Cette note a été rédigée par un groupe de travail réunissant des représentants de la direction générale de l’Alimentation – sous-direction de la Qualité et de la Protection des Végétaux (DGAl-SDQPV), de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), du Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC), de l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) et des Chambres d’agriculture.
Une approche raisonnée de la protection du vignoble consiste à ajuster, chaque année, la stratégie de protection aux risques afin d’atteindre les objectifs fixés en termes de qualité et de quantité, avec un minimum d’interventions. Pour les aider dans cette tâche parfois délicate, les viticulteurs, en complément de leurs observations personnelles, peuvent s’appuyer sur les informations diffusées par les Bulletins de Santé du Végétal et les bulletins techniques des organisations professionnelles.
Dans cette approche, la gestion des phénomènes de résistance doit être prise en compte. Cette gestion repose en particulier sur la limitation annuelle des applications des fongicides d’un même groupe chimique et l’alternance sur la campagne des fongicides appartenant à des groupes différents. Ces mesures simples ont pour objectif, d’une part, de prévenir ou contenir les phénomènes de résistance et, d’autre part, de garantir l’efficacité des spécialités déjà concernées par la résistance.
Un plan de surveillance de la résistance aux produits phytosanitaires est organisé chaque année par la DGAl-SDQPV. Les analyses sont réalisées par le laboratoire de l’Unité de Résistance aux produits phytosanitaires de l’Anses de Lyon en collaboration avec l’INRA. Certaines données ont été communiquées par des sociétés phytosanitaires.
La présente note a pour objectif de décrire la situation de la résistance vis-à-vis du mildiou et de l’oïdium dans le vignoble français, et de préciser les conditions d’emploi des fongicides concernés par ce phénomène. Elle doit aider les viticulteurs et leurs prescripteurs à gérer les situations de résistance générées par l’utilisation répétée de certaines substances actives et permettre ainsi de maintenir l’efficacité de la protection dans un objectif de réduction des traitements.
mildiou
En 2010, le plan de surveillance de la résistance a concerné trois groupes d’anti-mildiou : les CAA (regroupant diméthomorphe, iprovalicarbe, benthiavalicarbe, mandipropamid et valifénalate), les benzamides (zoxamide), et les QiI (cyazofamide), nouveau groupe chimique utilisé pour la première fois pendant la campagne 2010.
Durant la campagne 2009, la situation de la résistance aux CAA s’était assez fortement dégradée et les sites résistants étaient devenus majoritaires dans la plupart des vignobles. En 2010, avec une pression du mildiou généralement faible à moyenne accompagnée d’une utilisation moindre des fongicides à base de CAA, la situation de la résistance vis-à-vis de ce groupe ne s’est pas améliorée. La résistance est toujours installée dans tous les vignobles. Au niveau national (71 populations testées), la fréquence des sites sensibles est à peine supérieure à 10 %. Dans ces conditions, la restriction à 1 application par an, éventuellement 2 au maximum non consécutives, est souhaitable. De plus, les spécialités à base de CAA doivent être utilisées préventivement et ne pas être appliquées en situation d’attaques déclarées. Ces recommandations doivent permettre de sécuriser l’efficacité de ces spécialités dans toutes les situations ; les résultats des monitorings des années prochaines diront si elles suffisent pour faire reculer la résistance.
En 2010, la cyazofamide est le seul représentant de la famille des QiI (Quinone inside Inhibitors). La sensibilité de 59 populations de mildiou a été testée vis-à-vis de cette substance active. Dans 4 populations provenant de 4 vignobles différents, la présence de souches résistantes a été identifiée. Cette présence devra être confirmée.
L’expression au vignoble de la résistance aux QiI après seulement une année d’emploi de cette famille est inquiétante et impose une attitude de prudence pour prévenir une extension du phénomène. Dans l’attente de résultats complémentaires en 2011 et connaissant le risque potentiellement élevé du développement de la résistance inhérent à cette famille et à ce champignon, il est conseillé pour 2011 de ne pas dépasser 2 applications annuelles, de préférence non consécutives.
Enfin, aucune résistance à la zoxamide (33 populations testées) n’a été décelée en 2010 dans le vignoble français.
Pour toutes les familles affectées par la résistance, il sera nécessaire d’intensifier les études pour s’assurer que les substances actives concernées participent encore à l’efficacité des spécialités qui les contiennent. Considérant les orientations du plan Ecophyto 2018, cette connaissance s’avère indispensable.
Courant 2010, trois nouvelles substances actives ont obtenu une autorisation de mise sur le marché. Le fluopicolide appartient à une nouvelle famille chimique (les acylpicolides) pour laquelle aucune résistance spécifique n’est connue à ce jour. Il est associé au fosétyl Al. La notification d’autorisation de mise sur le marché précise de ne pas dépasser 1 application tous les 2 ans. Même si cette restriction n’est pas liée à la résistance, son respect devrait prévenir efficacement le développement éventuel de ce phénomène.
L’amétoctradine appartient à la famille chimique des pyrimidylamines. Elle est actuellement associée au métirame. Son mode d’action n’est pas totalement identifié, mais il pourrait s’apparenter à celui des QiI. Une résistance croisée positive avec la cyazofamide n’est donc pas à exclure. Dans ces conditions, la restriction d’emploi à deux applications annuelles édictée plus haut s’applique globalement à toutes les spécialités contenant l’une ou l’autre de ces substances actives. Enfin, la troisième molécule autorisée est le phosphonate de potassium. La notification d’autorisation limite son utilisation à 5 applications par an maximum.
oïdium
En 2010, le plan de surveillance a porté sur deux familles de fongicides : les QoI (strobilurines = azoxystrobine, krésoxim-méthyl, pyraclostrobine, trifloxystrobine) et les IDM (IBS du groupe I = voir tableau).
La résistance aux QoI, détectée pour la première fois en France en 2008 dans le vignoble d’Armagnac, avait progressé en 2009 mais était restée cantonnée à cette zone viticole. En 2010, la situation s’est détériorée puisque des populations contenant des souches résistantes ont été découvertes dans sept autres régions viticoles.
Cependant, la résistance n’est pas généralisée. Sur les 54 parcelles échantillonnées, seules 12 populations (22 %) contiennent des souches résistantes (présentant la mutation G143A) ; cependant, dans 1 cas sur 2, la fréquence de cette mutation est supérieure à 50 %.
Le suivi de la résistance aux IDM a été réalisé sur 54 échantillons provenant de 10 régions. Les résultats de 2010 confirment ceux de 2009 ; ils montrent que 30 à 40 % des populations analysées contiennent des souches résistantes aux IDM (mutation Y136F).
mildiou-OÏDIUM : la prophylaxie, des mesures préventives indispensables
Les conditions de réussite de la lutte chimique vis-à-vis de ces deux maladies sont d’autant plus favorables que sa mise en œuvre est accompagnée de mesures prophylactiques qui viennent limiter le développement des champignons. Citons :
– maîtriser la vigueur des souches (choix du porte-greffe, fertilisation adaptée, enherbement…) ;
– éviter la formation de mouillères en réalisant un drainage du sol (mildiou) ;
– éliminer tous les rejets (pampres à la base des souches, plantules issues de la germination de pépins…) qui favorisent l’installation des foyers primaires de mildiou et participent au démarrage précoce de l’épidémie,
– aérer la zone de grappes (palissage, effeuillage…) ;
– réaliser des rognages réguliers pour éliminer la jeune végétation très sensible au mildiou.
En outre, tous ces travaux en vert, en permettant une meilleure pénétration de la pulvérisation, améliorent l’efficacité de la protection.
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