« seule face à mes pieds de vignes »
Ouvrant le débat, M.-L. Saint-Martin a expliqué ses motivations à rejoindre le SGV Cognac- « Dans un cru un peu compliqué comme les Borderies, où j’exerce le métier de viticultrice depuis dix ans, j’avais envie de mieux comprendre le fonctionnement de la région. » Avant de s’installer à Meursac, en Bons Bois, Véronique Laprée travaillait à Paris, dans le domaine juridique. Son arrivée en terres viticoles représente un changement radical. « Moi qui avais toujours vécu entourée de collègues de travail, je me retrouvais seule face à mes pieds de vignes. D’où mon engagement. Je deviens administrateur du SGV quasi à sa création en 2001 avant de devenir membre de l’interprofession. Je fais partie du comité permanent du BNIC depuis 2006, seule femme parmi sept viticulteurs. C’est une expérience très riche mais aussi très stressante. Beaucoup de responsabilités pèsent sur les épaules. Au comité permanent, je représente le cru et j’explique les Bons Bois, une région assez vaste (environ 10 000 ha) située en périphérie et régulièrement sujette à des attaques en règle. Quand le Cognac n’en a plus besoin, il a tendance à la jeter comme un Kleenex. Il faut des viticulteurs très motivés pour travailler dans ce cru. » Depuis 2007, V. Laprèe est élue Chambre d’agriculture. Première adjointe au maire de sa commune, elle est suppléante du conseiller général de son canton. Et quand les journées sont trop remplies, le soir « c’est sandwichs pour tout le monde. » Reste que Véronique Laprée place sa famille au premier rang. « Je suis mère avant tout. »
« j’ai épousé un syndicaliste »
« J’ai épousé un syndicaliste convaincu. » Très tôt, Françoise de Larquier a su que dans le grand match de la vie, elle hériterait du rôle de pilier. Sur l’exploitation, elle s’occupe essentiellement de la commercialisation, de la gestion des livraisons, du magasin de vente. Ces fonctions l’occupent à plein temps. « Mon engagement à moi, dit-elle, c’est de soutenir l’engagement très fort de Jean-Bernard. » Un rôle que non seulement elle accepte mais qu’elle promeut auprès des autres femmes : « Je vous invite à vous engager mais aussi à soutenir vos compagnons dans leurs engagements syndicaux. » Le couple a trois enfants, âgés de 25, 23 et 14 ans.
Parce qu’elle était une femme, Elisabeth Michelon savait « qu’on l’attendait au tournant » quand elle a décidé de distiller elle-même sa récolte. « J’ai dû faire la preuve de mes compétences. » Bousculer les vieux schémas… Annie Bodin s’y est elle aussi colletée. « Dans les années 80, dit-elle, les gens ne s’attendaient pas à voir “une petite bonne femme” au volant d’une machine à vendanger. Certains s’arrêtaient au bord de la route. A l’époque, la femme était plutôt rivée au tirage de bois et à l’attachage. »
Ces pionnières, pour qui l’égalité des tâches a représenté un acquis n’ont pas forcément fait école. La nouvelle génération s’avère plutôt décomplexée par rapport à l’aspect métier. Pas de militantisme chez elles. Ainsi Laurence Février, de Macqueville, la trentaine, avoue ne pas avoir envie de monter sur une machine à vendanger. « Cela ne m’intéresse pas vraiment. » Elle défend plutôt la complémentarité homme/femme, en soulignant le « sacré atout » que représente la gente féminine en terme de vente directe auprès d’une clientèle plutôt masculine. « Autant en profiter ! » Le témoignage de Caroline Quéré-Jélineau n’est pas très éloigné « Quand je me suis installée, je voulais participer à tous les travaux. Je me disais qu’une exploitante devait être capable de tout faire. Mais les journées n’ont que 24 heures et, petit à petit, les rôles se répartissent selon les compétences. Mon mari s’occupe plus des traitements, des travaux de chai et moi de la commercialisation. Tout cela s’est fait très naturellement. En fin de compte, je trouve ça bien. » Pour autant, C. Quéré-Jélineau ne concevrait pas de vivre coupée de la production, elle qui a fait le choix de revenir sur l’exploitation « alors que de nombreuses filles de ma génération travaillent à l’extérieur. » En terme syndical, nonobstant son implication, elle a conscience d’avoir été, à un moment donné, « le bon numéro ». « Il fallait bien mettre une femme dans le bureau. » Elle évoque les difficultés de compréhension que suscite parfois son engagement professionnel auprès d’un mari « pas du tout engagé syndicalement ». « Il faut en permanence rechercher l’équilibre. »
Line Guillon, de Segonzac, est exploitante depuis 14 ans. Cette matinée consacrée à la femme, elle la redoutait un peu. « Il ne faudrait pas donner l’image de superwomen. Nous jouons un rôle mais il y a aussi des gens derrière nous, parents, mari, employés. » Dans son désir de ne pas simplifier à l’extrême une situation, elle est rejointe par Laurence Février. Cette dernière souligne la longue histoire des mouvements féminins en agriculture. « On ne part pas d’une terre vierge. Voilà quarante ans que les GDAR œuvrent dans ce sens. Je participe à celui de Matha, où je côtoie des femmes toutes plus âgées que moi. » Pour autant, est-ce si facile de s’insérer dans le monde agricole ? Une jeune femme de Saint-Fraigne, pas du tout du milieu ni même de la région, évoque la difficulté « à trouver sa place. » « On n’est pas là pour enfoncer nos compagnons mais ce n’est pas évident d’être reconnue. »
Sophie Boutinet-Mangeart fait partie des « multifonctionnelles ». Propriétaire de chambres d’hôtes de prestige – le logis d’Astrée à Saint-Bris-des-Bois – elle produit des vins de pays, en plus d’une activité de conseil dans l’informatique. Si être une femme dans un milieu d’hommes présente selon elle bien des avantages – « tout le monde trouve ça super bien, cela pique la curiosité des gens » – elle déplore un dialogue toujours aussi difficile en matière technique. « Le mur est loin d’être tombé. » Mariée à un viticulteur, Stéphanie Drouet fut viticultrice dix ans de sa vie. « Je me suis beaucoup investi dans le milieu. » Après la séparation du couple, elle s’est reconvertie professionnellement, tout en restant dans le secteur. Elle occupe un poste de commercial auprès de la tonnellerie Vicard. Comment allait-elle être accueillie par les vignerons ? Finalement, 2,5 ans plus tard, elle a l’impression d’être acceptée. « Je suis ravie. »
En fin de matinée, Marie-France Tarby, présidente de Vin & Société, est venue présenter l’activité de son association, dont le but consiste à promouvoir une consommation modérée de vin à travers le média internet. Présidente du Comité interprofessionnel des vins du Jura, M.-F. Tarby est la fille d’Henri Maire. Elle-même reconnaît que « ça aide. »
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