ODG Cognac : Plan de contrôle, an II

19 avril 2012

Les premiers contrôles du respect du cahier des charges Cognac sont entrés dans leur phase active fin 2010/début 2011. Un mini « choc culturel » pour les 6 000 opérateurs de la région délimitée. Pas de levée de bouclier cependant. Les choses se sont plutôt faites en douceur et les contrôles se passent bien, sans stress particulier. Cela dit, la région de Cognac, comme toutes les régions de productions sous signes de qualité, entre dans une nouvelle dimension, celle du « tout mesurable, du tout vérifiable ». L’ère du Big Brother *?

 

 

p32.jpg« J’ai été contrôlé deux fois par l’ODG Cognac, une fois sur mon EARL de production, l’autre fois sur la SARL de vente, raconte un bouilleur de cru-vendeur direct. La visite sur place des auditeurs s’est très bien passée. Ils connaissent le métier et les critères du cahier des charges sont assez larges. Le contrôle est presque moins tatillon que pour l’HACCP. » « A la restitution, tout était au vert » précise le viticulteur. « La seule chose, c’est qu’il faut prévenir à l’avance de notre passage, pour que les personnes aient le temps de regrouper leurs documents » confirme une auditrice, employée d’un bouilleur de profession.

Ce climat apaisé n’étonne pas outre mesure Laurence Guillard, responsable de l’Unité territoriale INAO du Centre-Ouest Poitou-Charentes-Limousin. « Je me doutais bien que les choses se feraient en douceur. A Cognac, la mise en place du Plan de contrôle a certes demandé un peu plus de temps qu’ailleurs. Il n’y avait pas d’agrément, pas de contrôle des conditions de production. Ce fut tout de même un petit choc culturel. Mais l’époque paraît bien lointaine (2008-2009) où l’on nous prédisait des contrôleurs attendus au coin du bois. Aujourd’hui, le contrôle ODG est rentré dans les mœurs. Nous sommes presque en phase de routine. »

Le BNIC reconnu ODG

C’est le 8 avril 2010 que le Plan de contrôle Cognac a été validé par l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité). Les premiers contrôles d’exploitations viticoles ont démarré en septembre de la même année. Dans la foulée – le 22 décembre 2010 – le BNIC, l’interprofession du Cognac – était reconnu ODG (Organisme de défense et de gestion de l’appellation). C’est sous son autorité que s’organisent les contrôles du respect du Cahier des charges de l’appellation. Dans les secteurs laitier et agro-alimentaire, d’autres interprofessions ont hérité du statut d’ODG. Dans le domaine viticole, le BNIC reste la seule structure à cumuler les deux casquettes, interprofessionnelle et ODG. Quelque part, elle est regardée non pas avec un œil suspicieux mais avec un œil « curieux ». « Il s’agit un peu d’un test sur le mode de fonctionnement dans la durée. L’enjeu Cognac a presque valeur de test national. »

Aujourd’hui, comment se traduit le Plan de contrôle Cognac ? Viticulture et négoce confondus, ce sont trente points de contrôle, qui s’articulent autour de trois grandes sources.

Première source du contrôle : le contrôle documentaire. Pour la viticulture, on y retrouve « pêle-mêle » un certain nombre de documents comme la Déclaration d’identification de l’opérateur, les fiches CVI (Casier viticole informatisé), la Déclaration d’affectation, la Déclaration de récolte, la Déclaration de revendication, l’attestation de livraison, le registre de distillation, les Déclarations d’avant et d’après travaux de distillation, la comptabilité matières, les bulletins d’analyses, l’inventaire du stock…Certains documents sont exclusifs à l’opérateur (fiche CVI, bulletins d’analyse). Mais d’autres sont aussi visés par le BNIC (Déclaration de récolte…). D’où des vérifications et des recoupements « à la source ». Ce sont ces types de documents que les auditeurs réclament lors de leurs visites.

La deuxième source de contrôle tient au « contrôle produit ». Elle ne concerne que les metteurs en marché (négociants, vendeurs directs). Des agents préleveurs du BNIC, spécialement habilités à cet effet, réalisent des prélèvements « produit », le plus près possible de la mise en bouteille. Les points de contrôle « produit » portent sur plusieurs aspects : contrôle du titre alcoométrique du Cognac, contrôle des « méthodes traditionnelles » (coloration…), contrôle des qualités organoleptiques du Cognac (limpidité, odeur, saveur)…

La troisième source du contrôle concerne les conditions de production, à la vigne, au chai de vinification, à la distillerie ainsi qu’au chai de vieillissement. C’est cette partie du contrôle qui est plus particulièrement assurée par les auditeurs ODG. A Cognac, il a été décidé de confier cette mission aux techniciens du négoce (maisons de commerce, bouilleurs de profession). A ce jour, l’ODG Cognac a agréé 64 auditeurs. Leurs obligations ? La confidentialité et la dissociation stricte entre leurs mandats au titre du contrôle interne ODG et l’accompagnement des professionnels en tant que salariés des maisons de négoce.

Le contrôle des conditions de production fait appel au « visuel ». Dans les vignes, les auditeurs vont vérifier l’encépagement (les cépages autorisés), la densité de plantation, l’écartement, la taille. Dans le chai de vinification, ils s’assureront de l’absence de pompe centrifuge à palette, de presse avec vis d’Archimède ; dans la distillerie, des dimensions de la chaudière, du chauffage à feu nu, du TAV maximal des eaux-de-vie ; dans le chai de vieillissement, de l’élevage sous bois des eaux-de-vie…

Janine Bretagne, du département Juridique du BNIC, explique que sur ces trois types de contrôles – documentaire, produit et conditions de production – vont s’appliquer trois niveaux de contrôle : contrôle interne, contrôle externe et autocontrôle. Le contrôle interne est organisé par l’ODG. Le contrôle externe passe par Certipaq, l’organisme certificateur choisi par l’ODG Cognac. Quant à l’autocontrôle, comme son nom l’indique, il est réalisé par l’opérateur lui-même (fiche CVI à jour, Déclaration de plantation, Déclaration de récolte…). Cet autocontrôle s’effectue en continu. Les enregistrements (déclarations et autres) doivent être conservés pendant 5 ans.

L’examen des différentes déclarations effectué par le BNIC reconnu ODG – Déclaration d’affectation, Déclaration de récolte, Déclaration de fabrication – ainsi que le contrôle interne réalisé par les auditeurs vont permettre d’évaluer s’il y a ou non manquement. Si des manquements sont détectés, une procédure de traitement sera enclenchée. Elle passera d’abord par la qualification du manquement, autrement dit par l’établissement de sa « cotation ». S’agit-il d’un manquement mineur, majeur, grave ? Dans les faits, nombre de « manquements » relèvent de la simple erreur, sans volonté délibérée de frauder. Dans ces cas-là, l’on parlera plus « d’accompagnement » que de véritable « traitement du manquement ». « De toute manière, le manquement va être d’abord traité en interne » indique Janine Bretagne. Exemple du non-envoi d’une Déclaration d’affectation. L’opérateur recevra un courrier lui demandant de se mettre en règle. Par contre, s’il ne renvoie pas sa déclaration, le cas sera transmis à Certipaq, l’organisme de contrôle externe. Certipaq va aussi traiter des manquements récurrents, ceux qui, d’anodins au départ, voient leur cotation augmenter, par défaut de réponse.

Comment se décline la palette des sanctions ? Elle va du simple avertissement au renforcement de l’audit. Dans les situations extrêmes, le retrait de l’appellation peut être envisagé, voire la suspension de l’habilitation. Il faut savoir que toute décision de sanction peut faire l’objet d’un appel.

Une approche plus globale

p34.jpgAvant la mise en place des Plans de contrôle, les régions d’appellation vivaient sous un régime de contrôle ponctuel, partiel, avec des outils d’analyse sectoriels, pas forcément inter-connectés. C’était le cas à Cognac, où le BNIC suivait un certain nombre d’éléments – Déclaration de récolte, dépassement de QNV… – mais n’embrassait pas la totalité du champ d’élaboration. Changement de cap aujourd’hui. Dans toutes les zones sous signes de qualité, l’approche contrôle se fait beaucoup plus globale. Et beaucoup plus précise aussi.
Le maître mot ! Traçabilité. Des procédures informatiques se mettent en place, pour enregistrer et suivre l’ensemble des opérations des ressortissants. On imagine assez bien la puissance de feu de ces outils de pilotage informatique, souvent créés par des développeurs « maison », très au fait de la connaissance « métier ». La toile se tisse, des liens se créent, pour s’assurer que tous les contrôles s’opèrent correctement au niveau de l’appellation. L’idée consiste aussi à traiter le manquement dans le temps le plus bref. A ce titre, on peut parler d’un effet « Big Brother ».

Didier Vassor, un des « metteurs en musique » du Plan de contrôle Cognac justifie ces efforts de mise à niveau. « Pour moi, si un Plan de contrôle existe, il faut qu’il soit applicable à tous, dans le plus total esprit d’équité. Il doit garantir l’égalité des chances à tous, sans discrimination. C’est pour cela que nous avons besoin d’un outil informatique digne de ce nom. En matière de contrôle, nous ne pouvons pas être dans le subjectif. Chaque critère doit être mesurable, vérifiable et
reproductible. »

Le Plan de contrôle Cognac est consultable dans son intégralité sur le site internet du BNIC (http://www.cognac.fr/cognac/). Transparence et connaissance des règles du jeu forgent aussi l’esprit des Plans de contrôle.

* Big Brother signifie « Grand frère » en français. Il fait référence à un personnage de fiction du roman « 1984 » de Georges Orwell. L’expression « Big Brother » est utilisée pour qualifier une surveillance et un contrôle « venu d’en haut ».

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