Moral Au « Beau Fixe » Pour La CARC

15 mars 2009

 

j_p_auboin_opt.jpeg

M. Jean-Paul Auboin, le directeur de la CARC.

La CARC a tenu son assemblée générale dans le courant du mois décembre dans un climat d’optimisme. Le redressement spectaculaire du marché des céréales et la demande soutenue de vins de distillation et d’eaux-de-vie dans la région de Cognac ont permis aux agriculteurs et aux viticulteurs de retrouver des marges de manœuvre économiques nettement plus importantes. La coopérative bénéficie pleinement de ce contexte plus porteur d’autant que l’entreprise avait eu une stratégie de développement depuis quelques années.

 

 

 

 

 

« Le Paysan Vigneron » – Le déroulement du dernier exercice de la CARC est-il conforme aux objectifs que vous vous étiez fixés ?

Jean-Paul Auboin, le directeur de la CARC – L’exercice 2006-2007 s’inscrit dans la continuité de stratégie de développement que nous nous étions fixée depuis quelques années. La nouvelle implantation du siège de la coopérative dans la zone du Mas-de-la-Cour, le lancement de l’Ecovigne et l’implantation du magasin Gamm Vert qui représentent des projets importants pour notre entreprise, commencent à entrer dans une phase pleinement opérationnelle. Au cours du dernier exercice, nous avons enregistré un net développement de toutes ces activités. L’installation du siège de la coopérative dans des infrastructures plus fonctionnelles semble satisfaire le conseil d’administration, le personnel et les adhérents. L’activité Ecovigne poursuit son développement à un rythme supérieur aux prévisions. Le magasin Gamm Vert a vu son activité franchir un palier important depuis que le nouveau rond-point sur la route de Segonzac a été mis en place.

« L.P.V. » – D’un point de vue financier, quels sont les résultats de l’exercice 2006-2007 de la coopérative ?

J.-P.A. – Cet exercice a été marqué par des événements importants qui ont impacté de façon positive les résultats de la coopérative. Le chiffre d’affaires de la branche approvisionnement enregistre une hausse de 22 % qui est peu liée à l’augmentation en valeur des produits. Seul, le prix des engrais a augmenté de 5 %. La nette progression des appros se répartit de la manière suivante, + 10 % pour les engrais (lié en grande partie à l’augmentation des fumures vignes), une stabilité des semences et + 25 % sur les produits phytosanitaires. La hausse du segment de marché phytosanitaire est liée à la forte pression d’oïdium en juillet 2006 et au développement des surfaces de colza. L’effet mildiou du printemps et de l’été 2007 se fera surtout sentir sur le prochain exercice car nous avons beaucoup sorti de produits en juillet. Les aliments du bétail, même s’ils représentent une part faible de l’activité appros, ont connu une progression spectaculaire de 37 %.

« L.P.V. » – La filiale Ecovigne a-t-elle atteint ses objectifs de rentabilité ?

J.-P.A. – Nous sommes très satisfaits du fonctionnement d’Ecovigne car cette filiale a vu son chiffre d’affaires progresser de 67 %. Au 30 juin dernier, Ecovigne a atteint 1 million d’euros, ce qui est très encourageant. L’activité s’articule autour de trois pôles de fournitures bien différenciés, la taille et le matériel de palissage (50 %), l’hygiène des chais avec la cuverie et la sécurité (local phytos, protection individuelle), et les produits œnologiques avec les pompes et autres accessoires (conditionnement des bouteilles). Le succès de l’ensemble de cette activité est lié au concept de fonctionnement qui permet d’avoir une offre large de produits. La mise en commun de moyens initiée par In Vivo pour créer une centrale d’achat semble être une bonne initiative. Cela permet de négocier avec les fournisseurs des marchés à l’échelon national et de réfléchir ensemble au développement de nouveaux produits.

« L.P.V. » – Le magasin Gamm Vert est-il dans la même dynamique de développement ?

J.-P.A. – C’est le premier exercice complet du magasin Gamm Vert et la progression du chiffre d’affaires de 33 % est déjà une grande satisfaction. Le démarrage de cette activité avait été un peu pénalisé par des problèmes d’accès routier à notre secteur de la zone du Mas-de-la-Cour, mais depuis l’aménagement du rond-point sur la route de Segonzac la fréquentation du magasin s’est nettement accentuée. La croissance de l’activité est vraiment encourageante et sur le prochain exercice les perspectives économiques s’annoncent beaucoup plus satisfaisantes.

« L.P.V. » – La collecte céréalière de la coopérative suite à la récolte 2006 a-t-elle été bonne ?

J.-P.A. – Nous avons effectivement réalisé une très bonne collecte puisque nos volumes ont augmenté de 12 %. Cette augmentation doit tout de même de tenir compte de certains dépôts de récolte d’agriculteurs qui n’avait pas vendu une partie de leur production en fin d’exercice. Malgré des rendements moyens en blé et en orge, la collecte sur ces deux productions est en hausse de 10 %. Le maïs progresse de 25 % en raison à la fois de rendements et des surfaces en net accroissement. Au niveau des oléagineux, la production de colza s’est accrue de 30 % et celle des tournesols est restée stable. Le chiffre d’affaires de la collecte a progressé de 31 % sur cet exercice, en raison d’un retour à un marché plus porteur.

« L.P.V. » – Comment interprétez-vous le retournement de marché qui s’est produit au cours de cet exercice ?

J.-P.A. – La production mondiale a été inférieure aux besoins de la consommation, ce qui a entraîné une diminution des stocks de céréales à des niveaux très bas. Ce contexte de sous-production a fait remonter les cours et en plus des phénomènes de spéculation ont amplifié la hausse. Le système des ventes à terme a favorisé les investissements des fonds de pension qui ont spéculé sur la hausse des matières premières agricoles comme le blé et le maïs. Le marché est donc entré dans une dynamique haussière au sein de laquelle on a du mal à discerner la part réelle du déficit de la demande et la part du spéculatif. Si les niveaux de production dans le monde ont du mal à reconstituer les niveaux de stocks, la tendance haussière sera durable.

« L.P.V. » – Considérez-vous que les niveaux de prix élevés de l’année 2007 puissent se pérenniser dans le temps ?

J.-P.A. – Nous avons observé des prix de ventes de céréales inespérés avec des pointes pour des marchandises rendues dans les ports de presque 300 €/t pour le blé tendre. Pour le blé dur, l’effet petite récolte a été encore plus fort puisque des marchés se sont traités à 400 €/t (rendue port). Du côté des oléagineux, le colza a dépassé le seuil des 380 €/t et pour les tournesols les utilisations énergétiques (T. oléique) ont complètement asséché les silos, ce qui a fait grimper les destinations alimentaires à des niveaux de prix que l’on n’avait jamais connu. Dans un tel contexte, il faut essayer de garder la tête froide car beaucoup de spécialistes pensent que ces prix sont des niveaux record qui ne reflètent pas la réalité économique. La conjoncture globale sur le marché des céréales est bonne mais des effets de conjoncture extérieurs à la filière céréalière tirent les prix moyens vers le haut. L’augmentation du prix des céréales a aussi des conséquences multiples et cela se ressent déjà au niveau des aliments du bétail qui eux aussi voient leurs prix grimper.

« L.P.V. » – Ce nouveau contexte de marché ne va-t-il pas relancer la conduite des itinéraires culturaux avec des objectifs de forte productivité ?

J.-P.A. – L’amélioration du prix des céréales est une satisfaction pour les agriculteurs qui voient leurs revenus augmenter. Il faut se souvenir que ces dernières années, nous avons connu des marchés très déprimés et les céréaliers ont beaucoup souffert. Lorsque le marché est demandeur de produit, il paraît logique d’essayer de répondre à cette demande en essayant d’augmenter la productivité des parcelles. On observe effectivement un retour à la productivité et d’une manière générale les agriculteurs se montrent plus attentifs à la conduite des itinéraires culturaux. On assiste à une augmentation des apports de fumures de fond (acide phosphorique et potasse), mais les disponibilités sur ces produits restent faibles. Les fournisseurs d’engrais nous expliquent que cette situation d’approvisionnement tendue est liée au fait que les extractions de potasse sont actuellement limitées. Actuellement tous les engrais de fond sont importés, ce qui nuit aussi à la transparence des approvisionnements. L’ensemble de ces éléments a fait augmenter les prix des engrais de fond de manière très significative. Pour nous les distributeurs, cette situation de pénurie d’approvisionnement nous oblige à anticiper certains achats et à organiser le stockage des produits pour être en mesure ensuite de les mettre à disposition des agriculteurs au moment opportun. Par ailleurs, les conséquences du Grenelle de l’environnement risquent de modifier profondément les conditions d’utilisation des produits phytosanitaires, ce qui sur certaines cultures va poser de sérieux problèmes.

« L.P.V. » – Quel regard portez-vous sur l’état du vignoble charentais ?

J.-P.A. – De par notre métier, nous visitons beaucoup de parcelles de vignes et la vision que nous avons de la situation n’est guère optimiste. Les technicos qui passent dans les vignes plusieurs fois dans l’année me font régulièrement part de leurs inquiétudes. La crise terrible qu’a traversée la région délimitée n’a pas permis d’entretenir le potentiel viticole comme cela aurait dû être fait. Aujourd’hui, il est incontestable que dans l’ensemble le vignoble a beaucoup vieilli. Il manque beaucoup de pieds dans les parcelles, les conduites extensives montrent leurs limites, les maladies du bois font des ravages… Les vignes ont perdu de la productivité et sont plus sensibles aux aléas climatiques. La remise à niveau de l’outil de production va demander quelques années. Nous observons que les viticulteurs sont pleinement sensibilisés par ce problème et ils vont consacrer dans les années à venir des moyens importants au rajeunissement de leurs plantations.

« L.P.V. » – La coopérative va-t-elle s’engager au cours des prochains exercices dans de nouveaux investissements ?

J.-P.A. – Notre volonté reste toujours d’améliorer le fonctionnement au niveau des dépôts. Notre souhait est de faire des efforts pour mieux accueillir les adhérents et continuer les mises en conformité des équipements. Nous envisageons aussi d’accroître les moyens de stockage des céréales sur Rouillac et Genté en optant pour des équipements polyvalents aussi utilisables pour les engrais. Nous avons besoin de capacités de stockage supplémentaires pour mieux anticiper nos achats d’engrais et être moins dépendants de l’arrivée des bateaux. Pour l’instant nous en sommes au stade de la réflexion et ces projets devraient se finaliser au cours de l’exercice 2009-2010.

A lire aussi

Le vin face aux nouveaux enjeux de consommation

Le vin face aux nouveaux enjeux de consommation

Le vin, symbole emblématique de la culture et de l'économie française, est en pleine mutation. Malgré un chiffre d'affaires annuel de plusieurs milliards d'euros, la consommation de vin en France a diminué de 23 % depuis 2000. Pour mieux comprendre cette tendance,...

error: Ce contenu est protégé