Métier scénographe

16 novembre 2010

Christiane Lorenz* et son équipe ont mis en scène la thématique de la Maison de la Vigne et des Saveurs. La scénographie, un métier à la croisée de l’architecture, de l’urbanisme, de la muséographie, du monde du spectacle. Avec une dose de poésie en plus.

* Christiane Lorenz est directrice-gérante de l’agence de scénographie AVEC Ingénierie et Programmation. Son équipe compte six personnes. Son époux, Bernard Lorenz, dirige le cabinet d’architecte BL2 Architecture de Bordeaux, avec neuf collaborateurs. Bernard et Christiane Lorenz ont conçu et scénographié la Maison de la Vigne et des Saveurs.

mtier_scenographe.jpg« Le Paysan Vigneron » – De quand date votre métier ?

Christiane Lorenz – D’une certaine façon, il a toujours existé. Mais il a vraiment pris corps quand, il y a une vingtaine d’années, les musées se sont préoccupés, partout dans le monde, de « contextualiser » les œuvres. On ne pouvait plus se contenter d’accrocher les toiles aux cimaises. Il fallait les « contextualiser », c’est-à-dire les raccrocher à leur environnement culturel, historique. C’est ainsi qu’est née la muséographie. Puis le besoin a évolué. Il est sorti du musée. A la présentation des objets est venue s’ajouter la présentation de thématiques. Dans ce cadre-là, on parle plus volontiers de scénographie. La place de l’histoire – dans le sens du conte – y est plus importante, un peu comme au théâtre ou au cinéma. D’ailleurs notre métier emprunte beaucoup au monde du spectacle.

« L.P.V. » – En quoi ?

C.L. – Il faut faire preuve, bien sûr, de créativité. Mais, aussi et surtout, nous devons nous poser la question de fond : « quelle histoire ai-je envie de raconter ». Cela suppose d’écouter attentivement nos interlocuteurs, de nous imprégner de la thématique choisie. Depuis 15 ans, un métier nouveau est apparu, celui de programmiste. C’est justement celui qui planche sur le contenu. A partir du cahier des charges délivré par les donneurs d’ordre, il écrit l’histoire. Dans le jargon de la profession, on parle d’ailleurs de synopsis, comme au cinéma. Une fois ce synopsis écrit et validé par les spécialistes, le scénario est découpé en tranches. La scénographie intervient dans un second temps. Elle se charge d’illustrer l’histoire, littéralement de la mettre en scène.

« L.P.V. » – Votre métier s’appuie sur quelles compétences ?

C.L. – Les profils sont assez divers. Dans mon équipe sont mobilisées des compétences en architecture, en urbanisme, en muséographie, sans parler de la culture de chacun, sa sensibilité artistique, sa créativité. Un point fort me semble-t-il tient au partenariat étroit qui peut s’instaurer entre le scénographe et le cabinet d’architecte. Sur certains chantiers, ils forment une équipe très soudée, qui travaille de concert sur le bâtiment et la scénographie. Ce fut le cas à Archiac. Dans la Maison de la Vigne et des Saveurs, tous les aménagements intérieurs ont été dessinés par l’architecte. Dès la conception du bâtiment, lumière et paysages se sont imposés comme des éléments essentiels de la scénographie. Compte tenu de la beauté des paysages alentours, nous avons souhaité que se crée un véritable échange entre le dehors et le dedans.

« L.P.V. » – A quelle problématique étiez-vous confronté avec le projet d’Archiac ?

C.L. – Il fallait illustrer non pas des objets mais une thématique – celle de la vigne et des saveurs – à travers ses composantes viticole, culturelle, touristique. Dans un espace plutôt petit, nous voulions donner l’idée de grandeur. D’où la proposition d’un parcours en boucle. Sans perdre de temps, le visiteur devait tout de même consacrer un peu de temps à sa visite. Dans un centre d’interprétation de la vigne et des saveurs, il fallait que les notions de plaisir, de sensualité se reflètent dans l’aménagement. C’est pourquoi nous avons voulu solliciter tous les sens, l’ouïe, l’odorat, la vue, le toucher. Et bien sûr, il fallait créer un espace où tout le monde se sentent bien, petits et grands, professionnels et amateurs. L’une des difficultés majeures fut d’écrire un synopsis ramassé de quelques pages alors que l’histoire de la viticulture saintongeaise justifierait une thèse.

« L.P.V. » – Dans ce genre d’entreprise, recherchez-vous systématiquement l’originalité ?

C.L. – Bien sûr qu’il faut être original. Aujourd’hui, les gens se déplacent beaucoup. On ne peut pas leur montrer ce qu’ils ont vu 15 km plus loin. Mais, en même temps, méfions-nous de l’originalité à tous crins. Les éléments en place doivent tenir dans le temps. Il faut pouvoir réintervenir dessus deux ou trois ans plus tard. Et je ne dirai rien de la qualité des matériaux et des installations. Le public s’habitue à voir des choses de plus en plus belles.

« L.P.V. » – Quels sont vos clients, entreprises privées, collectivités territoriales ?

C.L. – A 90 %, nous travaillons pour des collectivités locales ou territoriales. En France, nous sommes peut-être 150 à exercer la profession de scénographes. Dans notre sillage et celui des musées, s’est développé une série de métiers, maquettistes, spécialistes de l’audiovisuel, du multimédia… L’éclairage des objets et des thématiques réclame des techniques un peu spécifiques, hors des sentiers battus.

« L.P.V. » – Quels chantiers vous occupent en ce moment ?

C.L. – Nous travaillons dans le Gers sur un gros site archéologique. Dans votre région, nous avons réalisé la scénographie du musée des Arts du Cognac. Plus récemment, mon équipe et moi-même avons participé au centre d’interprétation de l’Art roman à Saint-Amant-de-Boixe ainsi qu’au centre d’interprétation Gallo-Romain des Bouchauds, près de Rouillac.

« L.P.V. » – Craignez-vous l’écueil de la répétition ?

C.L. – Pas vraiment. Le renouvellement s’accomplit de façon naturelle, en fonction du sujet, du contexte. J’imagine que nous utiliserions des dispositifs tout à fait différents de ceux d’Archiac si nous devions travailler à un centre d’interprétation du Vin de Bourgogne ou du Champagne.

« L.P.V. » – Vous intervenez partout en France ?

C.L. – Disons que nous nous limitons volontairement au très grand Sud-Ouest, de la région Centre jusqu’au Midi-Pyrénées. Quand les chantiers réclament une présence quasi hebdomadaire, il paraît difficile de passer 8 heures sur la route. Une obligation de proximité existe.

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