Baptiste Loiseau – Rémy Martin

23 janvier 2012

Atypique, l’année 2011 n’est-elle pas annonciatrice d’une norme dans le futur ? Baptiste Loiseau, ingénieur-conseil de Rémy Martin, décrypte les leviers qualitatifs du millésime actuel. Il évoque aussi l’itinéraire technique des vins blancs de distillation, avec un point sur la maîtrise thermique. « Comment préserver la typicité de nos vins et de nos eaux-de-vie de Cognac ? »

p6.jpgVous confirmez que la campagne 2011-2012 n’est pas facile ?

Elle a été et reste toujours compliquée. Très tôt, au début de l’été, nous avons transmis nos préconisations à l’ensemble de nos partenaires de l’Alliance Fine Champagne. Nous avons recommandé de débuter les vendanges précocement, en tenant compte des contrôles de maturité, pour aller chercher cette acidité qui forge le profil des vins blancs de distillation. Tout le monde ne l’a pas fait. Les vendanges se sont étalées de fin août à fin septembre. Les vins les plus fragiles (peu acides ou issus de parcelles botrytisées) ont connu des problèmes de conservation, avec davantage de piqûre acétique, de piqûre lactique. De même, notre conseil de distiller tôt n’a pas toujours été suivi. Au final, les soucis qualitatifs sont plus nombreux que d’habitude. Sur les eaux-de-vie, nous constatons un peu plus d’acétate d’éthyle, et parfois un peu plus d’éthanal lié aux cuves en vidange. Par rapport à la moyenne des trois dernières années, nous sommes amenés à déguster 40 % d’échantillons en plus, pour assister les bouilleurs de cru. A côté de cela, les personnes qui ont vendangé tôt, distillé de bonne heure, nous présentent de très belles eaux-de-vie, typées Rémy Martin.

2011, une année atypique ?

Oui, sans nul doute. Je ne dispose pas d’énormément de recul mais, à ce que j’entends, le millésime 2011 se rapprocherait du millésime 2003.

Cela pose-t-il des problèmes d’appréciation ?

Chez Rémy Martin, l’appréciation de la qualité reste la même. Les cahiers des charges ne varient pas. Il n’y a que la dégustation qui fasse foi. L’analyse ne vient qu’en complément.

Voyez-vous s’amorcer des tendances de fond ?

Les travaux de la Station Viticole du BNIC le montrent bien. Depuis une dizaine d’années, les vendanges se font de plus en plus précoces, pour aller chercher, comme déjà dit, l’acidité. Ce fut le cas en 2003, 2005, 2009, 2011. La cadence de ces années précoces s’accélère. Dans quelques décennies, elles constitueront sans doute la norme. Les vins manifestent davantage de fragilité. Cela réclame une technicité supplémentaire au niveau des vendanges, de la vinification, de la conservation des vins. Vendanges précoces, hygiène parfaite, cuvier béton dégravelé… il suffit qu’un des leviers fasse défaut pour tout compromettre. Face à des vins de plus en plus fragiles, la dérive d’un seul facteur ne pardonne pas. Elle se paie « cash ».

La maîtrise thermique constitue-t-elle une solution ?

Nous sommes de plus en plus interrogés à ce sujet. Quel type d’installation mettre en place pour refroidir les moûts ou les vins en cours de fermentation ? La Chambre d’agriculture de Charente organise des formations. Le marché porteur permet d’envisager des investissements. Cela dit, la maîtrise thermique n’est qu’un des leviers sur lequel agir pour améliorerde la qualité des vins et des eaux-de-vie. Ce n’est pas le seul. Si l’hygiène est parfaite, les vendanges précoces et le rythme journalier d’apport des raisins au chai bien maîtrisé, on peut très bien s’en sortir sans maîtrise thermique, même une année comme 2011. La maîtrise thermique joue certes comme un « plus », mais à condition que tout soit réuni par ailleurs : hygiène, limitation de la trituration, pressurage adapté, levurage, apport d’azote… J’ai rencontré des personnes déçues que la maîtrise des températures n’apporte pas l’effet escompté. Par ailleurs, il convient de bien réfléchir à l’itinéraire technique. Comment conduire la maîtrise thermique ? Le but n’est pas de tout maîtriser à 18 °C en cours de fermentation. N’oublions pas que notre objectif est d’élaborer des vins blancs de distillation. La solution n’est pas de fermenter toute sa production à une température de 20 ou 22 °C. Ce n’est pas de cette manière que nous préserverions la typicité de nos vins. Par contre, la possibilité qu’offre la maîtrise thermique de refroidir les vins en fin de fermentation est indéniablement un « plus » en terme de conservation. C’est particulièrement vrai lorsque les températures extérieures restent élevées durant la période automnale.

 

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