Lancée à l’occasion du dernier Salon de l’agriculture, l’idée d’une filière vins Poitou-Charentes s’est concrétisée le 22 novembre dernier. Les cinq régions viticoles du Poitou-Charentes créent dans un premier temps une association avec l’optique d’évoluer très vite vers un comité régional des vins du Poitou-Charentes. La mutualisation des moyens est au centre de la démarche.
« Ils l’avaient dit, ils l’ont fait ! » Roger Girard n’en revient pas. Il y a huit mois, le président du Comité de promotion des vins de pays charentais participait au Salon de l’agriculture à Paris, où la région Poitou-Charentes était invitée d’honneur. Comme ses collègues, il avait apprécié de partager un stand avec d’autres viticulteurs picto-charentais, de la Vienne et des Deux-Sèvres. Pour beaucoup, cette rencontre sonnait comme une découverte mutuelle. Qu’elle se prolonge par des liens plus formels n’était pas gravé dans le marbre. Et pourtant, ce 22 novembre à Mirebeau (86), petite ville toute proche de Neuville-du-Poitou, 150 personnes dont la moitié de viticulteurs se pressaient dans la salle de réception de la famille Brothier, propriétaire du domaine viticole de Willemont (Haut-Poitou), pour fêter la naissance de la filière des vins Poitou-Charentes. Ce « mariage de régions » doit, semble-t-il, beaucoup à un homme, Jean-Luc Cauquil. Responsable « commerce et tourisme » à la CRCI (Chambre régionale du commerce et de l’industrie du Poitou-Charentes et du Limousin), ce dynamique jeune homme avait été désigné par le grand ordonnateur du Salon, Marc Duloroy, pour coordonner le stand des vins de la région. A vrai dire, J.-L. Cauquil n’avait pas été choisi au hasard. Il avait su exprimer sa fibre vinicole, une sensibilité peut-être renforcée par ses origines midi-pyrénéennes – il est de Mazamet – et par un séjour à l’antenne de Saintes de la Chambre de commerce 17. Alors que le Salon de l’agriculture ait servi de déclencheur, allait-on s’arrêter en si bon chemin ? L’enthousiasme de Jean-Luc Cauquil a su faire des émules parmi les professionnels et l’interconsulaire, Jacques Maroteix en tête, président de la Chambre régionale d’agriculture. Ce dernier était présent à Mirebeau, en compagnie des cinq présidents de syndicats viticoles et du président du Comité de promotion des vins de pays charentais.
Quel paysage offre le vignoble picto-charentais ? Vu des Charentes, on le réduirait assez volontiers à la région délimitée Cognac au sud et à l’enclave viticole des vins du Haut-Poitou au nord. Et l’on a tort. A la surprise générale, des vignes existent dans le nord-Vienne et dans le nord-Deux-Sèvres. Si ces vignobles relèvent de la sphère d’influence du Val de Loire, les vignerons de ces régions manifestent un fort attachement à leurs départements d’origine (voir descriptif de chaque vignoble). Ainsi, oh surprise ! la région Poitou-Charentes compte deux AOC – AOC Saumur dans le nord-Vienne, AOC Anjou dans le nord-Deux-Sèvres – deux VDQS – vins du Haut-Poitou et vins du Thouarsais – ainsi qu’un vin de pays, le vin de pays charentais. Au total, les vins du Poitou-Charentes représentent un potentiel de 4 200 ha, soit 0,5 % du vignoble national (914 000 ha). Toutes catégories de vins confondues, sa production s’élève à 438 000 hl vol. Il va sans dire que n’apparaissent pas dans ces chiffres les vignes vouées au Cognac ainsi qu’aux vins de table/vins de base. Ne sont prises en compte que les vignes affectées aux vins de pays, VDQS et AOC. Au plan administratif, la région Poitou-Charentes dépend de deux délégations ONIVINS, la délégation Val de Loire pour les vins du nord et la délégation Aquitaine pour les vins du sud.
Invités à exprimer leurs attentes, les présidents de syndicats ont tous insisté sur le manque de moyens et le besoin de trouver des synergies. « On aurait envie de faire des choses mais on ne peut pas les faire seul », a expliqué François Rat, président du Syndicat des vins du Haut-Poitou. Laurent Ménestreau, président de l’Association des producteurs de Saumur « secteur Vienne », a évoqué la « tempête viticole » qui sévissait partout, l’attachement à sa région et « l’importance de rester grouper ». Pour Pierre Lacroix, du nord-Deux-Sèvres, il est important de défendre l’image des produits régionaux. Quant à Roger Girard, président du Comité de promotion des vins de pays charentais, il a salué l’opportunité de rejoindre des collègues vignerons. « Le Cognac est un produit industriel. Bien que la qualité des vins de pays charentais se soit relevée, nous avons des leçons à prendre à vos côtés. Vous représentez pour nous un challenge. »
En terme d’organisation de la filière, le projet est de créer un comité des vins du Poitou-Charentes. A noter qu’il ne s’agit pas d’un comité interprofessionnel mais d’un comité à connotation promotionnelle. Cette structure pourrait voir le jour en 2005. Dans un premier temps, une association loi 1901 réunira les cinq vignobles, avec un bureau à présidence tournante.
Jean-Luc Cauquil a cité les objectifs du comité. En vrac, le but consiste à « faire connaître et reconnaître les vins de la région, mutualiser les moyens, développer des stratégies d’alliance ». Le tourisme viticole a droit à une mention spéciale et non seulement le tourisme mais aussi la valorisation des métiers de la vigne, « pour pallier un problème d’image ». Une autre action cible a trait au marché intérieur régional. A Poitiers, le vin de pays charentais pointe aux abonnés absents et dans l’île de Ré on ignore presque tout des vins du Haut Poitou. Plus grave encore : les vins ne sont pas prophètes dans leur propre région. « Allez en Bretagne et vous verrez si les produits bretons ne sont pas mis en avant ! » s’est exclamé J.-L. Cauquil. Il est prévu de créer un kit de promotion des vins régionaux à l’intention des professionnels. Hors région, on étudiera tous moyens de mutualiser les frais de salons, de procéder à diverses études pour mieux analyser l’offre et la demande. Tout ceci doit se faire avec les structures existantes, en développant une dynamique de partenariat et de réseaux. A titre d’exemple, a été évoqué l’idée de s’appuyer sur le Comité professionnel du Val de Loire, doté de moyens financiers et humains dont ne dispose pas la filière naissante. Parlant moyens, la présidente de Région, Ségolène Royal, a fait un passage éclair à la soirée de lancement. Elle a tout de même eu le temps de dire que la Région soutiendrait financièrement l’initiative. Message capté cinq sur cinq par les promoteurs du projet.
Vin du Haut-Poitou : le souffle de la coopération
La coopérative de Neuville est le poids lourd de ce vignoble de 754 ha produisant environ 50 000 hl vol. entre VDQS et vins de pays.
Le vin du Haut-Poitou a le statut de VDQS. Appartenant à la famille des AOC, il n’en présente pourtant pas toutes les caractéristiques. Une situation que François Rat, le président du syndicat, souhaite voir évoluer rapidement, afin que la qualité se rapproche de celle des vins de Saumur. Le décret est en cours de réécriture. Sur près de 800 ha, la cave de Neuville en collecte 450 à 500 ha, le reste se partageant entre une trentaine de caves particulières. Les surfaces viticoles des exploitations s’étalent de quelques dizaines d’ares à 27-28 ha. Les vins du Haut-Poitou sont rattachés au centre INAO d’Angers.
Vin du nord-Vienne : du Saumur mais de la Vienne
Si les vins du nord-Vienne appartiennent à l’appellation Saumur, ils se revendiquent de la Vienne.
Leur syndicat d’appellation existe depuis 1936. La surface du vignoble s’étend sur 500 ha, pour une production de 25 000 hl, moitié blanc (Chenin), moitié rouge (Cabernet). Ils sont une quarantaine de viticulteurs, coopérateurs et indépendants.
Vin des Coteaux du Thouet et de l’Argenton : la « queue » du Layon
En nord-Deux-Sèvres, cet excellent terroir classé Anjou produit entre autres des liquoreux dans le sillage des Coteaux du Layon, appellation dont ils ne peuvent se revendiquer.
Le vignoble court sur 15 communes et porte sur 800 ha. On y trouve une dizaine d’appellations, entre les différentes couleurs (Cabernet d’Anjou, Anjou rouge, Anjou Village…). Les surfaces des 20 à 25 exploitations viticoles varient de 10 à 60 ha.
Vin du Thouarsais : le lilliputien
Ce vin classé VDQS fait figure de lilliputien même si le vigoble remonte au XIe siècle.
En 1900, les vins du Thouarsais comptaient encore 200 ha. Aujourd’hui, ils n’en affichent plus que 25, exploités par cinq viticulteurs. C’est surtout un terroir de blanc (Chenin, Chardonnay) avec un peu de rouge (Gamay, Cabernet). Tous les ans, les 800 hl de VDQS sont labellisés par le syndicat créé en 1960.
Vin de pays charentais : le sudiste
Lancé au début des années 80, le vin de pays charentais représente aujourd’hui plus de 100 000 hl vol. Un millier de viticulteurs en produisent.
Les forces en présence : 200 viticulteurs indépendants, 20 caves coopératives, 2 sica, 5 négociants. La coopération maîtrise 60 % de la production avec des indépendants « qui ont relevé le gant de la qualité ».
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