Pendant plus de 20 ans, il fut « notre Michel », celui par qui tout passait. Il a relu nos textes, les a mis en forme, négocié avec le chef d’atelier et le conducteur de machine pour sauver le journal du « total retard ». Il nous a supporté – aimé ? – jamais laissé tomber. Il part à la retraite et nous sommes
tristes. Mais, suprême élégance, il nous a remis entre les mains de Florian. Et nous l’en remercions.
Michel s’appelle Michel Legrand et, croyez-le ou non, il est musicien. Nom prédestiné, oreille absolue, c’est le batteur d’un groupe qui, tous les étés, fait danser dans les bals et près des plages. Michel a aussi un autre don, celui de l’orthographe. Nous qui en sommes dépourvus – absolument et à jamais – nous en avons profité, sans limite. Avant que les correcteurs orthographiques un peu sérieux viennent chasser les fautes les plus criantes, nous savions que rien ne passerait du tamis de Michel. Ses classes, il les avait faites auprès du vieux M. Méron, typographe à l’imprimerie Bordessoules et « as » du Robert. Jeune typographe lui-même, Michel suit
la trace du maître. Il excelle dans l’art de déjouer les pièges de la conjugaison et des locutions incorrectes. Il nous sauve de la déroute. Avouez qu’un journal truffé de « coquilles », ça fait ballot. L’autre grande qualité de Michel, c’est de savoir prendre à bras-le-corps les textes les plus techniques. Même pas peur ! Il sait tout du mildiou, du Black Dead Arm (BDA), des prestations viniques ou de l’organigramme du BNIC. « Vous êtes sûr que… ». Il n’est pas toujours d’humeur à supporter nos caprices mais ne rechigne jamais à corriger un texte. A cet endroit, il démontre une patience à toute épreuve (sans jeu de mots). Le texte – l’exactitude du texte – c’est sacré. Les
« corrections d’auteur », il les intègre sans barguigner, deux fois, trois fois… quatre fois ? Ensemble, nous ferons un vrai travail de journalisme. Toute la différence entre une imprimerie « de labeur » – qui sait ce que la presse veut dire – et une imprimerie « de ville », spécialisée dans l’impression des cartes de visite, des faire-part de mariage et du calendrier des pompiers. Michel, c’est aussi notre « héraut », celui qui défend nos
intérêts quand il s’agit de grignoter trois jours ou de chiper la place d’un autre titre sur la « Komori », la grosse machine offset qui imprime les revues. Chez Bordessoules, Michel a la casquette Paysan vissée au front. Et il paie de sa personne. Combien de fois s’est-il retrouvé le samedi matin – voire plus mais on ne le criera pas sur les toits – en train de composer du Paysan sur l’écran de son Mac. Le salon Vinitech arrive. « Michel, il faut ab-so-lu–ment que nous soyons sortis pour le salon. Les annonceurs, tu comprends et patati et patata. »
Parfois il dit non. Mais souvent il dit oui. Pour l’intérêt du journal. A ce niveau, parler de « conscience professionnelle » est presque réducteur. Comme un grand frère, Michel veille à la fabrication et donc aux destinées du journal, dans la longue chaîne des métiers de la presse. Il accueille avec simplicité et bonhomie les « jeunes » qui changent la maquette, bouscule la couverture dans un élan coloré et rythmé. Ni pré carré ni petites mesquineries. Sa générosité, il nous la prouve une nouvelle fois en désignant, avec intelligence, tact et subtilité,
son successeur. La passation s’est faite sans douleur. Avec bonheur presque. Avec cette sécurité et cette confiance qui enchantèrent notre relation. Merci Michel.
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