En acceptant de voir ouvrir la production de vins de pays à l’ensemble des zones viticoles, le président de la Confédération française des vins de pays ne prend-il pas un risque inconsidéré ? Au congrès de la CCVF (*) le 1er juillet dernier, Jean Huillet s’est ouvert sur l’état d’esprit qui le guidait dans cette démarche.
« Quand on joue ensemble et quand on laisse les équipes s’exprimer individuellement tout en ayant un jeu collectif, on gagne le match. » « Effectivement, il est très difficile d’abandonner son territoire d’expression et de surmonter sa peur (c’est le propre même de la peur) mais c’est pourtant ce qu’il faut s’efforcer de faire. » Avec de tels propos tenus lors du congrès de la CCVF, Jean Huillet, toujours aussi habile tribun, défendait-il la mixité du vignoble dans toutes les zones viticoles françaises ? Non, il évoquait la « maison commune « de la coopération, Coop de France, présidée par Philippe Mangin, et créée au forceps en décembre dernier. Reste que le « jeu collectif » pourrait très bien s’appliquer au binôme vins de pays/AOC et quand J. Huillet prétend qu’en tant que militant coopératif, il ne laissera pas la Confédération française des vins de pays hors du match sur la réorganisation de la filière (coopérative), on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec la filière viticole. Là aussi, Jean Huillet entend bien être dans le match. Au sujet de la crise viticole, préférant parler de « problématique nationale » que de « drame national », il y est allé lui aussi du petit jeu de la segmentation, si prisé cet an-ci. Simplement, il l’a ouvert à tous les produits viticoles, y compris les non-vins. Un raisonnement qui a le mérite de parler à toutes les régions et non seulement aux régions d’AOC. A partir des études de l’ONIVINS, il divise le marché en trois grandes catégories. La première tranche se constitue à ses yeux de « tout ce qui est en dessous d’un euro, jus de fruits, moûts concentrés, vins aptes à faire du brandy et certains vins de table ». Il dépeint la confusion qui y règne et les trop faibles rendements qui empêchent de dégager un revenu ha correct. « Il faut arrêter ! Ou alors décidons collectivement que ces débouchés sont destinés à l’Espagne et l’Italie et tirons-en les conséquences. Personnellement, je pense que ce serait dommage. » Jean Huillet a formulé le vœu d’une variable réglementaire portant sur les rendements ainsi que sur la mise en place d’un système d’identification parcellaire et d’engagement pluriannuel. La deuxième tranche visée est celle circonscrite entre 1 € et 4 €. C’est dans cette catégorie que le manque de lisibilité se fait le plus cruellement sentir.
470 AOC ET 125 vins de pays
Elle regroupe des vins de table, des vins de pays de zones (petite ou grande), des AOC génériques voire quelques AOC territoriales. « Que voulez-vous y comprendre quand il existe en France 470 AOC et 125 dénominations de vins de pays ! » Face à un besoin de clarification de l’offre et de segmentation, la contribution de la Confédération française des vins de pays a pour nom « mixité ». Que faut-il entendre par là ? La possibilité, pour toutes les régions viticoles d’AOC, de produire à côté des vins d’appellations des vins de pays alors que, jusqu’à présent, certaines zones en sont empêchées, par volonté délibérée des professionnels eux-mêmes, traduite au plan réglementaire. Ainsi, un décret modificatif sur les vins de pays excluait-il de la dénomination « vin de pays » les vins produits dans les départements suivants : Aube, Bas-Rhin, Côte-d’Or, Gironde, Haut-Rhin, Marne, Rhône (décret n° 95-538 du 4 mai 1995, paru au J.O. du 6 mai 1995). « En déverrouillant le système et en acceptant la mixité sur la totalité du territoire, nous faisons un énorme effort, commente J. Huillet. Certains vont se demander si nous ne sommes pas tombés sur la tête en créant notre propre concurrence. Je leur répondrai que la concurrence ne nous fait pas peur. Nous croyons en l’avenir. » Et puis le président de la Confédération française des vins de pays entend bien monnayer cette libéralité. Comment ? En obtenant l’interdiction effective d’indiquer le nom de cépage sur les bouteilles de vin d’AOC. Bon prince, il admet que certaines mentions ont l’antériorité pour elles, telle le Cabernet d’Anjou. « Nous n’allons pas tuer ces gens-là ! » Mais pour le reste, pas de dérive. Pour Jean Huillet, la mixité – si tant est qu’elle existe – se réalisera autour de vins standards et fruités, vendus autour de 2 €. Il leur verrait bien accoler une variable rendement, pour éviter « d’avoir le dos au mur » et pourquoi pas des dénominations de très grande zone telle que « vins de la région atlantique ». « Si les gens du Gers, du Midi-Pyrénées et de l’Aquitaine ont envie de le faire, qu’on les laisse faire et s’ils n’en ont pas envie, ils ne le feront pas. » « Est-ce utopique de penser, s’interroge-t-il, à un Sauvignon du Jardin de la Loire qui, assemblé à la rondeur du Sauvignon du Languedoc, servirait d’acidificateur ? » Par contre il se montre plus réticent à un « Vin de France » même si, dit-il, les négociants en seraient friands.
La troisième catégorie évoquée par Jean Huillet concerne « les vins de pays à identification générique forte, tels que les vins de pays d’oc, les coteaux de Gascogne, et puis, montant dans la hiérarchie, les AOC. Le président de la Confédération des vins de pays a rendu hommage à René Renou, le président du Comité vins et eaux-de-vie de l’INAO, pour l’intelligence qu’il avait su insuffler au débat. « Il souhaite rendre aux appellations ce qu’elles n’auraient jamais dû cesser d’être, le fondement du territoire et des hommes sur ce territoire. C’est la définition même d’une AOC. »
(*) CCVF : Confédération des coopératives vinicoles de France. Denis Verdier, président de la CCVF, a indiqué lors du congrès qu’un litre de vin sur deux en France était produit dans le cadre coopératif. Il a insisté sur le caractère « non délocalisable » et « non opérable » des coopératives. « Il s’agit d’une chance incroyable. De génération en génération, l’outil se transmet sans coûter un euro de frais de transmission. Alors que nous nous battons tous les jours pour défendre notre revenu, nous ne sommes pas un mouvement patronal, nous ne sommes pas des hommes d’affaires et encore moins des affairistes. »
Vins de pays charentais
Le Pinot Noir déclaré apte
Par arrêté modificatif du 27 août 2004, publié au J.O. du 31 août, le cépage Pinot noir rejoint la liste officielle des cépages aptes à produire du vin de pays charentais. Déjà classé depuis plusieurs années comme cépage recommandé dans les deux départements charentais puis accessible aux aides à la restructuration en 2002-2003, il ne figurait toujours pas dans le décret de production des VDPC. Une anomalie désormais réparée, après demande d’inscription par le syndicat des producteurs. Dès lors, ne restera plus au Pinot noir qu’à franchir une ultime étape : figurer parmi la liste annexe ouvrant droit à la mention du nom de cépage. L’an prochain peut-être ? Cépage rouge ou rosé à jus blanc, très implanté en Bourgogne et en Champagne, le Pinot noir reste confidentiel en Charentes (quelques ha en troisièmes feuilles) même si ses mérites furent vantés par le professeur Boubals, professeur émérite de viticulture à Segonzac.