baisse d’efficacité des traitements au vignoble. Les spécialités commerciales de cette famille ont été utilisées avec une certaine sagesse grâce aux préconisations des techniciens. Les applications limitées à deux traitements par an depuis longtemps ont contribué au maintien de leur efficacité au vignoble. Le suivi des résistances effectué depuis quelques années a été motivé par des suspicions de dérives plus fortes constatées par des techniciens dans diverses expérimentations. Un des mécanismes de résistance connu est lié à la mutation ponctuelle du gène de la cible des IDM. Cela entraîne une modification de la structure protéique des souches d’oïdium qui différencie les individus résistants des sensibles. Le marqueur Y136F s’avère être un bon indicateur de la perte de sensibilité des souches d’oïdium aux fongicides du groupe des IDM. Depuis deux ans, les tests de résistance sont réalisés principalement dans les vignobles naturellement sensibles à l’oïdium. En 2010, les analyses de 54 échantillons provenant de 10 régions avaient révélé que 30 à 40 % des populations avaient fait l’objet de mutations. Le plan de surveillance 2012 a ciblé des parcelles où une résistance était suspectée et la majorité d’échantillons provenait de la région Languedoc-Roussillon, très sensible à l’oïdium. Les résultats ont révélé dans ce vignoble que l’allèle de résistance est présent dans 80 % des sites et le plus souvent avec une fréquence de 75 %.

Malgré ces résultats assez inquiétants, le risque de perte d’efficacité au vignoble reste faible.

p26.jpgLes essais de protection anti-oïdium dans des sites où la résistance était avérée, n’ont pas montré jusqu’à présent de baisse d’efficacité significative. Par ailleurs, l’apparition de phénomène de résistance croisée avec les IBS du groupe 2 n’a pas été observée jusqu’à présent. Les recommandations d’emploi pour la campagne 2013 restent identiques à celles des années précédentes : une limitation à trois applications par an maximum et de préférence à deux positionnées de manière non consécutives. L’utilisation de matières actives différentes au cours de la même saison est également une sage précaution.

Première crainte de résistance avec le quinoxyfène

A l’issue des tests 2012, les résultats ont révélé la présence de populations résistantes au quinoxyfène dans quelques échantillons. Le plan de surveillance de la résistance à cette famille de produits sera poursuivi dans les années à venir. Pour 2013, les préconisations d’utilisation de ces spécialités restent identiques avec deux applications non consécutives par an.

Bibliographie : − Jacques Grosman, expert national de la filière vigne auprès de la DGAL.
− Synthèse nationale du plan de surveillance 2012 des résistances à l’oïdium de l’ANSES.
− Note technique commune pour la gestion de la résistance 2013 au mildiou, à l’oïdium et au botrytis.

 

p27.jpg

A lire aussi

Campagne PAC 2024 : Tout ce qu’il faut savoir 

Campagne PAC 2024 : Tout ce qu’il faut savoir 

Depuis le 1er avril et jusqu’au 15 mai 2024, les télédéclarations de demande d’aides au titre de la campagne 2024 sont ouvertes.Voici tout ce qu’il faut savoir pour préparer au mieux sa déclaration.

La Chine et le cognac : un amour inséparable

La Chine et le cognac : un amour inséparable

Avec plus de 30 millions de bouteilles officiellement expédiées en Chine en 2022, la Chine est le deuxième plus important marché du Cognac. De Guangzhou à Changchun, ce précieux breuvage ambré fait fureur. Plutôt que se focaliser sur les tensions actuelles, Le Paysan...

error: Ce contenu est protégé