Note technique nationale de gestion de la résistance 2014 aux maladies de la vigne

22 avril 2014

La Rédaction

Cette note a été rédigée par un groupe de travail réunissant des experts de la Direction générale de l’Alimentation – Sous-direction de la Qualité et de la Protection des Végétaux (DGAL-SDQPV), de l’Agence nationale de sécurité sanitaire-unité Résistance aux Produits Phytosanitaires (Anses-RPP), de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), du Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC), de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) et des Chambres d’agriculture. La présente note a pour objectif de décrire la situation de la résistance vis-à-vis du mildiou, de l’oïdium et de la pourriture grise dans le vignoble français, et de donner des recommandations d’utilisation des fongicides concernés par ce phénomène. Elle doit aider les viticulteurs et leurs conseillers à gérer les situations de résistance générées par l’utilisation répétée de certaines substances actives et permettre ainsi de maintenir une efficacité de la protection dans un objectif de réduction des traitements.

 

 

Les données et recommandations de cette note se basent sur une synthèse nationale d’informations :

– Les résultats du plan de surveillance national de la résistance aux produits phytopharmaceutiques. Ce plan de surveillance participe au suivi des effets non intentionnels des pratiques agricoles de l’axe 5 (surveillance biologique du territoire) du plan ECOPHYTO. Les analyses sont réalisées, en collaboration, par le laboratoire de l’unité Résistance aux Produits Phytosanitaires de l’Anses de Lyon et les laboratoires de l’INRA.

– Les résultats d’autres plans de surveil-lance comme celui du Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC) et des données de terrain, notamment issues d’essais d’efficacité en situation de résistance.

Toutes les substances actives rentrant dans la composition des préparations autorisées pour protéger la vigne contre ces trois maladies sont listées dans cette note. Les recommandations concernent uniquement la gestion des phénomènes de résistance, sans se prononcer sur les efficacités intrinsèques des différentes substances actives considérées.

Les conditions de réussite de la protection du vignoble vis-à-vis des maladies sont d’autant plus favorables que sa mise en œuvre est accompagnée d’une qualité de pulvérisation irréprochable et de mesures prophylactiques qui viennent limiter le développement des champignons.

Ces mesures participent à la diminution de la pression de sélection sur les champignons et, de ce fait, contribuent à la limitation du risque de résistance.

Pour l’ensemble des maladies, les mesures prophylactiques passent par la limitation de la vigueur par le raisonnement, dès la mise en place de la vigne, du choix d’un porte-greffe adapté, et éventuellement du cépage et du clone. Sur une vigne en production, la vigueur peut se maîtriser par la diminution des apports (notamment azotés) et par l’enherbement permanent (spontané ou maîtrisé) : en fonction des possibilités techniques et de la diminution de vigueur recherchée, la largeur de la bande enherbée pourra être modulée ; des rognages raisonnés pour éliminer la jeune végétation (très sensible au mildiou) et permettre une meilleure pénétration de la pulvérisation, améliorant l’efficacité de la protection.

En ce qui concerne plus spécifiquement le mildiou, il convient en outre d’éviter la formation de mouillères en réalisant un drainage du sol, d’éliminer tous les rejets (pampres à la base des souches, plantules issues de la germination de pépins…) qui favorisent l’installation des foyers primaires de mildiou et participent au démarrage précoce de l’épidémie.

En ce qui concerne plus spécifiquement la pourriture grise, la prophylaxie doit s’appliquer, quel que soit le risque parcel-
laire.

En cas de risque faible, la prophylaxie suffit et dans ce cadre, il convient de bien aérer les grappes par une taille et un mode de palissage qui assurent une répartition homogène des grappes. L’ébourgeonnage, le rognage, l’effeuillage et, éventuellement, l’éclaircissage permettent d’éviter l’entassement de la végétation.

Limiter les blessures des baies par une maîtrise correcte des vers de la grappe et de l’oïdium lors de fortes pressions contribue à minimiser les portes d’entrée du champignon dans les baies.

Gestion de la résistanceau mildiou en 2014

En 2013, le plan de surveillance national de la résistance a concerné deux groupes d’anti-mildiou : les CAA (regroupant diméthomorphe, iprovalicarbe, benthiavalicarbe, mandipropamid et valifénalate) et les QiI (cyazofamide). L’ametoctradine, utilisée pour la première fois en 2011, est considérée comme faisant partie de ce dernier groupe.

La recherche de la résistance est réalisée à l’aide de tests biologiques. Les sporanges de mildiou sont mis en présence de différentes concentrations de fongicides. L’analyse met en évidence la présence plus ou moins importante de phénotypes résistants.

CAA

Malgré les recommandations à la baisse des fongicides de cette famille, la résistance n’a cessé de progresser. En 2013, la quasi-totalité des parcelles analysées dans les vignobles du Nord-Est (Champagne, Bourgogne, Beaujolais) présente des souches résistantes. Cette situation peut être généralisée à l’ensemble des vignobles français comme démontré au cours des années antérieures.

Néanmoins, en 2014, la surveillance sera étendue à l’ensemble des vignobles pour dresser une situation nationale, par vignoble. Mais il sera nécessaire de s’assurer, par des essais de terrain, que les substances actives concernées participent encore à l’efficacité des préparations qui les contiennent.

En ce qui concerne les QiI, depuis 2010, quelques souches résistantes ont pu être détectées dans un nombre très limité de situations. La résistance semble être liée à un mécanisme de respiration alternative, dont l’incidence au terrain est à démontrer. Du fait de la progression de l’utilisation de cette famille de fongicides, la surveillance sera maintenue en 2014.

Autres substances actives :

– pour rappel, après plusieurs années de suivi, aucune résistance à la zoxamide (33 populations testées) n’avait été décelée en 2010 dans le vignoble français ;

– le fluopicolide appartient au groupe chimique des acylpicolides. Aucune résistance spécifique n’est connue à ce jour ;

– en ce qui concerne le cymoxanil, dans le cadre de l’approbation de cette substance active, les préparations qui la contiennent sont en réexamen. La contribution de cette substance à l’efficacité des préparations est à démontrer.

QoI et anilides : pour ces familles, affectées par la résistance, il sera nécessaire de s’assurer, par des essais de terrain, que les substances actives concernées participent encore à l’efficacité des préparations qui les contiennent.

Gestion de la résistance à l’oïdium en 2014

En 2013, le plan de surveillance national portait essentiellement sur le mode d’action QoI (groupe chimique des strobilurines : azoxystrobine, krésoxim-méthyl, pyraclostrobine, trifloxystrobine). Des tests complémentaires ont été réalisés pour le quinoxyfène et les SDHI (boscalid).

QoI

La recherche de la résistance aux QoI est réalisée à l’aide de tests biomoléculaires sur les populations d’oïdium de chaque parcelle analysée (une parcelle = une population). Ces tests consistent, après identification du mécanisme de la résistance (ex : substitution d’un acide aminé dans une protéine), à rechercher la mutation responsable de ce mécanisme. Le risque de résistance en pratique est, entre autres, déterminé par (1) la fréquence de la mutation dans la population, (2) le facteur de résistance (rapport entre dose d’inhibition des individus résistants et dose d’inhibition des individus sensibles) qu’elle induit et (3) l’interaction avec des mécanismes de résistance additionnels.

Pour les QoI, le test biomoléculaire vise à la détection de la mutation responsable de la substitution d’un acide aminé en position 143 (G143A) de la protéine cible du fongicide. Il s’agit du principal mécanisme en jeu et celui-ci confère un facteur de résistance élevé. L’efficacité des substances actives de cette famille est donc directement liée à la fréquence de la mutation.

La résistance aux QoI, détectée pour la première fois en France en 2008 dans le vignoble d’Armagnac, n’a cessé de s’étendre et concerne désormais l’ensemble des vignobles. La résistance a significativement progressé d’année en année, que ce soit en nombre de populations présentant la mutation comme fréquence de mutation dans ces parcelles. Ainsi, en 2012, la mutation était détectée dans 68 % des populations analysées et à une fréquence de 45 %. En 2013, 98 % des populations sont concernées avec une fréquence moyenne de la mutation de 82 %. Par ailleurs, des essais réalisés en situation de résistance montrent que l’efficacité des substances actives de mode d’action de type QoI peut être affectée de façon importante.

IDM

La résistance aux IDM est recherchée par détection de la mutation responsable de la substitution d’un acide aminé en position 136 (Y136F) de la protéine cible du fongi-cide, laquelle confère un facteur de résistance modéré. D’autres mécanismes peuvent être impliqués dans la résistance mais la substitution Y136F reste un bon marqueur de perte de sensibilité aux fongicides du groupe des IDM. L’augmentation de la fréquence de cette mutation dans une population n’est pas susceptible d’entraîner systématiquement une perte d’efficacité.

Il n’y a pas eu, en 2013, de plan de surveillance national, mais ceux des années précédentes montraient la présence de la mutation (30 à 40 % des populations analysées en 2010, provenant de 10 régions viticoles). En 2012 où les analyses avaient eu lieu sur des parcelles avec perte d’efficacité, 80 % d’entre elles possédaient la mutation Y136F à un niveau supérieur à 75 % de souches résistantes dans les populations. Un plan de surveillance, mis en place par le CIVC en 2013, montre que 84 % des populations prélevées en Champagne présentent la mutation à une fréquence supérieure à 2 % et 19 % avec une fréquence supérieure à 30 %.

Des essais de terrain montrent une baisse d’efficacité liée à l’utilisation des IDM.

Azanaphtalènes

Les tests réalisés sur quinoxyfène (tests biologiques) ont été poursuivis en 2013. Ils confirment la présence de populations résistantes dans les échantillons testés. En Champagne où un plan de surveillance a été mis en place (tests biologiques), cette résistance est bien implantée. 44 % des populations collectées sont considérées, en test de laboratoire, comme étant hautement résistantes.

SDHI

Des tests ont été réalisés pour évaluer la résistance de l’oïdium au boscalid. Ils n’ont pas montré de dérive de sensibilité.

Une nouvelle substance à mode d’action SDHI est disponible : le fluopyram. Il est associé à la trifloxystrobine, substance de mode d’action QoI.

Amidoximes

Le cyflufenamid appartient à ce nouveau groupe chimique. Il est disponible seul ou associé au difénoconazole (mode d’action IDM).

Gestion de la résistance  la pourriture grise en 2014

Le plan de surveillance national de la résistance de la pourriture grise vise les 7 groupes chimiques concernés par ce phénomène. Parmi ceux-ci, 5 sont concernés par la résistance spécifique (résistance à un seul groupe chimique, voir tableau).

La recherche de la résistance est réalisée à l’aide de tests biologiques. Les spores de Botrytis cinerea sont mises en présence de doses discriminantes des fongicides. L’analyse met en évidence la proportion des phénotypes sensibles ou résistants dans le mélange de spores collectées. En 2013, la pression de la maladie a été forte dans la plupart des vignobles. Le caractère tardif et les conditions météorologiques de la campagne ont été favorables à la progression des foyers.

Dicarboximides

La proportion de parcelles présentant une résistance aux fongicides appartenant à ce groupe chimique, qui avait diminué de façon progressive et importante, retrouve son niveau de 2008, bien que leur utilisation devienne anecdotique. La fréquence des souches résistantes reste globalement stable et ne dépasse pas les 20 % dans les parcelles concernées.

Benzimidazoles

La résistance reste encore très présente. En 2013, environ 50 % des parcelles sont concernées avec une fréquence de souches résistantes qui se maintient autour de 20 %.

Anilinopyrimidines

Le pourcentage de parcelles présentant une résistance à cette famille chimique progresse dans toutes les régions et dépasse souvent les 80 %. Le pourcentage de souches résistantes dans les parcelles concernées progresse régulièrement, passant de 10 à pratiquement 30 % entre 2008 et 2013. En Champagne, avec une utilisation pluriannuelle de ce type de fongicides, la situation se stabilise avec 60 % de parcelles concernées dans lesquelles en moyenne 17 % des souches sont résistantes (plan de surveillance CIVC sur 120 parcelles).

Hydroxyanilines

Depuis 2004 (date de sa première détection en Champagne), la résistance au fenhexamid n’a cessé de progresser. C’est encore le cas en 2013 avec 70 % de parcelles concernées dans le vignoble français. Les vignobles du Nord-Est et en Pays de Loire sont les plus concernés. La fréquence de souches résistantes reste globalement stable autour de 30 % dans les parcelles concernées. A noter qu’en Champagne où est recommandée une utilisation strictement pluriannuelle du fenhexamid, la résistance a tendance à se stabiliser.

SDHI (carboxamides et pyridinyles-éthyl-benzamides)

La résistance a été détectée pour la première fois en Champagne en 2007, un an après le début de son utilisation. En 2013, on la rencontre sur l’ensemble des vignobles sur 30 % des parcelles en moyenne (2 fois plus qu’en 2012). La fréquence de souches résistantes dans les populations concernées se situe autour de 10 % dans la plupart des vignobles. En Champagne où est recommandée une utilisation strictement pluriannuelle du boscalid, la résistance reste stable.

Actuellement, les populations résistantes sont constituées d’au moins 7 phénotypes différents, pour lesquels il existe, chez certains d’entre eux, une résistance croisée entre le boscalid et le fluopyram.

Phénylpyrrolles et Pyridinamines

Pas de résistance spécifique observée.

La résistance multiple (MultiDrug Resistance ou MDR) induit une résistance croisée positive entre tous les anti-Botrytis spécifiques. Elle est rencontrée dans toutes les régions. Si le nombre de parcelles concernées par ce type de résistance a augmenté entre 2012 et 2013, la fréquence de souches résistantes dans les populations concernées reste relativement stable. En Champagne, le pourcentage de parcelles présentant la résistance reste stable et la fréquence de souches résistantes a diminué. Les facteurs de résistance sont faibles à moyens et ne semblent pas induire, en pratique, de baisse significative d’efficacité de la protection.

De façon générale, dans tous les vignobles à l’exception de la Champagne, on observe donc une progression du pourcentage de parcelles présentant de la résistance sur l’ensemble des modes d’action. Par contre, le pourcentage de souches résistantes pour chaque phénotype reste relativement stable dans les parcelles concernées à l’exception des anilinopyrimidines. Le plan de surveillance spécifique de Champagne montre qu’une utilisation pluriannuelle des modes d’action stabilise la résistance.
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