Ce n’est pas encore fait mais ce n’est pas exclu non plus et – excusez du peu – pour la campagne en cours. De quoi s’agit-il ? Voilà assez longtemps déjà que l’idée flottait dans l’air, d’abord promue par les « PME du Cognac » (les petites maisons), bientôt rejointes par les grandes. Dans un contexte de « tirage » des qualités vieilles – au 31 juillet dernier, + 17 % sur les VSOP + 3 % sur les VS – le négoce aimerait bien prendre quelques assurances sur l’avenir, surtout les petites maisons, qui ne détiennent pas des stocks inépuisables dans leurs chais. Si l’on y ajoute les byzantines histoires de rattrapage de l’X.O en compte 10, on a une assez juste idée des attentes du négoce. Que demande-t-il précisément ? Que se mette en place dès cette campagne une nouvelle réserve de gestion de 0,5 hl AP/ha, libérable uniquement en compte 10. Elle viendrait en plus de la réserve de gestion Cognac d’1 hl AP/ha déjà validée par l’interprofession du Cognac début septembre (voir articles pages 8 et suivantes). Si la position venait à passer, le rendement annuel maximal autorisé atteindrait donc, pour 2011-2012, 11,02 de pur ha (9,52 + 1 + 0,5 hl AP/ha). Sous le manteau, des rumeurs couraient déjà sur le sujet depuis plusieurs semaines. Mais pourquoi n’en avoir pas parlé plus tôt ? La viticulture voulait-elle en faire un élément de négociation sur les prix ? Quoi qu’il en soit, le « mistigri » est sorti alors que les vendanges se terminaient.
Cette nouvelle réserve de gestion s’appliquera-t-elle cette campagne ? Au BNIC, un groupe de travail « production » a été programmé le 4 octobre. A coup sûr, son avis sera déterminant. Pour l’heure, personne ne prend de pari sur la décision finale. « Peut-être oui, peut-être non. » Ce qui n’empêche pas, en off, les commentaires d’aller bon train. Commentaires qui, on le comprendra, viennent principalement des sceptiques. Les partisans de la réserve de gestion compte 10, eux, se contentent d’espérer en silence… et de faire circuler l’information.
« La viticulture est très partagée sur le sujet disent les “réservo-sceptiques“. Certains croient que les arbres montent au ciel. D’accord, l’interprofession est un lieu de “raisonnement partagé“. Pourtant la réserve de gestion va être portée et financée par la viticulture. Si, dans deux ans, la tendance s’inverse, ce n’est pas le négoce mais la viticulture qui en fera les frais. La jeune génération n’a pas connu les difficultés commerciales. Elle est en train de refaire les mêmes
bêtises. »
D’autres avis pointent la difficulté de mise en œuvre. « Les viticulteurs proches de la retraite n’en feront pas ou peu, pour des raisons essentiellement fiscales (ne pas "traîner" une comptabilité sur le long terme). Les livreurs de vin auront du mal aussi, de même que les petites structures. Tout le monde ne peut pas stocker en compte 10. Un système ultra-libéral n’est-il pas en train de se profiler à l’horizon ? » Pourtant le reproche le plus couramment entendu porte sur le côté « à l’emporte-pièce » du nouveau projet de réserve. « La majorité des viticulteurs se satisfaisaient des 10,52. Fallait-il “en remettre une couche“ ? D’autant plus que ces 10 ou 15 000 hl AP potentiels paraissent bien dérisoires face aux 750 000 hl AP que la région s’apprête à mettre en stock. » Et de souligner que « ces 750 000 hl AP couvrent déjà amplement les ventes actuelles ». Sont également évoqués les possibles distorsions de traitement entre viticulteurs informés et ceux qui ne le seraient pas.
Ceci dit, la réserve de gestion libérable en compte 10 ne recueillent pas que des avis négatifs. Certains la considèrent comme une « vraie réserve de gestion », la seule qui devrait subsister à terme. Car, disent-ils, « la réserve libérable en compte 4 n’est ni plus ni moins “qu’un rendement différencié“. Souhaitons que les ventes de VSOP aient progressé de 25 % dans 4 ans, pour absorber les 70 000 hl AP mis en stock cette campagne. »
Si la profession s’accorde sur le principe de la réserve de gestion compte 10, faudra-t-il encore que les autorités de tutelle l’entérinent. Une étape indispensable même si, en région, on a de plus en plus tendance à penser que ce qui est décidé à Cognac s’applique sans coup férir. « Sur le papier », l’accord des autorités de tutelle ne semble pas évident à obtenir, compte tenu des « contraintes d’agenda ». Que ce soit le Comité régional INAO, l’assemblée plénière du BNIC, l’ODG Cognac… Auprès de toutes ces instances, l’éventuelle décision d’instaurer une nouvelle réserve de gestion arriverait hors délai. Mais « nous sommes en Charentes » et tout est possible.
Rendons à César… Une nouvelle fois, Rémy Martin a été la première maison de Cognac à communiquer ses prix d’achat de la récolte 2011 (prix des eaux-de-vie 00). D’une certaine façon, elle a mis fin au round d’observation auquel se livrent tous les ans à même époque les négociants (attendre que telle maison ou tel groupe de maisons dévoilent ses prix pour livrer les siens). Le 14 septembre, le conseil d’administration d’Alliance Fine-Champagne a officialisé les prix qui avaient mûri tout l’été lors des échéances au sein de la coopérative. Ils augmentent de 5,5 %, ce qui donne, en prix de base, des Petites Champagnes à 900 € l’hl AP (hors frais, hors prime) et des Grandes Champagne à 985 € l’hl AP. Si l’on y ajoute les frais acquittés par Rémy Martin au nom du viticulteur (taxe BN, frais de transport) ainsi qu’une prime qualité pondérée, le prix moyen payé par Rémy Martin s’élève à 920-924 € l’hl AP en Petite Champagne et à 1002-1010 €/hl AP en Grande Champagne. En accentuant l’effort sur les prix – 3 % l’an dernier, 5,5 % cette année – Vincent Géré, directeur des domaines et de l’œnologie Rémy Martin, a parlé d’une « attitude leader ». « Nous sommes leader sur les prix des Grandes Champagnes et très bien positionnés sur ceux de Petite Champagne. » Dès la prise de décision en conseil d’administration, un courrier, signé d’Alain Bodin et de Vincent Géré, a été envoyé aux livreurs. « Les viticulteurs ont besoin de savoir au plus vite. » En ce qui concerne les autres maisons, les observateurs tablaient, deuxième quinzaine de septembre, sur des évolutions de prix du même ordre, « entre 5 et 7 % ». Certains parlaient même d’une progression « mécanique », compte tenu du prix des vins de distillation dans les crus périphériques. « Et encore n’arriverons-nous pas à couvrir toutes les demandes alors que les 750 000 hl AP sont quasi contractualisés. » Emballement de marché ! On pourrait le croire même si personne n’est vraiment dupe. Par expérience, intuition, beaucoup savent que, dans le contexte actuel, un risque de retournement existe. Et d’ausculter à la loupe le niveau d’optimisme des négociants, semaine après semaine, chiffres de sorties après chiffres de sortie. « Il faudra se montrer extrêmement professionnels dans les mois qui viennent. »
Les statuts sont pratiquement écrits et le nom est connu. La nouvelle structure qui doit rassembler SGV et SVBC s’appellera UGVC, Union générale des viticulteurs pour l’AOC Cognac. Si tout se passe comme prévu, l’assemblée générale constitutive devrait avoir lieu début novembre. Auparavant, les dirigeants des deux syndicats participeront ensemble à des réunions d’information dans les cantons. L’occasion aussi pour eux d’évoquer les élections à l’ODG Cognac (envoi du matériel électoral autour du 6 octobre). A ce scrutin, les deux syndicats présenteront une liste commune composée de 68 membres : 37 délégués émanant du SGV et de 31 délégués issus du SVBC (base des élections 2008). Quant aux règles d’engagement à la nouvelle Union, elle prévoit une représentation des syndicats à parité (50/50) avec un vote à la majorité des deux tiers. Actuellement, les deux syndicats planchent sur une plate-forme commune, baptisée « Projet viticole ». Y figurent trois grands axes : un axe revenu, un axe communication/information et un axe « aide aux viticulteurs. »