Un Lieu Identitaire Et Patrimonial

18 mars 2009

Son ouverture est prévue printemps 2004. Place de la Salle-Verte à Cognac, entre Charente et cœur historique, le nouveau musée de la ville de Cognac se veut à la fois lieu identitaire et patrimonial. Complémentaire d’autres circuits de visites, il parlera de l’organisation des hommes, des territoires du Cognac et de ses industries associées, d’hier mais aussi d’aujourd’hui.

Galerie, carré, musée… entre ces différentes propositions de noms chargées de dépeindre le nouveau lieu, c’est en définitif le mot « musée » qui l‘a emporté. Le terme « musée » parle d’emblée au public qui sait ce qu’il va y trouver. Mais n’attendez pas du musée des Arts du Cognac un lieu embaumant la naphtaline, exsudant la poussière des collections. Non, il s’agira d’un endroit vivant, totalement contemporain, dans la veine des nouveaux lieux de culture scientifique, technique et industriel. Du musée, il conserve la prééminence de l’objet, la notion de collections et le souci d’offrir au public un lieu de référence. De l’industriel et du patrimonial, il cultive l’ambition de sortir l’objet de sa vitrine, qu’il parle aux visiteurs et qu’il témoigne du vivant. « C’est un endroit qui doit exprimer l’identité d’une ville et plus encore d’un territoire » confirme Laurence Chesnau-Dupin, conservatrice du musée de Cognac, en charge du projet en lien avec les élus.

L’idée d’un tel lieu remonte loin dans le temps. Dès la fin des années 80, la municipalité de Cognac a la volonté de valoriser l’histoire des industries annexes qui se sont développées dans le sillage du Cognac. Elle souhaite aussi revivifier le cœur historique de la ville à travers l’implantation d’un équipement culturel de qualité. Après Francis Hardy, Jérôme Mouhot et son équipe s’empare du projet. Soumis à étude à partir de 1996, le nouveau bâtiment prend corps. L’enveloppe est pratiquement achevée aujourd’hui. Parallèlement, la jeune conservatrice du musée, recrutée par la municipalité il y a deux ans et demi, s’imprègne de la philosophie du projet, en comprend les enjeux, découvre les différentes filières et leurs métiers. A un peu moins d’un an de l’ouverture, les salles sont prêtes à recevoir les collections, tout l’aspect muséographique (installations, lumière, vitrines, cartels, bornes interactives, audiovisuels…) a été pensé. Le déménagement d’une partie des collections de l’ancien musée de Cognac vers le nouveau va débuter dès septembre prochain pour s’achever sans doute tout près de la date d’ouverture. En avant-première, nous avons découvert un lieu magique car encore vide mais rempli de promesses et de richesses à venir. Visite guidée.

Début de la visite, place de la salle-verte

C’est de la place de la Salle-Verte – face à la Charente et sa « gabare » – que le visiteur accédera au musée des Arts du Cognac. Dans cet espace d’accueil qui va forger sa première impression, l’y attend une rampe de pieds de vignes qui épouse le dénivelé du terrain (nous sommes sur les remparts de l’ancienne ville fortifiée). Sont plantés là neuf cépages différents, certains d’avant le phylloxera, d’autres issus de la diversification. L’IREO et son conservatoire du vignoble charentais gère cette partie. Architecture et matériau (du béton de schiste) donnent un ton résolument contemporain à l’ensemble, qui se patinera lorsqu’on accédera de manière quasi imperceptible à l’hôtel particulier Perrin de Boussac, dans le prolongement du nouveau bâtiment. Au rez-de-chaussée, le hall d’accueil ouvre sur une verrière et un patio destinés à accueillir un bar où l’on viendra prendre thé, café, boissons désaltérantes. Le souhait des promoteurs du projet : que les gens du cru s’approprient ce lieu de rencontre, d’accès libre en dehors du musée.

Le parcours débute de manière assez classique par une galerie où alternent ombre et lumière, espace un peu sombre et confidentiel et vue plus dégagée (notamment par une avancée vitrée qui plonge dans le vide – sensation garantie – censée illustrer la tour de guet, dite « de Lusignan »). Dans ces travées seront présentées différentes collections – flacons, emballages, objets divers – illustrant l’organisation des hommes, des territoires et de l’interprofession. Objectif : à travers ces objets, mettre en perspective l’économie du Cognac. Une frise chronologique permettra de remonter dans le temps.

Avec le processus d’élaboration du Cognac, on entre dans le vif du sujet. Sur de la terre reconstituée, des ceps seront plantés dans l’alignement des « vraies » vignes de l’extérieur. Cette salle permet d’aborder la conduite de la vigne, la vinification, avec présentation d’outils issus de l’ancien musée mais déployés ici de manière plus cohérente. Viendra s’insérer dans cette pièce « le » pressoir du musée, un mastodonte du XVIIIe siècle, pour lequel une fosse a été spécialement prévue. Son déménagement, du boulevard Denfert-Rochereau à la place de la Salle-Verte, promet d’être spectaculaire. A tel point que l’on a prévu d’en faire un événement en soi, lors de la journée du patrimoine, en septembre. Recours à l’audiovisuel pour témoigner de la dimension moderne du métier et même des dernières recherches scientifiques (avec le concours de la Station viticole et de son directeur Roger Cantagrel). Le parcours se poursuit par un jeu de manipulation olfactive où, entre autres, le visiteur sera invité à détecter la fameuse odeur de violette des eaux-de-vie de Borderies. Après un espace de transition et de repos matérialisé par une mezzanine, voilà le monde de la distillation et des eaux-de-vie, qui s’ouvre par le bel alambic maçonné de la collection du musée, lui aussi transporté du boulevard Denfert-Rochereau a la Salle Verte. Objets réels et audiovisuels donneront lieu à des regards croisés. On parlera aussi de fûts, non seulement comme récipients et outils de transport mais aussi comme ingrédients des eaux-de-vie.

Comment mieux évoquer le métier de maître de chai que d’utiliser les belles dimensions de l’hôtel de Boussac ou ce qui en reste, une façade préservée et, à l’intérieur, des hauteurs de plafonds et une cheminée classée. Qu’importe ! Par le mirage de l’aménagement muséographique, le visiteur pénétrera dans un salon feutré pour s’imprégner du rite initiatique des arômes et des assemblages. Juste à côté a été prévue une « évocation de chai », sans s’appesantir sur le sujet, la ville et la campagne environnante regorgeant de chais beaucoup plus réels.

Un espace consacré aux industries de l’emballage

Verrerie, imprimerie, caisserie, bouchons, design-packaging… Tout le rez-de-chaussée du musée sera consacré aux industries de l’emballage, si importantes dans l’univers du Cognac. C’est sous l’angle de l’aventure humaine que sera présenté Claude Boucher (1842-1913), inventeur de la verrerie moderne. Jusqu’en 1950, son système permettant de produire sept moules (sept bouteilles à la fois) restera insurpassé et si aujourd’hui les cadences se sont multipliées, la verrerie n’a toujours pas connu d’autre révolution technique. Originalité du musée : il va proposer un espace expliquant le processus de création d’un nouveau flacon, depuis le cahier des charges jusqu’au produit fini en passant par les croquis, maquette. Par souci d’équité, les exemples seront puisés auprès de plusieurs maisons, au gré du renouvellement des présentations. Au-delà du factuel, le musée essaiera de faire passer au public quelques messages un peu plus ténus, comme de dire que le bon goût et le luxe ne se déclinent pas de la même façon partout dans le monde ; ou encore que, dans le Cognac, la création a été marquée par quelques grandes phases, même s’il est toujours difficile d’en marquer les étapes. Sans inquiéter le visiteur mais en l’informant, on lui dira un mot de la contrefaçon, comme on l’invitera à un espace de « consommation virtuelle », histoire de lui donner une irrépressible envie de pousser la porte d’un chai de viticulteur ou de négociant. « On se gardera bien de le faire déguster ici » promet Laurence Chesneau-Dupin. La visite se refermera par la possibilité de consulter les magnifiques collections d’affiches et d’étiquettes du musée, l’occasion de découvrir par un prisme plus personnel les multiples opérateurs du Cognac, actuels ou du passé. Les concepteurs du musée émettent un souhait : que la qualité, exprimée à travers les différents métiers, serve de thème fort et fédérateur à l’ensemble du parcours. Des bornes informatiques permettront de renvoyer les visiteurs vers les autres lieux ouverts au public.

Renseignements pratiques

Le musée des Arts du Cognac sera ouvert selon trois plages horaires : en haute saison de 10 h à 18 h, en moyenne saison (mars, avril et octobre) un peu le matin et tous les après-midi, l’hiver de 14 h à 17 h. Pour les gens de Cognac et du Cognac, une carte privilège sera instaurée pour faciliter l’accès au musée (pouvoir y venir et y revenir). La direction du musée a opté pour les visites libres, sans casques audio mais avec cartels explicatifs et audiovisuels brefs (entre 4 et 5 mn), en français et en anglais. Des visites accompagnées seront également possibles. En terme d’effectifs, seize personnes sont prévues pour faire fonctionner les deux sites, musée Denfert-Rochereau et musée des Arts du Cognac (y compris l’administration), avec du personnel saisonnier en appoint. La naissance du musée des Arts du Cognac ne signera pas la disparition de l’actuel musée de Cognac. Ce dernier va être repensé dans son aménagement (datant des années 50) et dans l’orientation à donner à ses collections.

Centre d’accueil des visiteurs : un concept innovant

Avec son centre d’accueil des visiteurs, tout proche du nouveau musée, la communauté de communes de Cognac souhaite mettre en valeur l’ensemble des atouts touristiques de la région, pour que le touriste de passage se transforme en touriste de séjour.

« A 95 %, les gens qui viendront visiter le musée auront l’intention de rester une journée à Cognac. L’idée est qu’ils y passent au moins une nuit. » Olivier Pucek, directeur adjoint de la communauté de communes de Cognac, fait partie du clan des pragmatiques. Il sait que la politique des petits pas est le plus sûr moyen d’arriver au but. La communauté de communes a mis du temps à monter le projet de centre d’accueil mais un « projet bien pensé et bien validé est à moitié gagné ». Il sait aussi qu’il appartient aux collectivités publiques d’avoir une politique volontariste. « Si l’on attend que les initiatives se développent d’elles-mêmes, c’est le chat qui se mord la queue. » Et de citer la région d’Alsace, célèbre pour ses villages viticoles, qui savent se montrer si accueillants aux visiteurs. Par comparaison, « c’est tout un travail de trouver un bistrot ouvert entre Segonzac et Rouillac. Mais, s’il n’y a pas de clients ! Il faut enclencher la mécanique ». L’Alsace, toujours elle, véhicule un ensemble d’image et de valeurs qui dessinent les contours d’un territoire bien précis. Rien de tel ici où, en dehors de Cognac, le visiteur flotte un peu dans l’espace. Ce que la communauté de communes recherche, avec son concept de centre d’accueil, c’est justement de remailler ce territoire, pour en proposer une vision lisible et attractive au touriste. En gommant les frontières. De l’église de Pérignac, joyau de l’art roman, au village gabarier de Saint-Simon, des porches viticoles du Pays bas de Matha aux moulins du Né en passant par le théâtre des Bouchaud, c’est du même terroir dont on parle.

Deux objectifs animent le centre d’accueil : maintenir la clientèle d’excursionnistes, de plus en plus courtisée par de nouveaux sites, et développer une clientèle de séjour. Ce serait faux de prétendre, comme on l’entend parfois, que Cognac « n’est qu’excursionnisme ». La politique de séjour existe déjà dans la bonne ville de François Ier. Avec 30 000 nuitées, Cognac fait mieux qu’Angoulême mais arrive derrière un gros camping de la côte.

« Nous sommes cousins et même frères car nous avons le même père. » Ville de Cognac et communauté de communes ont en effet le même homme à leur tête, Jérôme Mouhot. Pas étonnant qu’elles aient choisi d’associer leurs équipements – musée des Arts du Cognac et centre d’accueil – pour jouer groupées. Un accès direct au musée a même été prévu dans l’ancienne maison Augier, destinée à abriter le centre d’accueil (les travaux sont en cours).

Parce que son concept a été considéré comme innovant, le centre d’accueil devrait bénéficier d’un financement important – on parle de 80 % – des autres collectivités (Etat, Région, fonds européens) sans contribution par contre des autres communautés de communes.

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