Nuits-Saint-Georges Château de Prémeaux

14 mai 2012

Arnaud, 5e génération de la famille Pelletier, exploite un vignoble en Côtes-de-Nuits. A la fois enthousiaste et généreux, il a fait de son parcours atypique une force. Il conduit son vignoble avec exigence mais hors des canons habituels de la Bourgogne.

p36.jpgAvant d’être vigneron, Arnaud fut courtier en vin en Bourgogne. Puis il partit en Nouvelle-Calédonie pour une plongée en pleine nature, sans argent, à 500 km de toute ville. Là-bas, il fut rattrapé par la question de l’héritage et de la transmission ? Peut-on tourner le dos au travail de quatre générations ? Est-il possible d’ignorer un terroir qui fait rêver tant de gens au monde ? Renaud a pensé que non et il est revenu. A 32 ans, il a repris le chemin de l’école pour apprendre les fondamentaux, la base du métier de vigneron. « Pour moi, c’était assez logique. Par mimétisme et par imprégnation, je faisais des choses depuis l’enfance mais je n’en comprenais pas toujours le sens. » Aujourd’hui, il exploite un vignoble de 14 ha et bientôt 15,5 ha sur la commune de Prémeaux-Prisey, village qui fait partie de l’appellation Nuits-Saint-Georges. Son vignoble, il le conduit en bio, ce qui, en Bourgogne, reste encore assez marginal. Et qui constitue indéniablement une prise de risque en terme de rendements, et donc de revenu. Dans la famille Pelletier, le bio a fait son apparition il y a assez longtemps, à la fin des années 90, après la maladie d’Alain, le père d’Arnaud. Aujourd’hui, il structure la démarche vigneronne de l’exploitation. « Ici, on ne colle pas les vins, on n’enzyme pas, on ne levure pas. Nous cherchons à faire un vin le plus proche possible de la nature. » Sur leurs étiquettes, les vins de la famille Pelletier ne portent pas la mention bio. Mais ils le pourraient. Toutes les accréditations sont là.

Vers la haute maturité

L’itinéraire technique d’Arnaud le pousse à aller vers les petits volumes, la haute maturité. Depuis 1989, l’exploitation n’a jamais chaptalisé. Et naturellement, elle n’a pas le culte des forts rendements. Ici, l’on ne vise pas les 45 ou 50 hl/ha. La moyenne des rendements s’établit plutôt à 32-35 hl/ha. En 2010, l’année du gel de printemps, l’exploitation a plafonné à 30 hl/ha. « A chacun son rôle, se rassure le viticulteur. Moi je ne compte pas. C’est ma femme qui gère. Je suis juste chargé d’essayer de produire le meilleur. » « J’attends toujours au maximum avant de vendanger, note-t-il. Et plus j’attends, plus je perds. Mais tant pis ! » Le vigneron tri aussi beaucoup pendant les vendanges (peut-être la contrepartie de la production en bio, qui le laisse assez démuni face à une attaque de botrytis). L’exploitation s’est équipée d’une table de tri. Pendant les vendanges, huit à dix personnes s’activent autour, du matin au soir. « Je suis au bout et je peux vous assurer qu’il ne passe rien » précise le vigneron. « C’est assez facile de produire du vin, dit-il, mais extrêmement compliqué de produire du bon vin. » Pour Arnaud Pelletier, dans son contexte de travail, la clé, c’est « la dégustation, la dégustation et encore la dégustation. Cela suppose un gros suivi. » L’exploitation vend 90 à 100 000 bouteilles par an et emploie, en tout, neuf personnes. Un ratio supérieur aux normes habituelles. « Si la MSA était moins chère, nous serions encore plus nombreux » indique Arnaud.

Commercialisation en bouteille

Commercialement, toute la production part en bouteille, dans des circuits rémunérateurs, salons, restauration, cavistes ; en France, en Belgique. Le chiffre d’affaires progresse année après année. La gamme de prix des vins ? Entre 5,5 € et 49 €, pour un Nuits-Saint-Georges 1er cru Clos des Corvées Pagets.

Arnaud et son épouse s’impliquent beaucoup dans la vente. Ils ne font pas de publicité mais savent mettre en avant leurs vins. Ils en parlent bien. Comme de ces Hautes-Côtes-de-Nuits plantées « derrière la forêt » (le cordon de forêt qui ourle toute la croupe viticole, de Beaune à Dijon). « C’est un vin pour le petit déjeuner » commente le producteur. « Ces terres de cailloux donnent une base aromatique extraordinaire, une explosion de fruits, de framboise, de myrtille. Le clos de l’Argillière est lui aussi magique. Sur une vigne de 85 ans, nous ne récoltons que des raisins millerandés. Le vin sent l’humus, le sous-bois. C’est vraiment un vin très haut de gamme. » Un autre clos n’a été mis en bouteille que six fois en 31 ans : en 1978, 1985, 1999, 2002, 2005 et 2009. Ces vins sont qualifiés de « hors norme ».

Il va sans dire qu’Arnaud Pelletier ne colle pas exactement au « moule bourguignon » même s’il se sent bien intégré. « On s’entend tous bien. Quand quelque chose ne va pas, il existe une vraie solidarité entre vignerons. Sinon, on peut passer des semaines ou des mois sans se voir. »

« Personne ne lâche rien »

Cet individualisme se retrouve au niveau de la transmission. « En Bourgogne, personne ne lâche rien. Ma grand-mère, mon grand oncle, ma tante possèdent des vignes. Et personne ne fait rien. On parle beaucoup de transmettre de son vivant mais, concrètement, rien ne bouge. Je suis assez inquiet. Travailler pour transmettre à ses enfants, c’est bien. Travailler pour de l’argent, ça ne vaut pas le coup. »

Le vigneron oublie très vite ses soucis pour affirmer : « la vie est belle ». « Nous avons une chance énorme d’être né sur une terre pareille. » Volontiers défricheur, il apprécie aussi la permanence des choses, le sentiment du temps long. « En Bourgogne, tout a été fait. Il n’y a plus grand-chose à prouver. Il nous faut juste tenir le niveau, être à la hauteur de ceux qui nous ont précédé. »

Les vignerons bourguignons frappent par leur simplicité. Ils possèdent cette « fibre terroir », ce caractère « paysan », malgré leurs appellations prestigieuses, leur patrimoine, leur tradition viticole, la vente directe. Arnaud Pelletier confirme : « Oui, ici, on travaille la terre, qui nous rapporte de l’argent. Mais les choses évoluent tranquillement. Quand les clients viennent dans notre région, ils ne recherchent pas le luxe, le clinquant, le brillant. Ils viennent à la rencontre de la Bourgogne authentique. » Et de décocher une petite flèche aux « amis » champenois, sans méchanceté. « Pour moi, un Champenois est un betteravier qui a réussi. Ils sont partis de rien il y a une génération et demie. » En Bourgogne, vigne, richesse, culture, histoire, ont partie liée, depuis des siècles.

 

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